mardi 31 mai 2022

du mois de juin 2022

 

du mois de juin 2022

On connait juin et ses orages, sa saint Médard au dicton si populaire avec son compagnon Barnabé, sa Fête de la Musique et la saint Jean et ses feux. Je voudrais rappeler dans cette chronique deux saints qui passent inaperçus, l’un qui nous rapproche des orages fréquents en ce mois et l’autre des moissons. Erasme le 2 juin et Guy le 15 juin.

Ce 2 juin on fête Erasme dont le nom est devenu par altération Elme, qui nous laisse cette expression « feu de Saint Elme ». De quoi s’agit-il ?

Erasme était évêque de Formia en Italie, au IV e siècle. Condamné à être brûlé vif il fut enduit de poix. La poix brûla mais pas l’homme. On dit aussi qu’il aurait continué à prêcher après que la foudre eut frappé le sol près de lui. Ce serait l’origine de l’expression « le feu de saint Elme » pour un feu qui ne brûle pas.

L’expression « feu de saint Elme » est en effet très étroitement liée à une période de mauvais temps et d’orages. 

Les marins ont appelé « feu de saint Elme », un phénomène qui se produit souvent par temps d’orage au sommet de la mâture des vaisseaux et se manifeste par l’apparition d’une aigrette brillante et de petites gerbes de feu se déplaçant sur les cordages. Il engendre frayeurs et superstitions. « Le feu de saint Elme allant aux mâts, indique le vent grands ébats » ; « le feu de Saint Elme sur le pont, garez de la mer l’entrepont ».

Saint Elme devint ainsi patron des marins qui redoutent les gros orages en mer. Un feu de saint Elme est alors vu comme un signe de protection du saint.

Il s’agit en fait d’une décharge électrique plus ou moins continue de faible intensité, qui émane d’objets présentant un champ électrique superficiel élevé. « Il y a de l’électricité dans l’air » et certains d’entre nous y sont plus sensibles que d’autres. L’explication est récente, la description est ancienne. A ne pas confondre avec la foudre !

On sait aujourd’hui que cela peut se produire aussi en très haute altitude, au-dessus des cumulonimbus, aux extrémités des ailes des avions. Un phénomène similaire a été observé le 24 juin 1982, lorsque le Vol 9 British Airways a traversé un nuage de cendres volcaniques rejetées par l'éruption du Galunggung en Indonésie, ce qui entraîna l'arrêt des quatre moteurs.

Pline l'Ancien avait déjà observé le phénomène comme suit : « Il se montre des étoiles dans la mer et sur la terre. J'ai vu, la nuit, pendant les factions des sentinelles devant les retranchements, briller à la pointe des javelots des lueurs à la forme étoilée. Les étoiles se posent sur les antennes et sur d'autres parties des vaisseaux avec une espèce de son vocal, comme des oiseaux allant de place en place. Cette espèce d'étoile est dangereuse quand il n'en vient qu'une seule ; elle cause la submersion du bâtiment ; et si elle tombe dans la partie inférieure de la carène, elle y met le feu. Mais s’il en vient deux, l'augure en est favorable ; elles annoncent une heureuse navigation : l'on prétend même que, survenant, elles mettent en fuite Hélène, c'est le nom de cette étoile funeste et menaçante. Aussi attribue-t-on cette apparition divine à Castor et à Pollux, et on les invoque comme les dieux de la mer. La tête de l'homme est quelquefois, pendant le soir, entourée de ces lueurs, et c'est un présage de grandes choses. La raison de tout cela est un mystère caché derrière la majesté de la nature. »

Hergé, en 1960, décrit le feu de saint Elme dans Tintin au Tibet : lorsque le capitaine Haddock escalade un flanc de montagne, son piolet est soudain enveloppé par un champ électrique (curieusement de couleur verte), et Tintin lui explique le phénomène.

