La saint Valentin,
tout comme Noël et bien d’autres fêtes sur lesquelles je vous ai souvent
entretenus, s’inscrit dans ces fêtes créées pour lutter contre les pratiques et
les coutumes corrompues du culte des idoles et des dieux païens. Après la chute
de Rome en 476, on assiste à la décadence de l’Empire Romain d’Occident. Seule
la religion conserve une organisation stable et forte. Les autorités de
l’église, en reprenant certains rites, et en les « christianisant »
tentent de donner un sens plus acceptable à des fêtes et à des coutumes, à une
époque où les mœurs dégénéraient complètement en l’absence d’autorité capable
de s’imposer. Ce sont tantôt des fêtes de la lumière et du soleil renaissant
qui symbolisent si bien la venue de Jésus, Lumière du monde, de la Purification
comme nous l’avons vu au début de ce mois, ou celles d’un saint, symbolisant
par sa vie, son exemple et souvent son martyre, le rite qu’on célébrait alors,
à l’appui de l’évolution du temps, des phases de la lune et du cycle de la
terre autour du soleil, puisque ces choses-là ont une telle influence sur les
humains et sur la nature, entre autres. C’est le cas de la saint Valentin.
Voici pourquoi.
L’empereur Claude, dit
Le Cruel, avait beaucoup de difficultés pour trouver des soldats pour ses
multiples campagnes militaires. Il décida d’interdire le mariage de ses soldats
car, pour lui, les hommes mariés ne faisaient pas de bons soldats. Valentin qui
était prêtre de la religion chrétienne, décida alors de marier secrètement les
jeunes amoureux. Pour avoir transgressé la loi, Claude le fit arrêter. On était
en 268.
Dans sa prison,
Valentin fit la connaissance de son geôlier qui avait une fille aveugle, du nom
de Julia. Touché par la douleur de cet homme, il rendit la vue à cette enfant
et convertit toute la famille à la religion chrétienne. L'empereur ne tarda pas
à apprendre le miracle. Valentin fut battu, brisé par les coups de bâtons des
soldats romains, pour être enfin décapité sur la voie flaminienne, le 14
février 268. On dit que Julia planta un arbre sur sa tombe. Cet arbre aux
fleurs blanches légèrement teintées de roses, qui a commencé de fleurir en fin
janvier dans nos régions méridionales était sans doute un amandier, symbole
d’Amour et d’Amitié.
A la
font de Nîmes
I a un
amètlier
Que fa
de flors blancas
Coma de
papier .
Se canta que canta…(air connu).
Il existe à Rome une
catacombe de saint Valentin, témoin de la vénération dont fut, de tout temps,
entouré cet illustre martyr.
Sous le pontificat du
pape Gélase, en 496, la fête de saint Valentin, fut instaurée le 14 février, la
veille des grandes fêtes des Lupercales, pour tenter de faire disparaître ce
qui était devenu une véritable « fête du sexe illicite ».
Il est amusant de
constater, que ce pape Gélase, était né en Kabylie, à une époque où la terre
d’Afrique du Nord était en grande partie chrétienne, - pensez aussi à saint
Augustin !- .On peut dire que ce Gélase
est à l’origine du droit canonique, ne serait-ce que par ses
lettres qui traitent toutes de la
gestion et de l’administration de l’église. Ce berbère, rétablit l’ascendant du
pape sur l’autorité des empereurs : « Il y a auguste empereur, deux pouvoirs principaux pour régir le
monde : l’autorité sainte des pontifes et la puissance royale. Des deux,
celle des prêtres est d’autant plus importante qu’ils doivent, dans leur
jugement divin, rendre compte au Seigneur des rois eux-mêmes. » (extrait
d’un des fragments des 43 lettres conservées au Bristish Museum et publiées en
1885 à Liepzig).
