mardi 30 avril 2024

du mois de Mai 2024

  

De Mai 2024, de la fête du Travail et du Muguet


« Voici le mois de mai où les fleurs volent au vent. » (Air connu). Ce mois de mai chanté par les poètes avec des belles chansons qui vont du « temps du muguet » au « temps des cerises » est marqué par la fin de la lune rousse et les derniers saints de glace, par la fête du travail, mais aussi par celles de l’Ascension et de Pentecôte, qui nous valent des jours fériés et toutes sortes de pont et de congés que nul n’oserait remettre en cause même s’ils sont reliés à des fêtes religieuses ! Cette année les dates de ces jours et fêtes permettent d’obtenir des périodes de repos conséquentes, de détente et de loisirs. Je ne peux m’empêcher de penser à une autre année où quelques-uns de ces jours tombant un dimanche, plus la Pentecôte en juin, les représentants du personnel m’avaient demandé de compenser par des jours de repos supplémentaires. Sans commentaires !

Pour les salariés selon le droit du travail et sans entrer dans le détail des conventions collectives, accords d’entreprises et autres évolutions genre RTT, c’est avant le 31 de ce mois qu’il faut solder les jours de congés acquis au titre des mois de travail qui précédent. Je cite ce détail de la référence mai pour les congés payés car je trouve que c’est une curiosité de plus de ce mois qui se termine fin de mois le 26 par la populaire « fête des Mères » qui à elle seule mérite une explication. Ce sera pour une autre fois.  

Mai est le mois de toutes les espérances, en particulier pour du beau temps qui a du mal à venir cette année car nous sommes encore dans la lunaison dite de « Lune Rousse ».

Ce sera aussi le mois de toutes sortes de promesses et de pugilats vu les élections qui auront lieu en juin, ce qui m’amène à rappeler que c’est au mois de mai qu’on tire l’expression « planter le mai ». Quand il y avait des élections municipales et que les élus l’étaient pour la première fois, ses colistiers venaient planter un arbre en son honneur. C’était souvent l’occasion d’un bon repas ou du moins de boire ensemble un bon verre. L’arbre était généralement un sapin ébranché auquel on ne conservait que la cime. Il était décoré d’un drapeau tricolore, parfois d’une pancarte sur laquelle était écrit : « Honneur à notre élu » C’est une tradition qui se perpétue encore dans nos campagnes. Le fera-t-on à Pont Saint Esprit qui vient d’élire ses nouveaux élus ? Les traditions se perdent. Je ne pense pas qu’on la remette celle-là en vigueur pour les prochaines élections européennes !

Une autre très vieille coutume voulait que ce soit le mois que se tiennent  les assemblées politiques. En réalité, cela se passait d’abord au mois de mars chez les Francs, et les guerriers se réunissaient autour de leur chef, dans un lieu qu’on appelait « le Champ de Mars ». Si le discours des chefs plaisait, les guerriers applaudissaient en frappant sur leurs boucliers avec leurs framées. Sinon ils étouffaient sa voix par des murmures. Les framées ont été remplacées par les vociférations de nos élus dans nos assemblées nationales. Las, ils ne peuvent plus faire claquer leurs pupitres pour couvrir les voix des orateurs mais ils ont su renouveler de façon tragicomique mais parfois inacceptable la façon de dire leurs désaccords. Par contre je préciserai aussi que chez les Francs, il n’était pas question d’absentéisme !

Sous Charlemagne, la date de ces assemblées fut repoussée au mois de mai. Les évêques, qui sous Clovis avaient été admis à ces assemblées, prirent bientôt un rôle tellement prépondérant, rejoignant le pouvoir des comtes et seigneurs, que le rôle des guerriers s’effaça peu à peu. Ces assemblées disparurent à la fin de l’empire carolingien ; « les champs de mai » furent remplacés par « les Etats Généraux ». On se souvient en particulier de ceux de mai 1302 sous Philippe le Bel et plus généralement de ceux de mai 1789 !