Dans le roman Moby-Dick d'Herman Melville, au chapitre CXIX, les Bougies : « Regardez là-haut ! cria Starbuck, le feu Saint-Elme ! les revenants ! les revenants ! » Les extrémités des vergues étaient entourées d'un feu pâle, et, touchées au sommet de chaque paratonnerre à triple pointe, par de blanches flammes effilées, les trois grands mâts brûlaient silencieusement dans l'air sulfureux, comme trois cierges gigantesques devant un autel.

Dans le film de même nom, de John Huston, vers la quatre-vingt-dixième minute, le capitaine Achab maitrise le feu de Saint-Elme.

Jules Verne lui aussi évoque ce phénomène dans « Voyage au centre de la Terre » quand un orage est sur le point de se déclarer dans la grotte souterraine. Un feu de Saint-Elme se déclare sur le mât de leur radeau.

On trouve encore ce phénomène dans le roman « Premier de cordée » de Frison-Roche lorsqu'un orage s'abat sur une cordée se trouvant dans le massif des Drus.

Un phénomène et une expression liés aux caprices du temps, à la mauvaise humeur de Junon et au mois de juin !

Le branle de Saint-Elme est une danse traditionnelle spécifique à la corporation des marins de Marseille. Primitivement, jusqu'en 1700, ce branle en l'honneur de saint Elme, fut un grand défilé dans la cité phocéenne. Il se déroulait annuellement et attirait nombre de spectateurs étrangers. Sans doute interdit, le branle refit son apparition et fut pratiqué, en présence d'un prêtre, avant chaque baptême d'un bateau et sa mise à flot. C'est actuellement l'une des plus célèbres danses folkloriques provençales avec la farandole.

En se basant sur l'Histoire de la ville de Marseille que Louis Antoine de Ruffi publia en 1696, Louis-Antoine-François de Marchangy, écrivait en 1825 : « La fête de saint Lazare attire à Marseille un nombre infini d'étrangers, curieux de voir le branle de saint Elme. Ce branle est une danse de tous les garçons et de toutes les filles de petit état, qu'on habille le plus magnifiquement possible. La ville leur fait faire des vêtements de brocard, et les dames de Marseille se font un plaisir de prêter à cette pauvre et honnête jeunesse des parures du plus grand prix. Telle chambrière, tel artisan, porte des perles et des pierreries pour plus de trois ou quatre cent mille francs, et il est notoire que jamais dans cette confusion de tant de richesses, il ne s'est rien perdu ou larronné. On ne saurait dire combien le branle de saint Elme cause d’allégresse à toute la ville lorsqu'il défile au son des tambours. ». Puis il indique que le branle de saint Elme eut lieu jusqu'au commencement du XVIIIe siècle.

C'est ce que signalent Diderot et d'Alembert dans leur Encyclopédie : « Branle de Saint Elme, fête qui se célébroit autrefois à Marseille la veille de Saint Lazare. On choisissoit les plus beaux garçons et les filles les mieux faites ; on les habilloit le plus magnifiquement qu'on pouvoit ; cette troupe représentoit les dieux de la fable, les différentes nations, et, elle étoit promenée dans les rues au son des violons et des tambours. Cette mascarade s'appelloit le branle de saint Elme. ». Philippe Le Bas, dans son Dictionnaire encyclopédique de l'Histoire de France, confirme : « Cette fête a été supprimée vers l'an 1703. ».

Le branle de Saint-Elme renaquit pourtant lors de la mise à l'eau de chaque nouveau bateau. D'un défilé des plus beaux pêcheurs et les plus accortes poissonnières, il devint un jeu entre les marins et leurs épouses, un jeu où danseurs et danseuses ont un rôle égal. Danseuses et danseurs, au cours du branle, main dans la main, font cercle autour du bateau. Leur danse n'avait qu'un but sacraliser leur embarcation en exécutant autour d'elle un enchaînement de pas très enlevé

Par ce symbole de l'encerclement, ils font de lui un objet sacré. Le but de cette chaîne symbolique est de l'envelopper d'une ambiance favorable et d'influences bénéfiques.

