du mois de juin 2022
On connait juin et ses orages, sa saint Médard au dicton si populaire avec son compagnon Barnabé, sa Fête de la Musique et la saint Jean et ses feux. Je voudrais rappeler dans cette chronique deux saints qui passent inaperçus, l’un qui nous rapproche des orages fréquents en ce mois et l’autre des moissons. Erasme le 2 juin et Guy le 15 juin.
Ce 2 juin on fête Erasme dont le nom est devenu
par altération Elme, qui nous laisse cette expression « feu de Saint Elme ».
De quoi s’agit-il ?
Erasme était évêque de Formia en Italie, au IV e
siècle. Condamné à être brûlé vif il fut enduit de poix. La poix brûla mais pas
l’homme. On dit aussi qu’il aurait continué à prêcher après que la foudre eut
frappé le sol près de lui. Ce serait l’origine de l’expression « le feu de
saint Elme » pour un feu qui ne brûle pas.
L’expression « feu de saint Elme » est en
effet très étroitement liée à une période de mauvais temps et d’orages.
Les marins ont appelé « feu de saint Elme »,
un phénomène qui se produit souvent par temps d’orage au sommet de la mâture
des vaisseaux et se manifeste par l’apparition d’une aigrette brillante et de
petites gerbes de feu se déplaçant sur les cordages. Il engendre frayeurs et
superstitions. « Le feu de saint Elme allant aux mâts, indique le vent
grands ébats » ; « le feu de Saint Elme sur le pont, garez de la
mer l’entrepont ».
Saint Elme devint ainsi patron des marins qui
redoutent les gros orages en mer. Un feu de saint Elme est alors vu comme un
signe de protection du saint.
Il s’agit en fait d’une décharge électrique plus
ou moins continue de faible intensité, qui émane d’objets présentant un champ
électrique superficiel élevé. « Il y a de l’électricité dans l’air » et
certains d’entre nous y sont plus sensibles que d’autres. L’explication est
récente, la description est ancienne. A ne pas confondre avec la foudre !
On sait aujourd’hui que cela peut se produire
aussi en très haute altitude, au-dessus des cumulonimbus, aux extrémités des
ailes des avions. Un phénomène similaire a été observé le 24 juin 1982, lorsque
le Vol 9 British Airways a traversé un nuage de cendres volcaniques rejetées
par l'éruption du Galunggung en Indonésie, ce qui entraîna l'arrêt des quatre
moteurs.
Pline l'Ancien avait déjà observé le phénomène
comme suit : « Il se montre des étoiles dans la mer et sur la terre. J'ai
vu, la nuit, pendant les factions des sentinelles devant les retranchements,
briller à la pointe des javelots des lueurs à la forme étoilée. Les étoiles se
posent sur les antennes et sur d'autres parties des vaisseaux avec une espèce
de son vocal, comme des oiseaux allant de place en place. Cette espèce d'étoile
est dangereuse quand il n'en vient qu'une seule ; elle cause la submersion du
bâtiment ; et si elle tombe dans la partie inférieure de la carène, elle y met
le feu. Mais s’il en vient deux, l'augure en est favorable ; elles annoncent
une heureuse navigation : l'on prétend même que, survenant, elles mettent en
fuite Hélène, c'est le nom de cette étoile funeste et menaçante. Aussi
attribue-t-on cette apparition divine à Castor et à Pollux, et on les invoque
comme les dieux de la mer. La tête de l'homme est quelquefois, pendant le soir,
entourée de ces lueurs, et c'est un présage de grandes choses. La raison de
tout cela est un mystère caché derrière la majesté de la nature. »
Hergé, en 1960, décrit le feu de saint Elme dans
Tintin au Tibet : lorsque le capitaine Haddock escalade un flanc de montagne,
son piolet est soudain enveloppé par un champ électrique (curieusement de
couleur verte), et Tintin lui explique le phénomène.
Dans le roman Moby-Dick d'Herman Melville, au
chapitre CXIX, les Bougies : « Regardez là-haut ! cria Starbuck, le feu
Saint-Elme ! les revenants ! les revenants ! » Les extrémités des vergues
étaient entourées d'un feu pâle, et, touchées au sommet de chaque paratonnerre
à triple pointe, par de blanches flammes effilées, les trois grands mâts
brûlaient silencieusement dans l'air sulfureux, comme trois cierges
gigantesques devant un autel.
Dans le film de même nom, de John Huston, vers la
quatre-vingt-dixième minute, le capitaine Achab maitrise le feu de Saint-Elme.