A Rome, ce mois était consacré à Malia, ou Maïa, mère de Mercure et déesse de la terre qui nourrit les hommes. On y célébrait la fête des esprits malins. Mai était considéré comme néfaste aux unions et Ovide déconseillait « d’allumer en ce mois les flambeaux de l’hyménée, car ils se changeaient bientôt en torches funestes ». Au Moyen Age, l’auteur du calendrier des laboureurs confirme cette réputation : « Si le commun du peuple dit vrai, mauvaise femme s’épouse en mai ». On dit aussi : « Noces de mai, noces mortelles ».

L’Eglise a fait de ce mois un mois consacré à la Vierge Marie.

Mai, c’est le Floréal du calendrier républicain. Les Romains célébraient en fin avril et au début mai, la fête de Flore. C’est l’origine de nos « Floralies » et de nos « fêtes des jardins » comme celles organisées en Uzège et dans la région.

C’est à Uzès, un beau jour de mai 1654, que vit le jour le « roi des triolets » comme le déclarait le célèbre érudit Ménage. Jacques de Ranchin, neveu des Ranchin d’Uzès, vit sortir de l’hôtel d’Aigaliers, Place aux Herbes à Uzès, une jeune créature aux allures de déesse. C’était Sylvie de Rossel, petite fille du propriétaire de l’hôtel.  C’est le « coup de foudre » ! Ébloui par sa beauté il ne la quitte pas de la journée et le soir même il compose pour elle ce fameux poème de huit vers :

 

Le premier jour du mois de Mai

Fut le plus heureux de ma vie.

Je vous vis et je vous aimai,

Le premier jour du mois de Mai.

 

Le beau dessein que je formai !

Si ce dessein vous plait Sylvie,

Le premier jour du mois de Mai,

Fut le plus heureux de ma vie.


Le lendemain il alla demander la main de Sylvie, et le 24 mai 1654, bien qu’il soit de mauvais goût de se marier en mai, il l’épousait au temple d’Uzès. Ce furent des noces splendides qui durèrent un mois. Le récit de ces fêtes fastueuses a fait l’objet d’un long récit par la Baronne de Charnisay, Marguerite Verdier de Flauxpublié dans la Cigale Uzégeoise en 1931.

Au moment où nous entendons toutes sortes d’interprétations, parfois fantaisistes, sur les origines des fêtes du 1er mai, et du muguet, et alors que nous Français, imaginons que nous sommes seuls au monde et que nous avons tout inventé, il me semble de bon ton de rappeler que l’origine du 1er mai se trouve chez nos cousins d’Amérique.

Au cours du IVe congrès de l’American Federation of Labor, en 1884, les principaux syndicats ouvriers des États-Unis s’étaient donnés deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures. Ils avaient choisi de débuter leur action un 1er mai parce que beaucoup d’entreprises américaines entamaient ce jour-là leur année comptable.

Beaucoup de travailleurs obtiennent immédiatement satisfaction de leur employeur. D'autres, moins chanceux, au nombre d’environ 340.000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder. Le 3 mai 1886, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse à Haymarket Square. Il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C’est alors qu’une bombe explose devant les forces de l’ordre. Elle fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police.

Trois syndicalistes sont jugés comme anarchistes et condamnés à la prison à perpétuité. Cinq autres sont pendus le 11 novembre 1886 malgré des preuves incertaines. Sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago, sont inscrites les dernières paroles de l’un des condamnés, Augustin Spies : « Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui»

Trois ans après le drame de Chicago, la IIe Internationale Socialiste réunit à Paris son deuxième congrès, 42, rue Rochechouart, salle des « Fantaisies parisiennes » (quel drôle de rapprochement !), pendant l’Exposition universelle qui commémore le centenaire de la Révolution française.

Les congressistes se donnent pour objectif la journée de huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé). Jusque-là, il était habituel de travailler dix ou douze heures par jour (en 1848, en France, un décret réduisant à 10 heures la journée de travail n'a pas résisté plus de quelques mois à la pression patronale).