Placer sa barque sous la protection du saint était un jour de fête. Les marins, qui devaient embarquer, arrivaient dès l'aube, pour faire glisser leur barque sur terre ferme jusqu'à l'endroit choisi pour la cérémonie. Là, ils attendaient qu'arrive la procession portant la bannière de saint Elme

Sur le rythme des tambourins et de bachas, danseuses et danseurs faisaient le tour du quartier précédés par chef de leur prud'homie. Puis ils exécutaient le branle autour du bateau en jetant des fleurs sur le pont. Leur danse finie, le prêtre donnait sa bénédiction.

C'était une nécessité pour les marins qui s’apprêtaient à partir en mer avec la nouvelle embarcation. Plusieurs autres rites symboliques ont été soulignés dans cette danse dont celui du mât, assimilé à un arbre cosmique, de la marche en serpent des danseurs, symbole de la fertilité.

Ce n'est qu'ensuite que le patron régalait tout le monde lors d'un banquet où figuraient les tourtihado (gâteau à l'anis en forme de couronne).

Jusqu'à la révolution, les marins marseillais placèrent leur corporation sur son vocable. Il était censé de protéger tous les bâtiments allant sur mer du feu de Saint-Elme, un phénomène électrique qui annonce l'approche ou la fin d'une tempête.

Et notre grand Frédéric Mistral d’écrire :

Ieu ausi amont lo gau

Que canta sus lo teume

Adiéu patron Sigaud

Lo brande de Sant-Eume

Lo gau ò non lo gau

Fasèm coma se l'è-è-ra

Lanlira, lanlèra

E vòga la galèra

J’entends là-haut le coq

qui chante sur le tillac

Adieu Patron Sigaud

Le Branle de Saint Elme

Le coq ou pas le coq

Faisons comme si ça l’était

Lanlire lanlère !

Une autre danse proche de celle de saint Elme est reliée à la fête de saint Guy célébrée en ce mois de juin, à la date du 15.  La « danse de Saint Guy » est reliée cette fois aux moissons de ce mois puisqu’elle aurait son origine dans l’ergot du seigle (dont était fait le pain), un champignon hallucinogène.  On se souvient du « pain maudit » de Pont Saint Esprit.

Guy viendrait du prénom germanique Wido, dont un élément - wid- signifie bois. On dit aussi saint Vite ou saint Vit, ou saint Guido. « La pluie à saint Vit un bon an donnera, mais l’orge en souffrira » dit-on en Alsace. On dit aussi : « Pluie de saint Guy c’est tout l’an qui rit ». Une bonne pluie serait en effet particulièrement la bienvenue cette année.

Saint-Guy était censé guérir cette maladie, d’où son nom : « la danse de saint Guy ».  Si les expressions françaises peuvent souvent donner lieu à des dérives humoristiques, ce n'est pas le cas de celle-ci qui correspond à une maladie nerveuse touchant les enfants (chorée de Sydenham) ou les adultes (chorée de Huntington) et qui se manifeste, entre autres, par des mouvements brusques, désordonnés et incontrôlables, surtout dans les membres.

Au Moyen-Âge, les malades atteints de chorée étaient souvent considérés comme possédés par le démon et brûlés vifs.

Mais pourquoi avoir appelé cette maladie la danse de saint Guy ?

Son histoire exacte n'est pas vraiment connue. Une légende dit que Vitus (équivalent latin de Guy), né en Sicile, fut martyrisé d'abord à 12 ans dans son pays par son gouverneur Valérien, parce qu'il refusait d'adorer les idoles. Provoquant des guérisons miraculeuses, il fut ensuite amené devant l'empereur Dioclétien qui lui fit subir divers supplices peu agréables qui ont finalement abouti à sa mort.