C’est sous son règne
très court (4 ans) qu’on vit apparaître le mot fabrique pour
désigner la masse des biens affectés à la construction des églises, ce qui
s’étendra ensuite à la masse des biens affectés à leur entretien, sous Grégoire
1er (590-604). C’est de là que viendront jusqu’à la séparation de
l’église et de l’état, les conseils de
fabrique, ancêtres de nos conseils de gestion paroissiaux, et
c’est eux qui nous ont valu, ces fameux bancs de fabrique, que l’on voit encore dans bien des
églises, bancs quelquefois très ouvragés, à ne pas confondre avec les stalles
des chanoines et du clergé. C’est Gélase qui fit instituer un caissier spécial,
un laïc, dans chaque diocèse, pour « réguler » le pouvoir trop
important des évêques et leur avarice qui absorbait tous les revenus du diocèse
au détriment des communautés.
Il est également
important de noter que cette époque du pontificat de Gélase, fut une époque de
grande de réformes. Il fallait suppléer à la décadence de l’administration
romaine et organiser partout des règles pour régir les peuples. C’est ainsi
qu’en février 506, à Aire sur Adour, le roi Wisigoth qui règne alors sur la
région de Toulouse, fait publier un recueil de lois connu sous le nom de bréviaire
d’Alaric. Ce document établit un
nouveau droit à l’usage des Barbares et des Gallo-Romains et il confirme la
prépondérance des premiers sur les seconds.
Ces précisions me
paraissaient importantes pour expliquer la nécessité devant laquelle se
trouvaient alors les pouvoirs en place, d’organiser la vie publique.
On comprend mieux cela
quand on voit les débuts de dérapages de certaines fêtes, telle halloween, et
la très large exploitation commerciale qui tourne autour de la saint Valentin.
Il suffit d’ouvrir la télévision aujourd’hui !
Les Lupercales étaient une grande fête païenne de l'amour et de la fécondité.
La fête comportait
trois actes :
- le sacrifice d'un
bouc, sur les flancs du mont Palatin, dans la grotte où la louve, selon la
légende, avait allaité Romus et Romulus, les jumeaux fondateurs de Rome ;
- la course des
Lupercales au cours de laquelle des hommes à demi-nus vêtus d’une simple peau
de bouc, courraient après les femmes et les cinglaient des lanières découpées
dans la peau de la bête qu'on venait d'égorger. Les Romains prétendaient que
les coups de lanières favorisaient la fécondité et la montée du lait chez les
femmes.
Le dieu de la fête
était Faunus, le maître des forces naturelles et de la fertilité.
un banquet qui
dégénérait la plupart du temps en véritable orgie…romaine cela va de soi !
Ces fêtes qui avaient
ainsi dégénéré, s’inscrivaient à leur origine, dans la lignée des cérémonies de
purification et d’expiation des offenses commises envers les dieux. A cette
occasion les maisons étaient traditionnellement nettoyées. Après avoir balayé
les pièces intérieures, on les aspergeait de sel et de blé. C’est ce rite de la
purification des maladies et des fièvres, « februa », qui est
à l’origine du mot février.
De façon plus
poétique, le rapprochement avec les amoureux pourrait aussi venir d'Angleterre,
où on disait, au Moyen-Age, que les oiseaux commençaient à s'accoupler pour le
14 février.
Un vieux proverbe
occitan dit la même chose de façon élégante :
« Per la San valentin, l'agasso mounto sou pin
; si noun li jai, ti tengues paga gai »
Proverbe qu'on peut
traduire ainsi : pour la saint Valentin
la pie monte sur le pin; Si elle n'y fait pas son nid, ne te réjouis pas trop
vite.
Ce proverbe est lié à
l'observation du temps de ce jour de milieu février, où la nature fait
quelquefois ressentir les premiers frémissements d'un réveil du printemps.
Cette année encore le
temps très doux est là pour notre plus grand bonheur, pas toujours celui des
gérants des stations de ski ! enfin la nôtre, l’Aigoual... ! A
inscrire au registre du « faut pas rêver » !
Si donc aujourd’hui
les oiseaux ne commencent pas à faire leur nid malgré une température plus
douce, c’est signe que l’hiver n’est pas fini !
Si vous voyez les pies
commencer à faire leur nid ce sera meilleur signe ! Pour ma part j’en ai
vu plusieurs ce jour veille de Saint Valentin.