Le 20 juin 1889, sur une proposition de Raymond Lavigne, un bordelais !!! le congrès socialiste décide qu’il sera « organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d’appliquer les autres résolutions du congrès. » La première date est fixée au 1er mai 1890. On dit souvent que Raymond Lavigne est le véritable  "père du 1er mai".  Cette figure bordelaise fut d'abord comptable, puis représentant en vins et en même temps directeur du Théâtre des Folies Bergères de Bordeaux. C'est lui qui créa la Bourse du travail de Bordeaux une des premières du pays.

Le 1er mai 1891, à Fourmies, une petite ville du Nord de la France, la manifestation tourne au drame. La troupe équipée des nouveaux fusils Lebel et Chassepot tire à bout portant sur la foule pacifique des ouvriers. Elle fait dix morts dont 8 de moins de 21 ans. L’une des victimes, l’ouvrière Marie Blondeau, habillée de blanc et les bras couverts de fleurs, devient le symbole de cette journée.

Avec le drame de Fourmies, le 1er mai s’enracine dans la tradition de lutte des ouvriers européens.

Quelques mois plus tard, à Bruxelles, l’Internationale socialiste renouvelle le caractère revendicatif et international du 1er mai. L’horizon paraît s’éclaircir après la première guerre mondiale. Le 23 avril 1919, le Sénat français avait ratifié la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant, à titre exceptionnel, une journée chômée. Le traité de paix de Versailles, le 28 juin 1919 fixe dans son article 247, « l’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où elle n’a pas encore été obtenue ».

Les manifestations du 1er mai ne se cantonnent plus dès lors à la revendication de la journée de 8 heures. Elles deviennent l’occasion de revendications plus diverses.

La Russie soviétique, sous l’autorité de Lénine, décide en 1920 de faire du 1er mai une journée chômée. Cette initiative est peu à peu imitée par d’autres pays.

En France, les manifestations du 1er mai 1936 prennent une résonance particulière car elles surviennent deux jours avant le deuxième tour des élections législatives qui vont consacrer la victoire du Front populaire et porter à la tête du gouvernement français le leader socialiste Léon Blum

C’est pendant l’occupation allemande, le 24 avril 1941, sous le régime présidé par le Maréchal Pétain, que le 1er mai est officiellement désigné comme la Fête du Travail et de la Concorde sociale et devient chômé. Cette mesure est destinée à rallier les ouvriers au régime de Vichy. Son initiative revient à René Belin, un ancien dirigeant de l’aile socialiste de la CGT (Confédération Générale du Travail) devenu secrétaire d’État au Travail dans le gouvernement du maréchal Pétain. Déjà une cohabitation ! À cette occasion, la radio officielle ne manquait pas de préciser que le 1er mai coïncidait avec la fête du saint patron du Maréchal, Saint Philippe (aujourd’hui, ce dernier est fêté le 3 mai) ! Dans notre ambiance actuelle il ne semble pas convenable de citer cette origine ! Tant pis. Je le fais !

En avril 1947, la mesure est reprise par le gouvernement issu de la Libération qui fait du 1er mai un jour férié et payé... mais pas pour autant une fête légale. Autrement dit, le 1er mai n’est toujours pas désigné officiellement comme Fête du Travail. Cette appellation n’est que coutumière et en droit du travail, il n’obéit pas à la même réglementation que les autres fêtes légales.

En 1955, le pape Pie XII institue la fête de saint Joseph artisan, destinée à être célébrée le 1er mai de chaque année.

L’origine et la tradition du muguet du premier mai est toute autre et on oublie qu’elle n’a pas toujours été une tradition de la Fête du Travail. 

En France, dès 1890, les manifestants du 1er mai avaient pris l’habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge, pour symboliser la division de la journée en trois parties égales : 8 heures de travail, 8 heures de sommeil, 8 heures de loisirs. Ce principe d’équilibre entre le travail, et le repos ainsi que les loisirs est bien inscrit dans la loi sur les trente-cinq heures !

Le triangle rouge est quelques années plus tard remplacé par la fleur d’églantine. En 1907, à Paris, le muguet, symbole du printemps en Île-de-France, remplace cette dernière, reprenant en cela une tradition instaurée sous Charles IX, qui le 1er mai 1561, ayant reçu un brin de muguet en guise de porte-bonheur, avait décidé d’en offrir chaque année aux dames de la cour. La tradition était née.