Jules Verne lui aussi évoque ce phénomène dans «
Voyage au centre de la Terre » quand un orage est sur le point de se déclarer
dans la grotte souterraine. Un feu de Saint-Elme se déclare sur le mât de leur
radeau.
On trouve encore ce phénomène dans le roman «
Premier de cordée » de Frison-Roche lorsqu'un orage s'abat sur une cordée se
trouvant dans le massif des Drus.
Un phénomène et une expression liés aux caprices
du temps, à la mauvaise humeur de Junon et au mois de juin !
Le branle de Saint-Elme est une danse
traditionnelle spécifique à la corporation des marins de Marseille.
Primitivement, jusqu'en 1700, ce branle en l'honneur de saint Elme, fut un
grand défilé dans la cité phocéenne. Il se déroulait annuellement et attirait
nombre de spectateurs étrangers. Sans doute interdit, le branle refit son
apparition et fut pratiqué, en présence d'un prêtre, avant chaque baptême d'un
bateau et sa mise à flot. C'est actuellement l'une des plus célèbres danses
folkloriques provençales avec la farandole.
En se basant sur l'Histoire de la ville de
Marseille que Louis Antoine de Ruffi publia en 1696, Louis-Antoine-François de
Marchangy, écrivait en 1825 : « La fête de saint Lazare attire à Marseille
un nombre infini d'étrangers, curieux de voir le branle de saint Elme. Ce
branle est une danse de tous les garçons et de toutes les filles de petit état,
qu'on habille le plus magnifiquement possible. La ville leur fait faire des
vêtements de brocard, et les dames de Marseille se font un plaisir de prêter à
cette pauvre et honnête jeunesse des parures du plus grand prix. Telle
chambrière, tel artisan, porte des perles et des pierreries pour plus de trois
ou quatre cent mille francs, et il est notoire que jamais dans cette confusion
de tant de richesses, il ne s'est rien perdu ou larronné. On ne saurait dire
combien le branle de saint Elme cause d’allégresse à toute la ville lorsqu'il
défile au son des tambours. ». Puis il indique que le branle de saint Elme
eut lieu jusqu'au commencement du XVIIIe siècle.
C'est ce que signalent Diderot et d'Alembert dans
leur Encyclopédie : « Branle de Saint Elme, fête qui se célébroit autrefois
à Marseille la veille de Saint Lazare. On choisissoit les plus beaux garçons et
les filles les mieux faites ; on les habilloit le plus magnifiquement qu'on
pouvoit ; cette troupe représentoit les dieux de la fable, les différentes
nations, et, elle étoit promenée dans les rues au son des violons et des
tambours. Cette mascarade s'appelloit le branle de saint Elme. ». Philippe
Le Bas, dans son Dictionnaire encyclopédique de l'Histoire de France, confirme
: « Cette fête a été supprimée vers l'an 1703. ».
Le branle de Saint-Elme renaquit pourtant lors de
la mise à l'eau de chaque nouveau bateau. D'un défilé des plus beaux pêcheurs
et les plus accortes poissonnières, il devint un jeu entre les marins et leurs
épouses, un jeu où danseurs et danseuses ont un rôle égal. Danseuses et
danseurs, au cours du branle, main dans la main, font cercle autour du bateau.
Leur danse n'avait qu'un but sacraliser leur embarcation en exécutant autour
d'elle un enchaînement de pas très enlevé
Par ce symbole de l'encerclement, ils font de lui
un objet sacré. Le but de cette chaîne symbolique est de l'envelopper d'une
ambiance favorable et d'influences bénéfiques.
Placer sa barque sous la protection du saint
était un jour de fête. Les marins, qui devaient embarquer, arrivaient dès l'aube,
pour faire glisser leur barque sur terre ferme jusqu'à l'endroit choisi pour la
cérémonie. Là, ils attendaient qu'arrive la procession portant la bannière de
saint Elme
Sur le rythme des tambourins et de bachas,
danseuses et danseurs faisaient le tour du quartier précédés par chef de leur
prud'homie. Puis ils exécutaient le branle autour du bateau en jetant des
fleurs sur le pont. Leur danse finie, le prêtre donnait sa bénédiction.
C'était une nécessité pour les marins qui
s’apprêtaient à partir en mer avec la nouvelle embarcation. Plusieurs autres
rites symboliques ont été soulignés dans cette danse dont celui du mât,
assimilé à un arbre cosmique, de la marche en serpent des danseurs, symbole de
la fertilité.
