mardi 1 juillet 2025

De la sieste à ma façon

 

De la sieste à ma façon

Juillet et Août sont des mois de canicule et tandis que les vacanciers, estivants ou autres personnes en congés, « juilletistes » ou « les aoûtiens », ne pensent qu’aux baignades, fêtes et loisirs d’été en tous genres, sans oublier la sieste, le paysan s’active dans ses champs : « En août et en vendanges, il n’y a ni fêtes ni dimanches » car « qui dort en août dort à son coût ». Chez moi en Cévennes on dit : « passat lou 15 de agoust pas pus de dormido ni mai de goustarous ! » « Après le 15 août, plus de sieste ni de goûter ».

De nombreux dictons donnent les mêmes recommandations : « En août quiconque dormira sur le midi s’en repentira ».  « Quand même la couche serait à ton goût ne dors pas sous le soleil d’août » ou encore : « En canicule point d’excès, en aucun temps point de procès.

La sieste est si bénéfique qu’on en parle de plus en plus et qu’on écrit même des livres pour en vanter les bienfaits. Alors voici une approche de la sieste « à ma façon ».

Sieste vient du latin « sexta » la sixième heure du jour, heure de prières dans les monastères et pour bien des croyants.

On distingue plusieurs types de siestes : la « sieste éclair » qui dure généralement entre 10 et 30 minutes — cette durée est d'ailleurs généralement conseillée car au-dessus de 30 min de sieste il est assez difficile de revenir rapidement à l'état d’éveil ; la « sieste royale » à partir d'une heure ; la « micro-sieste » qui dure moins de 5 minutes. La sieste permet de regagner de la concentration et de l'énergie, et met de bonne humeur. Il est tout de même conseillé de ne pas commencer à faire la sieste après 16 h pour ne pas avoir d'effet négatif sur la nuit suivante.

La sieste est couramment pratiquée dans les pays chauds, aux heures les plus chaudes lorsque le soleil est au zénith : la chaleur ne permet pas d'activité très physique et le travail est remis aux heures plus fraîches.

Les « Parisiens » et autre gens du Nord, considèrent souvent la sieste comme un  « luxe », un temps volé au temps de travail ou à d'autres activités ou même associé à la paresse, alors que le premier objectif de la sieste, c’est d’échapper à la chaleur écrasante : ne pas se fatiguer davantage quand le thermomètre grimpe trop haut. Climatisation aidant ils débarquent chez vous sans tenir compte de ces heures ou le repos est « sacré ». Ne leur proposez pas d’arriver chez vous dans l’après-midi. Ils vont arriver entre quinze et seize heures ! il faut les inviter à l’apéro mais pas avant 19h ! …

« La sieste est pratiquée tout autour de la Méditerranée : en Égypte, en Grèce, au Moyen-Orient », raconte l’historien et écrivain Robert Colonna d’Istria, « et je constate que c'est là qu'est née la civilisation et les plus grands empires." …

En Provence et chez nous c’est la siesta, ou la dormido (prononcer « dourmido » ; ou le « pénéquet » un petit somme à la provençale, un de ces symboles de l'art de vivre en Provence, associé au soleil, au jeu de boules et au pastis ! Bien que cela ne soit pas réservé aux habitants de la Provence, ce moment magique prend toute son importance dans notre région, d'autant plus lorsque la chaleur devient de plus en plus accablante. Comment résister, après une bonne matinée passée à la pétanque, sport traditionnel populaire, après un apéritif bien arrosé de « petit jaune », suivi d'un bon repas, comme l'aïoli par exemple - qui demande toute l'énergie possible pour réussir une bonne digestion - à l'appel d'un petit pénéquet ? C'est la question que se posent tous les provençaux lorsqu’après le repas, le silence en devient imposant, seulement interrompu par le chant des cigales. C'est alors le moment de se glisser sur une chaise longue, à l'ombre des grands arbres ou encore derrière les volets croisés d'une maison contenant encore la fraîcheur de la nuit précédente ! Le pénéquet est à présent en train de gagner les esprits et de plus en plus de partisans d'une sieste qui deviendrait obligatoire se font entendre, louant les bienfaits d’une petite somme d'un quart d'heure par jour afin d'améliorer la mémoire, les jugements ainsi que la créativité de tous. Alors ne dénigrons pas cet instant sacré !

De là à faire l’éloge de cette pratique, il n’y a qu’un pas !

Un ancien président de la république a préfacé le livre de Bruno Comby : « Eloge de la Sieste ».