On dit aussi que
Charles d’Orléans, prisonnier en Angleterre après la défaite d’Azincourt, avait
observé ainsi le jeu des oiseaux, et qu’il aurait alors imaginé d’écrire des
messages d’amour et de tendresse à sa bien-aimée, messages qui sont devenus,
après qu’ils aient été institués à la Cour de France, « les
valentines », ces cartes décorées de cœurs et de cupidons, ornées de
dentelles, de soie, de satin, de fleurs, voire aussi parfumées, qui apparurent
à l’époque victorienne et que Monsieur Howland, papetier américain importa aux
USA en 1848 et dont on dit que les Américains sont très friands…
La légende de saint
Valentin traversa les siècles et en 1496, sur décision du pape Alexandre VI,
saint Valentin devint le patron des amoureux, des fiancés et de tous les jeunes
gens et jeunes filles, dont le comportement est si proche de celui des oiseaux…
sans monter sur un arbre… ! …
Depuis 140 ans, les
reliques de saint Valentin reposent dans l'église de Roquemaure, dans le Gard,
au bord du Rhône. Culte des reliques… Influence des reliques ! mais
quelles reliques, et de quel Valentin car il y a au moins 7 Valentins… La
logique voudrait que ce soient celles du prêtre romain du 3ème
siècle, à moins que ce soient celles du saint évêque de Terni, ou bien qu’il
s’agisse du même, car l’histoire n’est pas très sûre à ce sujet.
Ce qui est plus sûr
c’est que en 1866 le phylloxera fit son apparition dans le Gard à
Aramon, puis à Roquemaure. Ce sont les « tâches de Roquemaure ». C’est la catastrophe. Le
riche propriétaire du domaine de Clary, à Roquemaure, décide de faire
l’acquisition, à Rome, d’un saint protecteur. Le 25 octobre 1868, l’évêque de
Nîmes, Monseigneur Plantier, célèbre l’arrivée des reliques, dans une grande
liesse. Sur la place de la Pousterle, le panégyrique de saint Valentin est dit
en présence d’une foule immense qui ensuite accompagne les reliques vers la
collégiale où désormais elles demeurent dans une chasse. En 1988, le curé de
Roquemaure, l’abbé Durieu propose de commémorer cet évènement et d’organiser
chaque année une grande fête de l’amour et de l’amitié, si bien que Roquemaure
est devenue, dans notre région, la capitale des amoureux avec sa Festo di poutoun. En 1995, Monseigneur Cadillac évêque
de Nîmes a présidé ces cérémonies leur apportant un regain d’intérêt. Des
festivités remarquables ont lieu chaque week-end proche de la saint Valentin.
Les gens du pays, habillés comme en 1868, font revivre les métiers d’autrefois,
et défilent en cortège (plus de 800 personnes). Mais cette année pour cause de
froid ces fêtes viennent d’être annulées.
Roquemaure, c'est le
village où fut chanté pour la première fois, « Minuit Chrétiens »
le fameux cantique écrit par Placide Carpeau, enfant du pays. Il était
interprété par Emilie Laurey, dans l’église de Roquemaure, accompagnée sur le
magnifique orgue qui date de 1690. On était le 24 décembre 1847. Mais cela
c'est une autre histoire !
Quant à la relation
entre saint Valentin et le phylloxera, il n’y a, à ma connaissance, aucune
relation…pouvoir des reliques… !
Bonne fête des
amoureux, Bonne fête des amours, Bonne festo
di poutoun (des bisous…) comme on dit à Roquemaure.
Pour ce qui est du
temps, des proverbes et de la lune :
« Tel temps le jour de la saint Valentin,
tel temps au printemps qui vient. »
Mais aussi :
« Valentin et Faustin font gelée sur leur
chemin ! »
La courbe lunaire a
commence de descendre le 3, et la pleine lune était le 7. Le temps change
aujourdh’ui car il y a un nœud lunaire.