Ce n'est qu'ensuite que le patron régalait tout
le monde lors d'un banquet où figuraient les tourtihado (gâteau à l'anis en
forme de couronne).
Jusqu'à la révolution, les marins marseillais
placèrent leur corporation sur son vocable. Il était censé de protéger tous les
bâtiments allant sur mer du feu de Saint-Elme, un phénomène électrique qui
annonce l'approche ou la fin d'une tempête.
Et notre grand Frédéric Mistral d’écrire :
Ieu ausi amont lo gau
Que canta sus lo teume
Adiéu patron Sigaud
Lo brande de Sant-Eume
Lo gau ò non lo gau
Fasèm coma se l'è-è-ra
Lanlira, lanlèra
E vòga la galèra
J’entends là-haut le coq
qui chante sur le tillac
Adieu Patron Sigaud
Le Branle de Saint Elme
Le coq ou pas le coq
Faisons comme si ça
l’était
Lanlire lanlère !
Une autre danse proche de celle de saint Elme est
reliée à la fête de saint Guy célébrée en ce mois de juin, à la date du
15. La « danse de Saint Guy » est reliée
cette fois aux moissons de ce mois puisqu’elle aurait son origine dans l’ergot
du seigle (dont était fait le pain), un champignon hallucinogène. On se souvient du « pain maudit » de Pont
Saint Esprit.
Guy viendrait du prénom germanique Wido, dont un
élément - wid- signifie bois. On dit aussi saint Vite ou saint Vit, ou saint
Guido. « La pluie à saint Vit un bon an donnera, mais l’orge en souffrira »
dit-on en Alsace. On dit aussi : « Pluie de saint Guy c’est
tout l’an qui rit ». Une bonne pluie serait en effet particulièrement
la bienvenue cette année.
Saint-Guy était censé guérir cette maladie, d’où
son nom : « la danse de saint Guy ».
Si les expressions françaises peuvent souvent donner lieu à des dérives
humoristiques, ce n'est pas le cas de celle-ci qui correspond à une maladie
nerveuse touchant les enfants (chorée de Sydenham) ou les adultes (chorée de
Huntington) et qui se manifeste, entre autres, par des mouvements brusques,
désordonnés et incontrôlables, surtout dans les membres.
Au Moyen-Âge, les malades atteints de chorée
étaient souvent considérés comme possédés par le démon et brûlés vifs.
Mais pourquoi avoir appelé cette maladie la danse
de saint Guy ?
Son histoire exacte n'est pas vraiment connue.
Une légende dit que Vitus (équivalent latin de Guy), né en Sicile, fut
martyrisé d'abord à 12 ans dans son pays par son gouverneur Valérien, parce
qu'il refusait d'adorer les idoles. Provoquant des guérisons miraculeuses, il
fut ensuite amené devant l'empereur Dioclétien qui lui fit subir divers
supplices peu agréables qui ont finalement abouti à sa mort.
Au IXe siècle, il se produisit des miracles au
cours du transfert des reliques de saint Guy, depuis Saint-Denis en France vers
la Saxe, et c’est ainsi que naquit, dit-on le culte de saint Guy, protecteur
des épileptiques et des malades atteints de chorée. Bizarrement, ces malades
souffraient de troubles variés s'amplifiant à l'approche de la fête de la saint
Guy. Ils se rendaient alors en pèlerinage dans l'une ou l'autre église qui lui
était consacrée pour y danser, afin, en théorie, de se libérer de leurs
angoisses et de leur mal. « Il se contorsionne, il grimace, une sorte de
danse de saint Guy disloque tous ses mouvements, il s'exhibe dans des poses
grotesques » écrit Nathalie Sarraute dans « L'ère du soupçon »
Deux originalités de ce mois de juin à rapprocher
de Junon et de ses caprices.
Juin nous amène souvent des orages, subits et
violents comme ces derniers jours depuis la Pleine Lune du 16 mai et ceux
annoncés pour les jours qui viennent. Aviez-vous remarqué que le changement de
temps est intervenu après cette Pleine Lune dite « Lune des
Fleurs » ? Juin qui doit
son nom à Junon, avec ses orages et ses fréquents changements de temps, est à rapprocher des caprices de la déesse la
déesse de la Fécondité connue pour ces sautes d’humeur imprévisibles. Ce n’est
pas par hasard que nos Anciens lui avaient dédié ce mois ! Alors
bannissons à jamais cette expression de « Jamais vu » dont nos medias
nous abreuvent. Ce n’est pas nouveau qu’il y a des orages en juin !