« C'est avec un peu d'étonnement que j'accueillais la proposition de Bruno Comby d'écrire une préface à son "Éloge de la sieste", …Mais, à bien y réfléchir, partant de mon expérience de la sieste, de tout ce qu'elle m'apporte et de tout ce qu'elle m'autorise dans mon emploi du temps, cette idée d'un ouvrage qui serait, à la fois, un encouragement à pratiquer la sieste et un mode d'emploi m'a finalement conquis.

Le repos est une affaire sérieuse, dont la qualité conditionne notre existence. De nombreuses religions ont sacralisé le sommeil dont Charles Péguy écrivait qu'il est « l'ami de Dieu [et] de l'homme ». Les anciens savaient que la clé des songes est aussi celle de l'équilibre et du bonheur, et recommandaient la pratique de la sieste…

Parmi nos illustres contemporains, André Gide, qui en était le fervent adepte, avouait lui consacrer deux heures quotidiennes, parfois plus, et en tirait une grande satisfaction…

Oui, la sieste est une recette d'équilibre à la portée de tous… » Jacques Chirac

 « Laissez-vous aller, allongez-vous, ne résistez pas à l’appel de la sieste, à ce plongeon voluptueux dans le sommeil diurne ! Dormez, rêvez, rompez les amarres avec la rive du quotidien chronométré ! Décidez de votre temps, siestez ! » écrit Thierry Paquot, dans son essai : « L’art de la sieste », et il met l’accent sur la maîtrise du temps et la reconnaissance d’un temps à ne rien faire d’autre que… dormir !

Différents auteurs ont parlé de la sieste ou décrit ce moment privilégié et des peintres très célèbres comme Van Gogh, Millet et Pissaro nous ont laissé des tableaux célèbres sur le thème de la sieste.

Alphonse Daudet dans plusieurs de ses œuvres et bien sûr dans les « lettres mon moulin » décrit ce moment de la journée où tout est calme, les routes et rues désertes, volets fermés…

« C’était en revenant de Nîmes, une après-midi de juillet. Il faisait une chaleur accablante. À perte de vue, la route blanche, embrasée, poudroyait entre les jardins d’oliviers et de petits chênes, sous un grand soleil d’argent mat qui remplissait tout le ciel. Pas une tâche d’ombre, pas un souffle de vent. Rien que la vibration de l’air chaud et le cri strident des cigales, musique folle, assourdissante, à temps pressés, qui semble la sonorité même de cette immense vibration lumineuse… Je marchais en plein désert depuis deux heures ». A.D les deux auberges.

A Cucugnan, ce village d'Occitanie, en Roussillon et non en Provence, bien connu pour son curé, la municipalité a pris l’initiative de créer un lieu dédié à la sieste…Au pied du château de Queribus c’est un espace de repos, d’observation et de sensibilisation au patrimoine naturel environnant.

Le Pont du Gard, le lundi de Pâques, propose une « sieste musicale » moment où on oublie notamment les tracas qui envahissent la vie quotidienne.

En Espagne, les horaires des bureaux laissent le temps de faire la sieste. Le travail reprend dans l’après-midi, vers 15 ou 16 heures. En revanche, il finit plus tard, entre 20 heures et 21 heures. Le gouvernement essaye sans succès de modifier cette habitude peu conforme aux exigences de la mondialisation : les horaires des fonctionnaires pourraient désormais finir à 18 heures. L’État espère ainsi inciter les entreprises à suivre la même voie.

En Chine, le droit à la sieste est inscrit dans la Constitution de 1948, article 49 :  « Ceux qui travaillent ont droit à la sieste ».

Au Japon, de nombreuses entreprises japonaises ont aménagé dans leurs locaux des espaces destinés à la sieste plus ou moins forcée de leurs employés.

Les enfants en bas âge ont souvent besoin d'un tel moment de repos, au moins sous la forme d'un « temps calme » organisé dans les structures d'accueil (écoles, centres de loisirs ou de vacances). 

Françoise Hardy nous invite à ce temps de repos :

« Et si tu mettais Le répondeur, C'est mieux que les boules Quiès

T'as pas remarqué que c'est l'heure de faire la sieste...

T'agiter trop tôt serait une erreur, t'as besoin de repos. »

La sieste nous a laissé au moins quatre mots étroitement liés à sa pratique.

Le "radassier"; cette sorte de canapé à structure de bois et à assise de paille, à trois places, peu confortable. « Radasser » c’est « se reposer » du verbe radassa dans les parlers du Midi.