Au IXe siècle, il se produisit des miracles au cours du transfert des reliques de saint Guy, depuis Saint-Denis en France vers la Saxe, et c’est ainsi que naquit, dit-on le culte de saint Guy, protecteur des épileptiques et des malades atteints de chorée. Bizarrement, ces malades souffraient de troubles variés s'amplifiant à l'approche de la fête de la saint Guy. Ils se rendaient alors en pèlerinage dans l'une ou l'autre église qui lui était consacrée pour y danser, afin, en théorie, de se libérer de leurs angoisses et de leur mal. « Il se contorsionne, il grimace, une sorte de danse de saint Guy disloque tous ses mouvements, il s'exhibe dans des poses grotesques » écrit Nathalie Sarraute dans « L'ère du soupçon »

Deux originalités de ce mois de juin à rapprocher de Junon et de ses caprices.

Juin nous amène souvent des orages, subits et violents comme ces derniers jours depuis la Pleine Lune du 16 mai et ceux annoncés pour les jours qui viennent. Aviez-vous remarqué que le changement de temps est intervenu après cette Pleine Lune dite « Lune des Fleurs » ?  Juin qui doit son nom à Junon, avec ses orages et ses fréquents changements de temps,  est à rapprocher des caprices de la déesse la déesse de la Fécondité connue pour ces sautes d’humeur imprévisibles. Ce n’est pas par hasard que nos Anciens lui avaient dédié ce mois ! Alors bannissons à jamais cette expression de « Jamais vu » dont nos medias nous abreuvent. Ce n’est pas nouveau qu’il y a des orages en juin ! 

 

La pleine lune est le mardi 14 juin 2022. C’est la « Lune des fraises », lesquelles fraises sont déjà mûres depuis plusieurs semaines. On force la nature à produire toujours plus tôt, commerce oblige ! C'est une super lune ! La « super lune » survient lorsque la Lune est au périgée, c'est-à-dire elle atteint son orbite le plus proche de la Terre. Une pleine lune se produit une fois par un cycle de la Lune (29,5 jours), mais les « super lunes » sont beaucoup plus rares. Ce phénomène ne se produit généralement qu'une à deux fois par an. En 2022 cela arrivera deux fois : 14 juin 2022 : « Super lune des Fraises » et le 13 juillet 2022 : « Super Lune du Tonnerre » on dit aussi parfois « lune du cerf » ainsi nommée parce que les agriculteurs ont découvert qu’à cette époque de l’année les bois des cerfs mâles étaient en pleine croissance.

C'est un phénomène astrologique que beaucoup attendaient avec impatience. La pleine lune de juin atteindra son illumination maximale à 13 h 52 du 14 juin (Heure de paris). À ce-moment-là, la Lune se trouvera à environ 363 808km de la Terre. Dans la nuit du lundi 13 et le mardi 14 juin 2022 brillera dans le ciel une lune plus grande et plus lumineuse. C'est l'occasion parfaite pour lever les yeux et prendre le temps d'admirer cette "super Lune". Tant que la couverture nuageuse ne sera pas très épaisse, cette phase lunaire sera visible à l'œil nu.

Pour ce qui est des prévisions  pour ce début de mois, je cite un service des  plus fiables : « les orages vont faire à nouveau parler d'eux en fin de semaine et plus particulièrement pour ce long week-end de la Pentecôte. Le risque orageux concernera les trois quarts du pays, avec de nouvelles pluies qui pourront atténuer localement une sécheresse sévère.

Alors que le week-end de l'Ascension a oscillé entre le rouge et le noir sur les routes, vous serez à nouveau nombreux pour ce week-end, et ce lundi de Pentecôte. Cette journée sera fériée pour certains et travaillée pour les entreprises ayant choisi ce jour comme journée de solidarité en faveur des personnes âgées et des handicapés. Bison futé voit rouge vendredi dans le sens des départs, et jaune samedi au niveau national. Il faudra vous armer de patience si vous envisagez de prendre la route, d'autant plus que les orages pourraient vous accompagner tout ou partie de votre trajet...et de votre week-end.

Des orages assurément, mais une fiabilité encore limitée

Dès vendredi, une dépression associée à une goutte froide d'altitude (poche d'air froid) va remonter de péninsule ibérique vers le sud-ouest. En surmontant l'air chaud remontant des pays du Maghreb, elle va déstabiliser l'atmosphère et générer des orages, surtout en fin d'après-midi, à l'heure où les températures seront les plus élevées, et à l'heure des départs en week-end.