La pleine lune est le mardi 14 juin 2022. C’est la « Lune des
fraises », lesquelles fraises sont déjà mûres depuis plusieurs
semaines. On force la nature à produire toujours plus tôt, commerce
oblige ! C'est une super lune ! La «
super lune » survient lorsque la Lune est au périgée, c'est-à-dire elle atteint
son orbite le plus proche de la Terre. Une pleine lune se produit une fois par
un cycle de la Lune (29,5 jours), mais les « super lunes » sont beaucoup plus
rares. Ce phénomène ne se produit généralement qu'une à deux fois par an. En
2022 cela arrivera deux fois : 14 juin 2022 : « Super lune des Fraises » et le 13
juillet 2022 : « Super Lune du Tonnerre » on dit aussi parfois « lune du
cerf » ainsi nommée parce que les agriculteurs ont découvert qu’à cette
époque de l’année les bois des cerfs mâles étaient en pleine croissance.
C'est
un phénomène astrologique que beaucoup attendaient avec impatience. La pleine
lune de juin atteindra son illumination maximale à 13 h 52 du 14 juin (Heure de
paris). À ce-moment-là, la Lune se trouvera à environ 363 808km de la Terre.
Dans la nuit du lundi 13 et le mardi 14 juin 2022 brillera dans le ciel une
lune plus grande et plus lumineuse. C'est l'occasion parfaite pour lever les
yeux et prendre le temps d'admirer cette "super Lune". Tant que la
couverture nuageuse ne sera pas très épaisse, cette phase lunaire sera visible
à l'œil nu.
Pour
ce qui est des prévisions pour ce début
de mois, je cite un service des plus fiables : « les orages vont faire à nouveau
parler d'eux en fin de semaine et plus particulièrement pour ce long week-end
de la Pentecôte. Le risque orageux concernera les trois quarts du pays, avec de
nouvelles pluies qui pourront atténuer localement une sécheresse sévère.
Alors que le week-end de l'Ascension a oscillé entre le rouge
et le noir sur les routes, vous serez à nouveau nombreux pour ce week-end, et
ce lundi de Pentecôte. Cette journée sera fériée pour certains et travaillée
pour les entreprises ayant choisi ce jour comme journée de solidarité en faveur
des personnes âgées et des handicapés. Bison futé voit rouge vendredi dans le
sens des départs, et jaune samedi au niveau national. Il faudra vous armer de
patience si vous envisagez de prendre la route, d'autant plus que les orages
pourraient vous accompagner tout ou partie de votre trajet...et de votre
week-end.
Des orages assurément, mais une fiabilité encore limitée
Dès vendredi, une dépression associée à une goutte froide
d'altitude (poche d'air froid) va remonter de péninsule ibérique vers le sud-ouest.
En surmontant l'air chaud remontant des pays du Maghreb, elle va déstabiliser
l'atmosphère et générer des orages, surtout en fin d'après-midi, à l'heure où
les températures seront les plus élevées, et à l'heure des départs en week-end.
Pour samedi, les derniers modèles de prévision montrent que
les régions s'étendant du sud-ouest au Val de Loire et au nord-est seraient
touchées par une dégradation orageuse. Les orages pourraient remonter en soirée
jusque sur le sud de la Bretagne et du Bassin parisien. Les régions situées
entre la Manche et la Belgique resteraient à l'écart de cette dégradation.
Pour dimanche, la dépression arrivée par le sud-ouest samedi
pourrait se diriger vers le nord-est avec des averses orageuses qui
menaceraient la plus grande partie du pays, à l'exception de l'extrême
nord-ouest et du littoral méditerranéen.
Pour le lundi de Pentecôte, l'anticyclone pourrait regonfler
par l'ouest et la dépression se décaler vers l'Europe Centrale. Les averses
orageuses persisteraient dans l'est, tandis qu'un temps plus sec avec de belles
éclaircies reviendrait par l'ouest.
La fiabilité de cette prévision est encore assez limitée, car
certaines modélisations de l'atmosphère voient traîner plus longtemps la
dépression, avec le maintien d'une instabilité qui pourrait concerner encore de
nombreuses régions, ce que nous affinerons dans le courant de nos prochains
bulletins. »
Il
semblerait, en l’état actuel des observations, que notre Midi serait épargné de
ces orages ! Nous verrons bien !
Addisias