« La méridienne » terme surtout employé pour désigner un fauteuil plus confortable sur lequel on se repose ; un canapé à deux chevets de hauteurs inégales qu’on a baptisé « récamier » à cause du célèbre portrait de David, et dont la partie basse peut être rabattue à l’horizontale.

Le « sofa » sorte lit de repos à trois dossiers qui sert de siège, et que l'on confond souvent avec un canapé. « On appelle un sofa une espèce de lit de repos à la manière des Turcs ».

Et autres « chaises longues » et « transats ».

Nous pourrions chanter avec Fernandel : « Le tango Corse, c'est un tango conditionné / Le tango Corse, c'est de la sieste organisée / (...) Le tango Corse, c'est l'avant-goût de l'oreiller », avec toute la lenteur voulue

 

Bonne sieste ! elle s’impose en particulier ce 1er juillet 2025

 

samedi 21 juin 2025

" Faites de la musique "

 

Qui a inventé la fête de la Musique ?

 En 1982, M. Jack Lang, ministre de la Culture, lance la première édition de la fête de la musique en France. Cependant il faut remonter à l'année 1976 pour connaître la véritable histoire de la fête de la musique et même bien au-delà ! Cette année-là, Joël Cohen, un musicien américain qui travaillait pour France Musique, propose des « Saturnales de la Musique » le 21 juin et le 21 décembre - une programmation musicale spéciale diffusée toute la nuit, pour fêter en musique les deux solstices. La première édition a lieu le 21 juin 1976.

Il se trouve qu’à la même époque, le compositeur Maurice Fleuret est aux commandes d’une émission hebdomadaire sur France Musique. Le concept de Joël Cohen aurait-il inspiré le futur Directeur de la Musique et de la Danse de Jack Lang  ?

Quelques années plus tard, le 10 juin 1981, la « Fête de la Musique et de la Jeunesse » est organisée pour célébrer l'élection du Président François Mitterrand, un concert gratuit place de la République à Paris réunit environ 100 000 personnes.

Jack Lang et Maurice Fleuret s'inspirent de cet évènement festif et des « Saturnales de la Musique » de Joël Cohen pour créer la Fête de la Musique dont le titre était initialement « Faites de la musique ! » afin d'inciter les amateurs à se produire en France. Et ça marche ! Le 21 juin 1982, jour de la première Fête de la Musique officielle, les musiciens envahissent les bars, les parcs, les rues pour le plus grand bonheur des citoyens.

Quelle que soit l’origine de la Fête de la musique, à ses débuts, personne ne pouvait imaginer un tel succès populaire.

C'est "une révolution dans le domaine de la musique, qui tend à faire se rencontrer toutes les musiques – sans hiérarchie de genre ni d’origine – dans une commune recherche de ce que Maurice Fleuret appelait « une libération sonore, une ivresse, un vertige qui sont plus authentiques, plus intimes, plus éloquents que l’art », raconte le site officiel de la fête de la musique.

Reprise dans plus de 110 pays à travers le monde, la Fête de la Musique est aujourd'hui célébrée dans plus de 350 villes et 120 pays.

Mais pourquoi la fête de la musique a lieu le 21 juin ?

Jour du solstice d'été, le 21 juin est la nuit la plus courte de l'année dans l'hémisphère nord. Un jour symbolique qui signe le début des beaux jours et un temps qui incite à faire la fête jusqu'à l'aube.

Pourtant le symbolisme qui relie Fête de la Musique et solstice d’été ne sera pas toujours une réalité car la décision de 1982 ne tient pas compte de l’évolution du calendrier. En 1582, le calendrier « grégorien » celui en vigueur de nos jours, a adapté les dates des solstices et équinoxes pout être au plus près de la durée du cycle du soleil. Ainsi le solstice peut intervenir le 19 juin le 20 juin, le 21 et même le 22. Le solstice d’été sera le 22 juin en 2203, 2207, 2211 et 2215, puis en 2304. En 2488 le solstice sera le 19 juin et ce sera la première fois depuis la mise en place du calendrier « grégorien ». Notez-le, on ne sait jamais !

Notre Fête de la Musique restera le 21 juin.

D’où ma question : qui est donc le véritable inventeur de la fête de la Musique, bien au-delà de ce que je viens d’écrire.