Si on veut être fidèle à l’histoire et au symbolisme du muguet du 1er mai, il faudrait que tout brin ou bouquet de muguet soit accompagné d’un ruban rouge, ou d’une fleur rouge. Demandez donc à votre fleuriste s’il sait pourquoi il propose de nous le vendre sous cette présentation. Ce n’est pas que pour un côté esthétique !

La chanson : « Il est revenu le temps du muguet » est associé à ce jour, semble-t-il depuis 1936.

Le muguet, doit son nom au parfum de « muscade ». En ancien français, on écrivait « musgue » ou « musque ». « Mugueter » c’était « conter fleurette », « flirter ». Longtemps furent organisées en Europe des « bals du muguet ». C’était un des seuls bals de l’année où les parents n’avaient pas droit de cité. Ce jour-là les jeunes filles s’habillaient de blanc et les garçons ornaient leur boutonnière d’un brin de muguet.

Un « muguet » c’était un jeune élégant. Une « muguette » une jeune élégante. Un « muguet » affecte « d’estre propre, paré, mignon auprès des Dames. » Il fait le « muguet ». On dirait aujourd’hui il fait le beau… ou il drague !

Une « muguette » sent bon comme le muguet…

Et les saints de Glace dans tout ça ! Tout d’abord ne les cherchez pas sur le calendrier. Mamert Pancrace et Servais, ont été remplacés les 11, 12 et 13 mai, par Estelle, Achille et Rolande. Cette substitution fut décidée après le dernier concile Vatican II lorsqu’on nettoya le calendrier de tous les personnages « douteux » qui avaient souvent donné lieu à des pratiques rituelles peu conformes avec la liturgie et entachées de fond païen.

Mais les supprimer n’a rien changé au temps et aux influences de la lune. Et nous voyons bien que les prévisions météo des prochains jours sont encore bien mauvaises.

Nous ne serons pas tranquilles tant que la Lune Rousse ne sera pas passée ! Le dicton qui nous incite à la prudence vestimentaire en avril reste en pleine actualité : « En mai fait ce qu’il te plait, en provençal : oou mes de maï faï ce que ti plaï ». On dit aussi : « qui s’alaoujo avant lou mes de maï, segur nuon soou ce que faï « . La Nouvelle Lune c’est le 8 mai…  

Ne nous réjouissons pas trop vite, fatigués que nous sommes du mauvais temps amené par les Cavaliers du Froid ! « Méfiez-vous de saint Mamert, De saint Pancrace et de saint Servais, car ils amènent un temps frais, Et vous auriez regret amer. »

Ces fêtes de saints passées, nous pourrons alors respirer et penser à du meilleur temps à partir du 25 mai, pour la saint Urbain. (Ce n’est pas un vilain jeu de mots qui a fait placer en ce mois la fête du travail…prononcez-le à haute voix !) ) « Que la saint Urbain ne soit passée, Le vigneron n’est pas assuré. »

Déjà, le 14 mai pour la saint Boniface :« Au jour de la saint Boniface, Toute boue s’efface ».

Et pour la sainte Denise, le 15 mai : « A la sainte Denise, le froid n’en fait plus à sa guise. »

Pour l’Ascension, le 9 mai cette année, pourra-ton dire : « A l’Ascension, dernier frisson. » ?

Nous ne serons vraiment tranquilles qu’après le 25 mai, car : « le vigneron n’est pas assuré que la saint Urbain ne soit passée... »  Et pour nous remettre de toutes les émotions de ce mois de mai, nous aurons la fête de Pentecôte le 19 mai et la Féria de Nîmes ! pour les aficionados…

A Diou sias !