Cela pourrait durer jusqu’à la nouvelle lune du 21. Mais nous ne serons
rassurés qu’à la fin du mois : « février
est un malin qui cache l’hiver au fond de son sac ! »
Ou bien : « Si
février ne donne de la teste, il donnera de la quoueste. »
A moins qu’après la
nouvelle lune le froid disparaisse ou revienne comme en 1956 où il y avait eu deux
pointes à la fameuse vague de froid ! : « A la saint Florent l’hiver cesse ou reprend ». Ce pourrait être
le 24 pour la saint Mathias : « Saint
Mathias brise la glace, S’il n’y en a pas, il en fera. »
Il est plus prudent
d’attendre un peu pour entreprendre la taille des arbres et arbustes de toute
sorte et donc de vos rosiers. On peut par contre épandre du compost ou du
fumier dans votre jardin. C’est un bon exercice physique pour se désengourdir
du froid.
Un autre anniversaire
important en ce 15 février, la Convention, en 1794, impose le drapeau
tricolore, bleu, blanc, rouge. Le décret, pris à l’initiative du pasteur André
Jeanbon, dit Jeanbon Saint André, député de Montauban, prit effet à compter du
1er prairial an II (20 mai 1794) mais cette décision eut bien du mal
à s’imposer puisqu’il fallut attendre la troisième république et le président
Jules Grévy, pour que cet emblème soit solennellement consacré, le 14 juillet
1880 par sa remise à tous les corps de l’Etat.
Le 21 février, c’est
mardi-gras, jour de carnaval. « Carnaval » vient de l’italien
« carnalevare » signifiant « sans viande », « enlever
la viande » car la période qui va suivre le Mardi Gras sera une période de
jeûne.
Dans les pays
anglophones on nomme ce jour Fat Thuesday, Shrove Tuesday ou encore Mardi Gras
day.
En général on ne mange
pas de gras pendant le carême. La veille du début du carême, le Mardi Gras, les
gens avaient pris l’habitude, dit-on, d’utiliser ce qui reste de graisse pour
faire des fritures, beignes, bugnes, beignets, bougnettes dans le Midi ou
oreillettes. Il était aussi de coutume d’arrêter de manger des œufs durant le
carême. C’est pour cela que se serait instaurée la tradition de faire des
crêpes, en lien avec l’origine des crêpes du début de ce mois de février. C’est
pourquoi le Mardi Gras est aussi appelé le Pancake Tuesday.
A la mi-carême, temps
de pause au milieu du carême, on refait souvent des crêpes. Et l’accumulation
des œufs qu’on n’a pas pu manger durant le carême amènera tout naturellement la
tradition des œufs de Pâques, et le lundi de Pâques, l’omelette !
Ce 14 février 2024 c’est
le Mercredi des Cendres, l’entrée en carême des chrétiens, 40 jours
avant la fête de Pâques. C’est la commémoration des quarante années de marche
du peuple hébreu dans le désert, et du jeune du Christ dans le désert lui
aussi. C’est un temps de réflexion et de prière. Un temps d’appel à la
conversion. Lisez ce qu’écrivait de façon imagée, le très grand évêque d’Arles,
saint Césaire : « Ne tarde pas,
convertis-toi et ne diffère pas de jour en jour. Ce sont les paroles de Dieu et
non les miennes. Mais toi tu réponds : demain ! demain ! (En
latin du texte : « cras ! cras !) Quel croassement de corbeau ! Comme le corbeau envoyé de l’arche
n’y est pas revenu et, maintenant qu’il est vieux, dit encore :
demain ! demain ! C’est le cri du corbeau : tête blanche et cœur
noir. Demain ! demain ! c’est le cri du corbeau : le corbeau
n’est pas revenu à l’arche, la colombe est revenue. Qu’il se perde donc, le
croassement du corbeau, et que se fasse entendre le gémissement de la
colombe » Saint Césaire d’Arles (469 – 542)
Vous noterez que pour
atteindre le chiffre symbolique de quarante, il ne faut pas compter les
dimanches. Ainsi on tombera sur la fête de Pâques, dont la date reste
déterminée par le cycle de la lune, et donc ne tombe jamais à la même date dans
nos calendriers !
Rendez-vous en
mars !
A diou sias !
Jean Mignot 13 février 2024