Pour samedi, les derniers modèles de prévision montrent que les régions s'étendant du sud-ouest au Val de Loire et au nord-est seraient touchées par une dégradation orageuse. Les orages pourraient remonter en soirée jusque sur le sud de la Bretagne et du Bassin parisien. Les régions situées entre la Manche et la Belgique resteraient à l'écart de cette dégradation.

Pour dimanche, la dépression arrivée par le sud-ouest samedi pourrait se diriger vers le nord-est avec des averses orageuses qui menaceraient la plus grande partie du pays, à l'exception de l'extrême nord-ouest et du littoral méditerranéen.

Pour le lundi de Pentecôte, l'anticyclone pourrait regonfler par l'ouest et la dépression se décaler vers l'Europe Centrale. Les averses orageuses persisteraient dans l'est, tandis qu'un temps plus sec avec de belles éclaircies reviendrait par l'ouest.

La fiabilité de cette prévision est encore assez limitée, car certaines modélisations de l'atmosphère voient traîner plus longtemps la dépression, avec le maintien d'une instabilité qui pourrait concerner encore de nombreuses régions, ce que nous affinerons dans le courant de nos prochains bulletins. »

Il semblerait, en l’état actuel des observations, que notre Midi serait épargné de ces orages ! Nous verrons bien !

Addisias

 

 

 

mercredi 4 mai 2022

A propos du mois de mai 2022

  du mois de mai 2022

  « Voici le mois de mai où les fleurs volent au vent.. » (air connu). Ce mois de mai chanté par les poètes avec des belles chansons qui vont du « temps du muguet » au « temps des cerises » est marqué par la lune Rousse dont personne ne parle, par les saints de glace auxquels on ne croit plus, par le fête du travail et ses lendemains qui chantent, par la fête des Mères le 29 de ce mois et par les ponts tant attendus ! … entre autres ! Pour cette chronique, je laisse de côté volontairement le muguet et l’origine de la fête du travail. Tout a été dit et redit par nos médias.

A Rome, ce mois était consacré à Malia, mère de Mercure et déesse de la terre qui nourrit les hommes. On y célébrait la fête des esprits malins. Mai était considéré comme néfaste aux unions et Ovide déconseillait « d’allumer en ce mois les flambeaux de l’hyménée, car ils se changeaient bientôt en torches funestes ». Au Moyen Age, l’auteur du calendrier des laboureurs confirme cette réputation : « Si le commun du peuple dit vrai, mauvaise femme s’épouse en mai ». On dit aussi : « Noces de mai, noces mortelles ».

Mai, c’est le Floréal du calendrier républicain. Les Romains célébraient en fin avril et au début mai, la fête de Flore. C’est l’origine de nos « Floralies » et de nos « fêtes des jardins » organisées ici et là.

En 1323 le roi Charles le Bel confirma la fondation de la célèbre « Académie des Jeux Floraux » à Toulouse. Pour nous, gens du Languedoc, le 11 mai c’est la Sainte Estelle, jour anniversaire de la création du Félibrige, en 1854, à Fontségugne.

L’Eglise a fait de ce mois un mois consacré à la Vierge Marie.

Cette année le mois de mai est marqué par le démarrage d’un nouveau mandat présidentiel et nous allons dans les jours qui viennent ne plus entendre parler que de période d’ « Etat de Grâce » et des « Cent Jours », en référence à ces jours de Napoléon revenu au pouvoir entre mars et juillet 1815.