                                                                                                                       Jean Mignot

                                                                                                                      30 avril 2024

 

 

 

 

lundi 22 avril 2024

du mois d’avril 2024 et de la Lune Rousse

 du mois d’avril 2024 et de la Lune Rousse

Elle est là et bien là, même si personne ne nous en parle. Certes c’est plus directement intéressant, surtout en période de vacances, de savoir le temps qu’il fait ou qu’il va faire, d’autant plus qu’on ne peut pas vraiment parler d’effets de la lune puisque c’est un astre qui n’a pas de rayonnement. Tout juste si face à la chute des températures on nous a rappelé « en avril ne te découvre pas d’un fil ». Après les dégâts laissés par la tempête Pierrick, la baisse des températures s’accentue et ce dimanche encore elle a fait la une des journaux télévisés, avec des reportages sur les agriculteurs qui prennent toutes dispositions pour protéger leurs futures récoltes. L’influence d’une zone de froid envahit notre pays, y compris le Sud, même si nous avons beaucoup de soleil et voilà avec la Pleine Lune du 24 avril les Cavaliers du Froid qui sont là avec leurs dictons prévenant de leur influence néfaste. Le beau temps et la chaleur de ces derniers jours nous l’avaient fait oublier : tout cela est bien « un temps de lune rousse ».

Les textes et les dictons les plus anciens témoignent que ce genre de temps s’est déjà produit en ces périodes où il n’était pas encore question de réchauffement climatique.

La Lune Rousse c’est la lunaison qui commence en avril et dont la Pleine Lune a lieu fin avril ou début mai. Cette année du 8 avril au 8 mai.

En cette période de l’année, le soleil déjà haut reste de plus en plus avec nous (+1h30 en avril et 1h22 en mai). Quand le ciel est dégagé, le thermomètre indique 19 °, 20°, 24 ° dans la journée. Les petites pousses, les fruits en formation, se gorgent de chaleur. Mais la terre met très longtemps à se réchauffer. Quand le soleil se couche la fraîcheur tombe. Le froid se rétablit. La terre n’a pas encore de chaleur à restituer. Progressivement une rosée froide recouvre les végétaux. Elle peut devenir glaciale au lever du jour, même si le thermomètre marque 4 ou 5°, ou moins. Les jeunes espoirs de récolte sont alors détruits. Les petites pousses prennent une apparence de roussi. Les embryons de fruits deviennent noirs à l’intérieur de l’ovaire. C’est l’effet de « Lune Rousse ». Ce phénomène ne se produit que lorsque le ciel est parfaitement dégagé et sans nuages.

C’est pendant cette lunaison qu’on trouve les Saints de Glace qui ne sont pas uniquement les trois bien connus du mois de mai, mais aussi les Saint Cavaliers ou Cavaliers du froid dont les premiers sont cette semaine.  Ce phénomène se produit avec d’autant plus de certitude que le cycle de la lune et ses phases correspondent à la date de leurs fêtes. Vous savez en effet que la durée de la lunaison est plus courte que celle de nos mois du calendrier. Le décalage fait que ces constats ne sont pas toujours vérifiables selon les années.

Cette année il se trouve que les moments de la lunaison correspondent de plus près aux fameux dictons que nos Anciens avaient établis, sur la base de leurs constats.

Déjà en mars la Nouvelle Lune a été marquée par des très grandes marées et après la Pleine Lune du 25 mars et l’éclipse passée inaperçue, les « jours de la vieille » ou « vaquerieu », ont été bien fidèles à leur mauvaise réputation.

La Lune Rousse a aussi très mauvaise réputation et elle nous a laissé un très grand nombre de dictons. « Lune rousse, vide bourse » ; « lune rousse, rien ne pousse » ; « Gelée de lune rousse de la vigne ruine la pousse ». On trouve même : « Il n'est si gentil mois d'avril qui n'ait son manteau de grésil. »

Malgré l’invention du thermomètre et du baromètre on a eu pendant très longtemps peu de moyens pour analyser et surtout prévoir le temps. D’où l’importance d’ouvrage comme notamment cette « histoire du climat » de Mr Emmanuel Leroy Ladurie disparu en fin 2023, et de nos dictons qui reposent sur les observations de nos Anciens !

