du mois d’octobre 2023 et des calendriers
Le mois d’octobre plus que tout autre mois de
l’année, nous renvoie, au moins par cinq fois tout au long de ses trente et un
jours, vers cette recherche des hommes depuis la nuit des temps, pour trouver
un moyen pour mesurer la course du temps, celle du soleil et de la lune, et
d’avoir ainsi un système de référence commun qui permette les échanges entre
régions et pays, commerce mais aussi impôts ! c’est-à-dire les
calendriers. Calendrier vient de calendes qui désignaient le 1er
jour du mois, jour où l’on convoquait le peuple pour annoncer les évènements du
mois.
Octobre par son nom est le huitième mois de
l’année romaine, selon le calendrier en vigueur au temps de la fondation de
Rome. Un calendrier de 10 mois qui commençait au mois de mars et qui dans ses
derniers mois ne faisait plus référence pour le nom des mois à un dieu ou à une
déesse mais à leur place dans la série : cinq, six, sept, huit, neuf, dix…
Selon les traditions relatées par les auteurs latins (Ovide, Varron), dès 450 av JC,
sous Numa Pompilius,
ce calendrier passe à 12 mois, et janvier devient le
premier mois de ce calendrier dit : " pompilien" afin
de rapprocher le début d'année du solstice d'hiver qui met fin à la saison morte et amorce le
renouveau solaire. Cependant, les années romaines restent longtemps encore
identifiées par la date d'élection des deux consuls , qui prennent leurs
fonction le 1er mai et le 15 mars avant 153 av JC. Ce calendrier fut remplacé, à la demande de
Jules César, par un système élaboré par Sosigène d’Alexandrie. Ce calendrier dit
« julien » fixait entre autres choses, le début de l'année consulaire
au 1er janvier entraînant un changement dans le nom des
dix mois. De sa place de huitième, octobre devint le 10e des mois de
l’année.
Octobre nous permet ce
premier rappel des calendriers anciens et des réformes pour rechercher une
mesure du temps qui se rapproche le plus de la course du soleil.
En France, l'ordre des
quatre derniers mois de l'année du calendrier sera en partie conservé dans
l’écriture courante des actes jusqu'à la Révolution et même au cours
du xixe siècle :
VIIbre, 7bre ou 7bre (septembre) ; VIIIbre, 8bre ou 8bre (octobre) ;
IXbre, 9bre, 9bre ou 9bre (novembre) ; Xbre, 10bre ou 10bre (décembre).
Les cinquième et sixième mois avaient perdu leur référence à un ordre de
classement quand ils furent rebaptisés Julius en l’honneur de Jules César, et
Augustus dédié à l’empereur Auguste.
Je voudrais seulement
limiter mon propos à ce qui lie octobre et les calendriers et ce faisant, je
résume une histoire de réformes très complexes que j’ai souvent expliquées dans
mes chroniques, passant du mois complémentaire au jour bissextile et aussi par
une année dite «de confusion », en l’an 46
avant J.C. qui compta 445 jours, car la réforme julienne était
compliquée à mettre en œuvre, sans compter avec les réticences habituelles de
ceux chargés d’appliquer les réformes. Pas grand-chose n’a changé depuis !
Le calendrier «
julien » eut une belle durée puisqu’il vécut jusqu’en 1582. Mais son
calcul pas assez précis malgré une tentative de rattrapage complexe grâce aux
années bissextiles, entraînait un décalage de 12 minutes par an, soit 20 heures
par siècle et 8 jours par millénaire, soit une dérive d’une dizaine de jours,
toujours avec la référence au cycle des saisons et à la course du soleil et la
fête des Pâques chrétiennes qui ne correspondait plus au contexte historique de
la saison où les événements célébrés avaient eu lieu. C’est pourquoi l’église
s’en mêle et le Concile de Trente demande une révision du système.
En février 1582, la
bulle Inter gravissimas du Pape Grégoire XIII sur la base des travaux d’une importante
commission dont on n’a retenu que le nom de deux savants, le calabrais Aloïsius
Lilio et le jésuite allemand Christophe Flavius décide que
le jeudi 4
octobre 1582 serait immédiatement suivi du vendredi 15
octobre, afin de compenser le décalage accumulé.
La bulle est
effectivement appliquée le 4 octobre dans la plupart des pays catholiques ;
en revanche, les pays protestants comme
les pays orthodoxes ont ignoré ou
refusé cette réforme, du fait qu'ils récusaient l'autorité religieuse du pape, a fortiori, les pays non chrétiens, musulmans ou autres (Chine, etc.).
« Il vaut mieux ne pas être d’accord avec le soleil plutôt que de l’être
avec Rome ! » aurait dit Voltaire qui pourtant ne vivait pas à
cette époque, ce qui fait peser un grand doute sur cette citation !