L’expression « les Cent Jours » au rythme des élections, est devenue une expression journalistique pour désigner le moment de la vie politique pendant lequel l'opinion publique d'un pays est majoritairement favorable aux nouveaux dirigeants qui viennent d'accéder au pouvoir à la suite d'une élection. Les journalistes parlent des « 100 jours » comme étant une période privilégiée pour un nouvel élu pour faire ses preuves. Pour voir ses capacités à mettre en œuvres ses promesses. « Et les fruits passeront les promesses des fleurs ! » écrivait Malherbe dans sa « Prière pour le Roy Henry le Grand allant en Limozin ».  Relisons ensemble quelques vers de cette prière et vous ferez vous-mêmes les transpositions nécessaires 


Nous sommes sous un roi si vaillant et si sage,
Et qui si dignement a fait l’apprentissage
De toutes les vertus propres à commander,
Qu’il semble que cet heur nous impose silence,
Et qu’assurés par lui de toute violence
Nous n’avons plus sujet de te rien demander.

Certes quiconque a vu pleuvoir dessus nos têtes
Les funestes éclats des plus grandes tempêtes

Qu’excitèrent jamais deux contraires partis,
Et n’en voit aujourd’hui nulle marque paraître,
En ce miracle seul il peut assez connaître
Quelle force a la main qui nous a garantis.
…………………………………………………………..
Un malheur inconnu glisse parmi les hommes,
Qui les rend ennemis du repos où nous sommes :
La plupart de leurs vœux tendent au changement ;
Et, comme s’ils vivaient des misères publiques,
Pour les renouveler ils font tant de pratiques,
Que qui n’a point de peur n’a point de jugement.
………………………………………………………..
En ce fâcheux état ce qui nous réconforte,
С’est que la bonne cause est toujours la plus forte,
Et qu’un bras si puissant t’ayant pour son appui,
Quand la rébellion, plus qu’une hydre féconde,
Aurait pour le combattre assemblé tout le monde,
Tout le monde assemblé s’enfuirait devant lui.
……………………………………………………..
Tu nous rendras alors nos douces destinées ;
Nous ne reverrons plus ces fâcheuses années
Qui pour les plus heureux n’ont produit que des pleurs.
Toute sorte de biens comblera nos familles,
La moisson de nos champs lassera les faucilles,
Et les fruits passeront la promesse des fleurs.

Les quinquennats se suivent et se ressemblent à certains égards. L'étape des « Cent jours » survient vers le 15 août. Ce sera le moment du premier bilan, espérons cette fois marqué par des constats positifs et non dominé par le désenchantement des périodes passées.  Car nous n’en avons pas fini avec les promesses liées aux prochaines élections à venir en juin. On essaie de refaire des bouquets plus convenables, plus présentables. Puisque c’est le mois de mai « dites-le avec des fleurs ! ». Mais attention on ne fait pas des bouquets n'importe comment. Il y a même des fleurs incompatibles entre elles ! 

A ce stade, et sans aucune arrière-pensée, j’ai envie de citer Monsieur Malaussène de Daniel Penac :« L'avenir c'est la trahison des promesses, le dernier des députés et le meilleur des amis vous le confirmeront ! "

Je le fais avec beaucoup de prudence car il ne faudrait pas que cela soit entendu comme un encouragement à ne pas utiliser ce droit acquis si durement qu’est le droit de vote. Si nous ne sommes pas contents c’est une bonne occasion de le dire, en participant aux votes. Il ne faut pas venir râler après !

C’est du mois de mai qu’on tire l’expression « planter le mai ». Quand il y avait des élections municipales et que les élus l’étaient pour la première fois, ses colistiers venaient planter un arbre en son honneur. C’était souvent l’occasion d’un bon repas ou du moins de boire ensemble un bon verre. L’arbre était généralement un sapin ébranché auquel on ne conservait que la cime. Il était décoré d’un drapeau tricolore, parfois d’une pancarte sur laquelle était écrit : « Honneur à notre élu » C’est une tradition qui se perpétue encore dans nos villages, pour les élections municipales.

Il est curieux de faire le rapprochement entre quantité d’autres évènements qui ont eu lieu en mai, comme la très vieille coutume qui, sous les Carolingiens, voulait que ce soit le mois où se tenaient les assemblées politiques.