Si on fait un grand bond en arrière, on trouve une autre origine d’une fête de la musique, celle-là étroitement liée au solstice qui selon les règles du calendrier « Julien » était toujours et invariablement le 24 juin, tout comme celui d’hiver le 24 décembre. D’où la fête de Noël le 25 décembre et le 24 juin la fête de la naissance de Jean-Baptiste, le précurseur, celui qui annonçait la naissance de Jésus.  Ce faisant l’église sublimait des fêtes qui depuis la nuit des temps célébraient le soleil vainqueur des ténèbres avec notamment des feux de joie devenus nos Feux de la Saint Jean.

Un chant grégorien (hymne à Saint-Jean-Baptiste écrit par Paul Diacre, né en 730, mort vers 799), possédait une caractéristique intéressante : chaque vers commençait sur une note plus haut que le vers précédent. Or jusqu’à cette époque les notes étaient choisies dans les premières lettres de l’alphabet, ce qui est encore le cas dans certains pays anglo-saxons.

 Guy d’Arezzo, un moine bénédictin de cette belle ville entre Toscane et Romagne, qui vivait de 992 à 1033 en recherchant à la fois un système de notation facile et une codification des intervalles musicaux, a imaginé ce qu’on désigne aujourd’hui par le mot de « gamme », en prenant les premières syllabes de cet hymne de la fête de Saint Jean-Baptiste pour baptiser les notes de la gamme .

Voici ce chant, avec la mélodie et la traduction :

Ut queant laxis

do re fa (remi) re

Que tes serviteurs chantent

resonare fibris

re re do re mi mi

D’une voix vibrante

Mira gestorum

(mifasol) mi re (fado) re

Les admirables gestes

famuli tuorum

fa sol la (solla) re re

De tes actions d’éclat.

Solve polluti

(sollasol) mi fa sol re

Absous des lourdes fautes,

labii reatum

la sol la fa (solla) la

De leurs langues hésitantes

Sancte Joannes

(solfa) re do mi re

[Nous t’en prions,] Saint Jean.

 

Le Si est en fait venu plus tard. Il vient des initiales SJ du dernier vers.

Ut est devenu Do, parce que Ut était une syllabe trop difficile à chanter (le choix pourrait venir de la première syllabe du mot Domine, Seigneur ou Dieu en latin).

On attribue cette création à Anselme de Flandres, un musicien du XVI e siècle . Cette création se retrouve dans les écrits de Giovanni Maria Bononcini au XVIIe siècle et Pierre l’Arétin, lui aussi natif d’Arezzo parle du « do » en 1536.

Certains pays (Allemagne et pays germanophones, Angleterre et pays anglophones) n’utilisent pas cette nouvelle dénomination et ont conservé l’ancien système inspiré de l’Antiquité, qui consistait à nommer les notes par les premières lettres de l’alphabet. Voilà pourquoi le blues et le jazz, musiques d’origine américaine, notent aujourd’hui les harmonies grâce à des lettres :

Cela donne :

Système latin

Système anglophone

Système germanophobe

do

C

C

D

D

mi

E

E

fa

F

F

sol

G

G

la

A

A

si

B

H

 

Ceci est un fait remarquable que connaissent bien les bons amateurs de musique, ou qu’ils se doivent de connaître, avec quelques bémols, dièses et bécarre, apportés récemment en 1988 par MM Chailley et Viret dans La Revue Musicale. Ce serait dommage d’effacer cette jolie histoire ! Pour plus de détails voyez vos encyclopédies, par exemple l’Encyclopédia Universalis à l’article « Gamme ».

Il y a donc bien longtemps que la musique est au cœur du solstice d’été. Nos dirigeants et musiciens de 1976 et de 1982 connaissaient-ils  ce fait historique ?

Qui donc est le véritable inventeur de la Fête de la Musique ?  Jack Lang mais aussi Joël Cohen et Maurice Fleuret et avant eux Guy d’Arrezo, Giovanni Maria Bononcini, et sans doute d’autres qui tous à leur façon, tous ont contribué à la création de cette si belle fête qui marquent le jour de l’(année le plus long.

Mon intention est de rappeler ici, que depuis bien longtemps, on fête la musique en ces périodes où l’été prend ses marques, solstice ou pas !

Le 21 juin : faisons de la musique en pensant à tout ce qu’on leur doit !  et renouons avec la belle tradition des feux qui depuis la nuit des temps marquaient le solstice, Feux de la Saint Jean comme nos amis Catalans qui depuis le Canigou font descendre la flamme dans les villages des PO. Mais attention aux feux !

Adissias ! Jean Mignot

 

 

 

de la canicule

 par les temps qui courent ...