Cependant, cette
réforme étant scientifiquement fondée, les pays protestants et les pays
orthodoxes l'ont acceptée dans un délai plus ou moins long, entre 1700 et 1923,
de même que certains pays musulmans au XIX ème ou au XXème siècle . D'une façon plus générale, le
calendrier grégorien est aujourd'hui le calendrier international de référence
En France, sauf en
Alsace, Henri III fit
appliquer la réforme en décembre 1582 et on passa du 9 décembre au 21 décembre.
Avec la suppression de
ces 10 jours le fameux dicton « pour la sainte Luce les jours avancent du
saut d’une puce » perdit sa signification car la fête située
primitivement le 23, à la veille du solstice d’hiver alors le 24 décembre, pour
célébrer la lumière, perdit tout son sens, passant au 13 décembre. Malgré ce,
ce dicton reste encore un des plus populaires et des plus souvent cité encore
actuellement.
La réforme
« grégorienne » changeait aussi la date du solstice en la fixant le
21 ou le 22 décembre mais Noël qui avait été fixée en fonction du solstice d’hiver
du calendrier « julien » au 25 décembre, resta à cette date.
C’est le deuxième
rappel que nous apporte octobre dans l’évolution et les réformes des
calendriers et la recherche des hommes pour trouver une référence commune pour
mesurer le temps qui passe !
C’est cette
non-application dans les pays orthodoxes qui nous fait parler de la «
Révolution d’Octobre » en Russie.
C’est le troisième
rappel que nous apporte octobre en lien avec la réforme des calendriers.
Dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917, les bolcheviques
s'emparent des principaux centres de décision de la capitale russe, Petrograd
(anciennement Saint-Pétersbourg). Ce coup de force sans véritable soutien
populaire est baptisé « Révolution
d'Octobre » car il s'est déroulé dans la nuit du 25 au 26
octobre selon le calendrier julien en vigueur dans
l'ancienne Russie jusqu'au 14 février 1918. Le top départ sera donné à 21h40
par un coup de canon tiré depuis le navire « l’Aurore ». Un clin d’œil
de plus au temps
Le calendrier grégorien sera adopté en Russie peu
après cet évènement. Le 24 janvier 1918, le Conseil des commissaires du peuple publie un décret selon lequel le mercredi 31 janvier 1918 sera suivi
du 14
février 1918, supprimant ainsi 13 jours du calendrier. Mais l’église orthodoxe
continue de se référer au calendrier « Julien » d’où les fêtes de
Noêl et de Pâques célébrées avec dix jours de décalage. Position de principe
difficile à comprendre puisque le calendrier « julien » n’a aucune
référence religieuse !
Ne confondons pas cette « Révolution
d’octobre » qui a bien un lien avec le mois d’octobre et les
calendriers avec « Octobre rouge »,
cette mutinerie de capitaine Valéry Sabline qui prend de force une frégate
soviétique, histoire en partie vraie qui eut lieu en pleine guerre froide et a
inspiré un film avec Sean Connery et le roman « à la poursuite d’octobre
rouge ». Ceci est trop en marge par rapport à mon propos dans cette
chronique.
De
même je cite seulement pour mémoire « Octobre rose » dont la
cause bien fondée ne saurait être mise en cause mais qui ne concerne pas cette
chronique !
Le 29 octobre, nous
changerons d’heure. C’est le quatrième rappel que nous fait octobre. Encore une
question de calendrier puisqu’il s’agit de caler la durée de nos jours sur la
course du soleil. Aussi, dans la plupart des pays ou régions d'Europe qui
appliquent l'heure d'été, le dernier dimanche d'octobre est celui du
passage à l'heure d'hiver, c'est-à-dire le retour à l'heure normale du fuseau
horaire.
Selon une étude de l’Agence de la transition
écologique, le changement d'heure permettrait à la France d'économiser 351 GWh
chaque année, soit 0,07% de sa consommation énergétique totale. Ce serait
intéressant de connaître la position de nos écologistes patentés notamment pour
ce qui concerne l’abandon de cette disposition. En tous cas, malgré une
consultation qui a donné une large majorité pour l’abandon de ce changement, ce
n’est pas cette année, ni en 2024 que la réforme sera appliquée.
En fin de ce mois,
Octobre nous ramène à un autre calendrier, le calendrier « celte ».
C’est le cinquième rappel !