Auparavant chez les Francs, les guerriers se réunissaient autour de leur chef, dans un lieu qu’on appelait « le Champ de Mars » puis « champ de mai ». On les nommait ainsi car elles se tinrent d’abord en mars sous les Mérovingiens, puis en mai après 755 sous les Carolingiens. Ce changement de mois était justifié pas ma nécessité de pouvoir ravitailler en fourrage frais les chevaux de la cavalerie.

On appelait ces assemblés « placita ». Les Francs leur donnaient le nom de « mais ». Ces assemblées avaient un double caractère : elles étaient tantôt des revues militaires ou des réunions solennelles dans lesquelles tous les hommes libres venaient rendre hommage au chef suprême des Francs, et lui apporter leurs dons annuels ; tantôt des réunions plus actives où le souverain convoquait soit les leudes( membres de la haute aristocratie) et les guerriers pour les consulter sur quelque expédition militaire, soit les évêques pour régler leurs différends avec la royauté, ou pour prendre leurs conseils sur la direction des affaires de l'État. Si le discours des chefs plaisait, les guerriers applaudissaient en frappant leurs boucliers de leurs framées (sorte de lance chez les Francs). Sinon ils étouffaient sa voix par des murmures. Les framées ont été remplacées par les pupitres de nos élus ! Nous en sommes témoins devant nos écrans ! En revanche chez les Francs l’absentéisme que nous constatons aussi, était traité de la façon la plus radicale qui soit !

Ces assemblées, tenues irrégulièrement sous les Mérovingiens, devinrent beaucoup plus fréquentes sous les premiers Carolingiens ; mais après Charles Le Chauve, toute trace de cette institution disparaît.

Les champs de mai furent remplacés par les Etats Généraux.

Je relève encore qu’on appelle « le champ de mai » cette assemblée tenue en 1815, finalement le 1er juin, pendant les Cent Jours, grande célébration pendant laquelle Napoléon fit proclamer les actes additionnels aux constitutions de l’Empire, c’est-à-dire faire ce qu’il n’avait pas fait ou pas pu faire auparavant !

Dans le système politique du royaume de France, les Etats Généraux du royaume étaient une assemblée réunissant les trois ordres (les états) de la société : la noblesse, le clergé et le tiers état. Ils étaient convoqués, sur ordre du roi, dans des circonstances exceptionnelles (crise politique ou financière, guerre ou question diplomatique majeure). Cette assemblée était, entre autres, seule habilitée à réformer la fiscalité générale ou, dans une moindre mesure, à statuer sur des problèmes dynastiques, en vue de traiter la crise rencontrée.

L'institution est créée en 1302 par le roi Philippe le Bel pour donner une apparente légitimité à ses décisions. À l'origine, ils réunissaient le clergé, la noblesse et la bourgeoisie des bonnes villes (que l'on nommera rétrospectivement, à partir de la Révolution, troisième état puis de Tiers Etat).

C’est une véritable assemblée « nationale » avant l'heure, fondée sur les principes fondamentaux, selon lesquels : les peuples de France ne sont pas tributaires mais libres ; aucune contribution ne peut être exigée d'eux sans leur consentement ; le gouvernement du roi se fait toujours par conseils (les états généraux étant le conseil le plus large qu'un souverain puisse réunir autour de lui).

Cette assemblée n'avait en revanche aucun rôle législatif ou juridictionnel : ces compétences relevaient des parlements avec lesquels elle ne doit pas être confondue, et qui n'avaient elles aussi pas un pouvoir législatif, qui appartenait au roi. Les députés des états généraux, quel que soit leur ordre respectif, étaient investis d'un mandat impératif et non représentatif : ils étaient porteurs des doléances des habitants de leur circonscription (bailliages et sénéchaussées) et ne pouvaient nullement s'arroger le droit de parler en leur nom (règle que les députés des états généraux de 1789 n'ont pas respectée puisqu'ils se sont arrogé un mandat représentatif sans avoir été élus pour cela). On n’est pas très éloignés d’une crise récente qui a sévi dans notre pays, d’un tour de France qui fit grand bruit à grand renfort de médias, et de cahiers de doléances établis à cette occasion.  « Et les fruits passeront la promesse des fleurs ! ».  