Il faut se rappeler que les organismes chargés d’étudier le temps sont de création relativement récente. L’observatoire de Paris date de 1667et les prévisions météo ne sont pas dans ses attributions. Le Bureau des longitudes, créé par une loi de la Convention Nationale le 7 Messidor de l’An III sur un rapport lu par l’abbé Grégoire avait surtout comme objectif, grâce à l’amélioration de la détermination des longitudes en mer, de reprendre la maîtrise des mers aux Anglais. Pourtant il sera bien vite chargé de la rédaction de « La connaissance des temps » une publication annuelle contenant des tables astronomiques où on commence à parler du temps. On ne parle pas encore de météorologie. Il faudra attendre la guerre de Crimée et la violente tempête du 14 novembre 1854 qui ravagea les campements alliés et la flotte en rade de Sébastopol pour que Napoléon III par un décret du 30 janvier 1854 modifie profondément les attributions du Bureau et crée un véritable réseau d’observatoires pour analyser toutes ces données et prévoir autant que possible le temps qu’il va faire.

Cette tempête, étudiée par le météorologue Emmanuel Liais, est à l'origine de la création du premier service météorologique français. L'astronome Urbain Le Verrier avait démontré, en effet, à l'Empereur Napoléon III que les armées auraient pu être prévenues à l'avance de l'arrivée de la tempête si un réseau d'observations relayées par le télégraphe avait été en place.

C’est dans ce contexte général et bien avant la création de ce réseau d’observatoires aujourd’hui remis en cause par l’évolution connaissances et des techniques que se situe cette anecdote qui concerne la Lune Rousse et qui sous la plume du savant Arago dans « la connaissance du temps » nous éclaire sur ce phénomène.  « Je suis charmé de vous voir réunis autour de moi, dit un jour Louis XVIII aux membres composant une députation du Bureau des Longitudes qui étaient allés lui présenter la Connaissance des Temps et l’Annuaire, car vous m’expliquerez nettement ce que c’est que la Lune rousse et son mode d’action sur les récoltes. » Laplace, à qui s’adressaient plus particulièrement ces paroles, resta comme atterré ; lui qui avait tant écrit sur la Lune, n’avait en effet jamais songé à la Lune rousse. Laplace consultait tous ses voisins du regard, mais ne voyant personne disposé à prendre la parole, il se détermina à répondre lui-même : « Sire, la Lune rousse n’occupe aucune place dans les théories astronomiques ; nous ne sommes donc pas en mesure de satisfaire la curiosité de Votre Majesté. » Le soir, pendant son jeu, le roi s’égaya beaucoup de l’embarras dans lequel il avait mis les membres de son Bureau des Longitudes. Laplace l’apprit et vint me demander à l’Observatoire si je pouvais l’éclairer sur cette fameuse Lune rousse qui avait été le sujet d’un si désagréable contre-temps. Je lui promis d’aller aux informations auprès des jardiniers du Jardin des Plantes et d’autres cultivateurs. Telle a été l’origine du chapitre qu’on va lire. Il est bien loin de ma pensée d’attribuer le moindre mérite aux réflexions que la Lune rousse m’a inspirées ; mais comme je vois les lignes suivantes reproduites en substance dans des ouvrages récents et sans indication de la source où les auteurs ont puisé, pour éviter tout soupçon de plagiat, je ferai remarquer qu’elles ont paru dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes de 1827, en sorte qu’en cas de contestation, je pourrais presque invoquer la prescription légale. (ceci se réfère au fait que plusieurs écrits d’Arago avaient été publiés sans son accord)

On croit généralement, surtout près de Paris, que la Lune, dans certains mois, a une grande influence sur les phénomènes de la végétation. Les savants ne se sont-ils pas trop hâtés de ranger cette opinion parmi les préjugés populaires qui ne méritent aucun examen ? Le lecteur va en juger.