L’année celtique était
rythmée par quatre fêtes dont Samain dans la nuit du 31 octobre au 1er
novembre. Les celtes mesuraient le temps en nombre de nuits et non par les
jours. Samain correspond au début de l’année et de la saison sombre. Ce que
nous appelons « halloween » se dit en gaélique « oiche
sahmhna ». C’était le soir sacré où on célébrait, les ancêtres, les héros
et les morts avant les inquiétudes et les rigueurs de l’hiver. On se préparait
à hiverner avec l’ours Martin, et on invoquait, par des rites, le futur
renouveau de la terre. Dans cet intervalle incertain entre deux cycles, rodent
les âmes des morts, les esprits reviennent d’outre tomber pour errer sur la
terre des vivants ? Ce 31 octobre était donc le soir sacré, la veille du
jour des saints et ce bien avant que la fête de Toussaint soit fixée au 1er
novembre.
Halloween, qui
signifie littéralement « allhallow-even » ce qui signifierait « eve
of All saints » est une dérive manipulée par le commerce, où le laid voire
les sorcières et autres personnages démoniaques sont fêtés sans aucun respect
de la vocation d’origine de ce jour. Nous dénonçons les publicités qui
envahissent notre quotidien et pour halloween nous tombons dans le panneau,
sans faire un effort de créativité qui resituerait cette fête dans son contexte
respectueux de la mort et le souvenir de nos disparus !
En octobre les nuits
seront de plus en plus précoces : les jours diminuent d'une heure
quarante-sept minutes dans le mois.
C'est le mois des
vendanges tardives, de la récolte des pommes à cidre et des glands.
Octobre est ainsi fêté
dans plusieurs régions du monde. Cette Fête de la récolte prend
par exemple le nom d’Erntedankfest (« fête de remerciement pour la
récolte ») en Allemagne.
Les cultures
populaires se sont inventées des dictons météorolgiques sans qu’on puisse en trouver un qui pourrait nous donner une indication sur
l’évolution de la météorologie souhaitée et attendue pour ce mois.
En voici quelques-uns
en guise de bouquet final et chacun pourra peut-être y trouver son
bonheur !
« Quand
octobre prend sa fin, dans la cuve est le raisin »,
« si tu veux moissonner, c'est l'heure de semer », « en
octobre, qui ne fume bien ne récolte rien », « octobre n'a
jamais passé sans qu'il y ait cidre brassé ».
Octobre est en effet
le mois des vendanges et de plusieurs récoltes.
« En
octobre tonnerre, vendanges prospères », « tonnerre
en octobre, vendanges peu sobres »
Le vigneron ne se
plaint pas des orages généralement associés à du temps relativement doux.
« S'il
tonne en octobre, grands vents, grandes pluies, grande cherté »
Mais il redoute un
changement trop brusque qui amènerait une chute trop rapide des températures. « Gelée
d'octobre rend le vigneron sobre », « Octobre de froid pas chiche
ne fait pas le vigneron riche »
Le cultivateur aime
les gelées d'octobre qui font disparaître la vermine « Octobre en
gelées, chenilles trépassées », « Octobre glacé fait vermine
trépasser ».
« Octobre
en brumes, mois à rhumes », « en octobre,
il faut que l'homme vite s'habille quand le mûrier se déshabille », « vent
d'octobre, ta pelisse il faut que tu sortes », « En octobre,
c'est le vent qui mène les feuilles au champ », « En octobre,
si tu es prudent, achète grains et vêtements ».
« En
octobre, qui n'a pas de robe en cherche. » En
effet Les frimas et les vents d'octobre obligent l'homme à se procurer des
vêtements chauds, et aussi du grain qui est alors meilleur marché.
« Beaucoup
de pluie en octobre, beaucoup de vent en décembre »,
« brouillards d'octobre et pluvieux novembre font bon décembre »,
« si octobre s'emplit de vent, du froid tu pâtiras longtemps »,
« s'il neige en octobre, l'hiver sera sobre », « si octobre
s'emplit de vent, du froid pâtiras longtemps », « Octobre
emmitouflé annonce décembre ensoleillé », « Octobre en bruine, hiver
en ruine », « Quand d'octobre vient la fin, Toussaint est au
matin. »
Selon d’autres
sources, le temps d'octobre annoncerait celui des mois suivants.
Je relève seulement
qu’au moment de la Nouvelle Lune du 14 de ce mois il y a une éclipse de soleil
non visible en France, et un nœud lunaire ; une autre éclipse, de lune celle-là,
se produira le 28. Ces jours sont toujours des moments de perturbations
atmosphériques et souvent des signes de changement de temps.
Octobre est appelé Winterfylleth (« arrivée
de l'hiver ») par les anglo-saxons ou en vieil anglais .
« Celluy qui de moy se remembre
Se doit esjouyr grandement,
car nommé suis le moys d’Octobre
qui fit vin cueillir et sarment,
dont on fait le sainct sacrement
sur l’autel en mainte contrée ;
et car je fays bon vin vraiment
ma sayson doit estre approuvée… »
Grand Calendrier des Berges de Guiot-Marchant – 1496
Addissias
Jean Mignot le 1er octobre 2023