Les Etats Généraux se réunirent sur une période de 487 ans, jusqu'en 1789. 21 fois au 14ème siècle. 6 fois au 15ème, 5 fois au 16ème, puis une seule fois au 17ème siècle en 1614. Avec la montée de l'absolutisme royal il n'y eut plus de réunion jusqu'en 1789.  Je relève en forme de clin d’œil à la situation actuelle dans notre pays, que pour cette assemblée, le Roi dans le discours d’ouverture avait déclaré vouloir « écouter les plaintes de ses sujets et pourvoir à leurs griefs ». Déjà en 1614, la Noblesse et le Tiers-Etat, avaient demandé la permission de se joindre au Clergé, afin que les trois ordres puissent délibérer ensemble. 1789 n’a rien inventé ! On connait la suite ! C’était au mois de mai.  

Je regarde encore d’un œil amusé les incohérences des défenseurs aveugles d’une certaine laïcité. Iraient-ils, dans leur logique, jusqu’à demander la suppression des jours fériés de ce mois ? et des autres qui tout au long de l’année ponctuent des ponts, congés ou jours fériés, qui n’ont rien à voir avec un acquis social ? Que diraient nos instances représentatives des personnels si on supprimait le 15 août ou le 1er novembre ou encore la Noël ?

Il nous faudrait un peu plus de culture sur l’origine de nos fêtes comme cette chronique s’est souvent attachée à le rappeler.

La Fête des mères qui est le 29 mai cette année, s’inscrit dans toute une série de célébrations qui de tout temps, rendaient hommage aux mères et aux femmes. Matralia dans l’antiquité ; Fête de la natalité sous Napoléon ; Fête des Enfants en 1897, puis Journée des Mères en 1918 et Journée nationale des Mères en 1941, pour enfin devenir la fête des Mères instituée par décret du Président Vincent Auriol le 24 mai 1950, et fixée définitivement au dernier dimanche du mois de mai.

Mai c’est encore les Saints de Glace parmi les plus connus, les 11,12 et 13 mai, dont la fête cette année est en pleine période de « lune Rousse ». Je ne reviens pas sur ce que j’ai écrit le mois dernier. Ces jours-ci, les effets de la Lune Rousse se font sentir. Nous avons des orages et de la grêle. La Lune Rousse ce n’est pas nécessairement du gel comme le terme « Saint de Glace » le fait trop penser. La Pleine Lune du 16 mai et à l’éclipse qui aura lieu ce jour pourraient nous apporter un temps perturbé.  

Nous ne serons vraiment tranquilles qu’après le 25 mai, car : « le vigneron n’est pas assuré que la saint Urbain ne soit passée ». Et « à l’ascension, dernier frisson » le 26 mai.

En conclusion de cette chronique, voici une bien belle histoire parmi tant d’autres qui se sont déroulées en mai. Oui je sais je redis cette histoire chaque année. Mais elle est si belle !  C’est en effet au mois de mai 1654, que vit le jour, à Uzès, le « roi des triolets » comme le déclarait le célèbre érudit Ménage. Jacques de Ranchin, neveu des Ranchin d’Uzès, ébloui de voir Sylvie de Rossel, la fille de Claude de Laudun sortant de l’hôtel d’Aigaliers en tomba aussitôt amoureux. Le coup de foudre dirions-nous aujourd’hui ! Il lui écrivit ceci :

 Le premier jour du mois de Mai

Fut le plus heureux de ma vie.

Je vous vis et je vous aimai,

Le premier jour du mois de Mai.

 

Le beau dessein que je formai !

Si ce dessein vous plait Sylvie,

Le premier jour du mois de Mai,

Fut le plus heureux de ma vie.

 

Le lendemain il alla demander la main de Sylvie à Madame d’Aubarne d’Aigaliers, et le 24 mai 1654, bien qu’il soit de mauvais goût de se marier en mai, il l’épousait au temple d’Uzès. Ce furent des noces splendides qui durèrent un mois.

 Adissias !       

le 4 mai 2022