Les jardiniers donnent le nom de Lune rousse à la Lune qui, commençant en avril, devient pleine soit à la fin de ce mois, soit plus ordinairement dans le courant de mai. Suivant eux, la lumière de la Lune, dans les mois d’avril et de mai, exerce une fâcheuse action sur les jeunes pousses des plantes. Ils assurent avoir observé que la nuit, quand le ciel est serein, les feuilles, les bourgeons exposés à cette lumière roussissent, c’est-à-dire se gèlent, quoique le thermomètre, dans l’atmosphère, se maintienne à plusieurs degrés au-dessus de zéro. Ils ajoutent encore que si un ciel couvert arrête les rayons de l’astre, les empêche d’arriver jusqu’aux plantes, les mêmes effets n’ont plus lieu sous des circonstances de température d’ailleurs parfaitement pareilles. Ces phénomènes semblent indiquer que la lumière de notre satellite est douée d’une certaine vertu frigorifique ; cependant, en dirigeant les plus larges lentilles, les plus grands réflecteurs vers la Lune, et plaçant ensuite à leur foyer des thermomètres très-délicats, on n’a jamais rien aperçu qui puisse justifier une aussi singulière conclusion. Aussi, dans l’esprit des physiciens, la Lune rousse se trouve maintenant reléguée parmi les préjugés populaires, tandis que les agriculteurs restent encore convaincus de l’exactitude de leurs observations.

Et Arago poursuit son intervention en argumentant son propos avec la belle découverte de Wells qui, dit Arago : « me permettra, je crois, de concilier ces deux opinions, en apparence si contradictoires. » Wells est un médecin né aux Etats-Unis en 1757 dans une famille écossaise installée en Caroline du Sud.

Personne avant Wells n’avait imaginé que les corps terrestres, sauf le cas d’une évaporation prompte, pussent acquérir la nuit une température différente de celle de l’atmosphère dont ils sont entourés. Ce fait important est aujourd’hui constaté. Si l’on place en plein air de petites masses de coton, d’édredon, etc., on trouve souvent que leur température est de 6, de 7 et même de 8 degrés centigrades au-dessous de la température de l’atmosphère ambiante. Les végétaux sont dans le même cas. Il ne faut donc pas juger du froid qu’une plante a éprouvé la nuit, par les seules indications d’un thermomètre suspendu dans l’atmosphère. La plante peut être fortement gelée, quoique l’air se soit constamment maintenu à plusieurs degrés au-dessus de zéro.

Ces différences de température entre les corps solides et l’atmosphère ne s’élèvent à 6, 7 ou 8 degrés du thermomètre centésimal, que par un temps parfaitement serein. Si le ciel est couvert, la différence disparaît tout à fait ou devient insensible.

Me voilà pour ma part conforté dans ce que je rappelle dans cette chronique, à savoir, malgré l’absence de rayonnement de la lune, l’importance de la Lune Rousse et la nécessité d’en tenir compte à l’appui de nos dictons qui sont issus des longues observations de nos agriculteurs depuis de longues années.

Dans les nuits des mois d’avril et de mai, la température de l’atmosphère n’est souvent que de 4, de 5 ou de 6 degrés centigrades au-dessus de zéro. Quand cela arrive, les plantes exposées à la lumière de la Lune, c’est à-dire à un ciel serein, peuvent se geler nonobstant l’indication du thermomètre. Si la Lune, au contraire, ne brille pas, si le ciel est couvert, la température des plantes ne descendant pas au-dessous de celle de l’atmosphère, il n’y aura pas de gelée, à moins que le thermomètre n’ait marqué zéro. Il est donc vrai, comme les jardiniers le prétendent, qu’avec des circonstances thermométriques toutes pareilles, une plante pourra être gelée ou ne l’être pas, suivant que la Lune sera visible ou cachée derrière les nuages ; s’ils se trompent, c’est seulement dans les conclusions : c’est en attribuant l’effet à la lumière de l’astre. La lumière lunaire n’est ici que l’indice d’une atmosphère sereine ; c’est par suite de la pureté du ciel que la congélation nocturne des plantes s’opère ; la Lune n’y contribue aucunement ; qu’elle soit couchée ou sur l’horizon, le phénomène a également lieu. L’observation des jardiniers était incomplète, c’est à tort qu’on la supposait fausse. »

Et Arago conclut : Les jardiniers ne se trompent pas sur le phénomène, mais sur son interprétation. Ils attribuent « l’effet à la lumière de l’astre » alors que « la lumière lunaire n’est ici que l’indice d’une atmosphère sereine ». Donc « la Lune n’y contribue nullement ». il n’y a pas de lien de cause à effet entre eux – c’est un bel exemple illustrant une corrélation (deux éléments ayant la même cause), sans qu’il y ait causalité de l’une à l’autre (la Lune rousse n’est pas la cause du gel, et l’inverse non plus).

Les savants viennent ici au secours de la sagesse populaire qui avait fait les mêmes observations depuis belle lurette, dictons à l’appui. Celle longue citation me paraissait indispensable en ces jours où nous constatons par nous même que « le fonds de l’air est frais » alors que nulle part, ni à la télévision ni les différents services de météorologie ne nous parlent de Lune Rousse et des Saints de Glace.

J’ai souvent écrit dans ces chroniques que quand la Pleine Lune ou la Nouvelle Lune se produit proche du périgée ou de l’apogée de la course lunaire, il y a danger de perturbations. Cela est accentué quand il y a éclipse, même si elle n’est pas visible chez nous. Ça a été le cas en mars et au début avril avec la tempête Pierrick à la Nouvelle Lune du 8 et nous voici ce 20 avril à l’apogée, avec un nœud lunaire le 22 et la Pleine Lune le 24.

Or le 23 avril est le jour du premier des saints Cavaliers ou Cavalier du froid, Saint Georges. « Pluie de saint Georges, coupe les cerises à la gorge ! » ou « S’il pleut à la saint Georges, de cent cerises, restent quatorze. » Ou encore : « S’il pleut à la saint Georgeau, n’y aura guignes ni bigarreaux »

Nos agriculteurs ont bien raison de prendre toutes sortes de dispositions pour tenter d’éviter ces dégâts !

Le 25 avril Saint Marc nous apporte un autre éclairage « S’il pleut le jour de la saint Marc, Les guignes couvriront le parc ». « A la saint Marc s’il tombe de l’eau, il n’y aura pas de fruits à couteau ». C’est à dire de fruits dont on enlève la peau avec un couteau pour les manger.

On associe à ces deux « cavaliers » saint Philippe autrefois célébré le 1er mai pour affirmer : « Marquet (Marc), Georget (Georges), et Philippet (Philippe), Sont trois casseurs de Gobelets. » Rabelais fin amateur de bon vin et de bonne chère l’écrit ainsi : « Geourgeot, Marquot, Philippot, Crousot et Jeannot sont cinq malins gaichenots [garçonnets] qui cassent souvent nos goubelots [gobelets]. » Pourquoi casseurs de gobelets ? Parce que le froid ou la grêle ces jours–là est néfaste pour la vigne, donc au vin, donc aux pichets et aux gobelets. On dit encore :« Trois saints dont faut se méfier… ».

Selon les endroits on leur associe saint Robert le 29 avril ou saint Eutrope le 30 avril : « Gelée de saint Georges, saint Marc, saint Robert, récolte à l’envers ». Mais on dit aussi : « La pluie de saint Robert du bon vin emplira ton verre ».

Si donc il pleut à ce jour-là, tout ne sera pas négatif !…

Par contre s’il pleut ensuite pour les saints suivants ce sera différent. Le 30 avril pour Saint Eutrope (ou Tropet) : « Saint Eutrope mouillé cerises estropiées. »

Sans me lancer dans des prévisions du temps qu’il pourrait faire dans les jours qui viennent, je vous donne ces indications et je rappelle ces dictons car nous ne pourrons être tranquille qu’après les trois Saint de Glace qui sont les seuls qu’on a retenus et dont la fête est les 11,12 et 13 mai. « Mamert, Servais et Pancrace, voilà les trois saints de glace. » Je garde pour une autre fois tous les dictons les concernant, pour ne pas trop saper votre moral La Nouvelle Lune étant le 8 mai, on peut espérer alors des temps meilleurs.

« Récolte n’est point assurée que la lune rousse soit passée ».

                                   

Jean Mignot le 21 avril 2024