De la canicule

 

Canicule ne veut pas dire nécessairement « chaleur ». Dès que la température approche ou dépasse les 30 °, surtout depuis 2003 on utilise ce mot à tort et à travers. Ce mot avec le temps a changé de sens. C’est un mot qui vient du latin canicula, diminutif de canis (=chien) parce que la période du 24 juillet au 24 août est la période où la principale étoile de la constellation du Chien, Sirius, se lève et se couche en même temps que le soleil.

En Egypte antique, ce phénomène marquait le début de la saison de la crue du Nil et permettait de fixer le calendrier annuel. Dans la Rome antique, le début de la Canicule était célébré par la fête de Neptunalia (le 24 juillet), on lui attribuait de mauvaises influences (maladies causées par la chaleur et hurlements des chiens) et on tentait de conjurer l'influence néfaste de Sirius sur les moissons en immolant des chiens roux comme le soleil.

Les Anciens avaient alors pensé qu’il y avait un lien entre l’apparition de cette étoile et les grandes chaleurs.  Déjà Pline l’Ancien écrivait : « Quant à la canicule, qui ignore que, se levant, elle allume l’ardeur du soleil ? Les effets de cet astre sont les plus puissants sur la terre : les mers bouillonnent à son lever, les vins fermentent dans les celliers, les eaux stagnantes s’agitent. Les Egyptiens donnent le nom d’Oryx à un animal qui, disent-ils, se tient en face de cette étoile à son lever, fixe ses regards sur elle, et l’adore, pour ainsi dire en éternuant. Les chiens aussi sont plus exposés à la rage durant tout cet intervalle de temps ; cela n’est pas douteux. »

Les Romains sacrifiaient les chiennes rousses pour apaiser la Canicule. Il était de coutume de jeter au bûcher des chiennes au pelage roux. On trouve des traces de cette maltraitance du chien dans de nombreuses expressions. Une météo maussade et pluvieuse est qualifiée de « temps de chien » et la chaleur caniculaire trouve son origine linguistique dans la constellation du Grand Chien. L’animal réputé comme le meilleur ami de l’homme a bon dos. Bouc émissaire des maux humains on associe le chien à un grand nombre d’expressions négatives : « se faire traiter comme un chien » ; « être d’une humeur de chien » ; « être malade comme un chien » ; « arriver comme un chien dans un jeu de quilles » ; « se regarder en chiens de faïence » ; « mener une vie de chien » ; « avoir un caractère de chien » … Même les religions donnent une image négative et d’impureté.  La Bible et le Coran en donnent beaucoup d’exemples. 

Canicule ou thermidor c’est cette période qui a vu la chute de Robespierre et le rôle si important de « Notre Dame de Thermidor » la belle Madame Tallien, Theresa Cabarrus, dans ce grand changement.  Elle était apparue à l’Opéra, dans une tunique de soie blanche sans manche, et aucun sous-vêtement. Ce qui permit à Talleyrand, dont on connaît bien l’esprit d’à-propos de dire : « il n’est pas possible de s’exposer plus somptueusement ! » C’est vrai qu’elle avait pris des risques ! 

Henri Voulland, notre avocat uzétien eut un rôle important dans cette période trouble. En tant que Membre du Comité de Sûreté Générale il est signataire de l’arrêté qui conduisit Robespierre à l’échafaud.

Il nous reste lointain souvenir de cette époque le « homard Thermidor ». En réalité, il s’agit d’une recette créée au restaurant « Maire » à Paris, en hommage au drame « Thermidor » de Victorien Sardou. Pourquoi ce qualificatif ? eh bien peut-être parce qu’il faut couper le homard en deux alors qu’il est encore vivant ! A moins que ce ne soit qu’une histoire de sauce ! On imagine facilement la suite !

Thermidor a disparu du calendrier avec l’arrivée du premier Empire. Avec le décalage du cycle des astres, un jour la canicule tombera même en plein hiver et sera lors une période de froid et de gelées !

C’est donc un peu un contre-sens d’employer ce mot pour parler de chaleur. Il serait plus correct d’écrire ou de dire : « il fait chaud, comme pendant la canicule » c’est-à-dire comme pendant cette période qui va du 23 juillet au 24 août. On peut parler aussi de chaleur « caniculaire ».

Il est considéré qu'une canicule correspond à une température de nuit supérieure à 18-20 °C et une température de jour supérieure à 30-35 °trois jours de suite. En France métropolitaine, la période la plus propice aux canicules s'étend du 15 juillet au 15 août. Mais faut-il vraiment attendre que nos gouvernants déclenchent le « Plan canicule » pour fermer les volets aux heures les plus chaudes de la journée et boire de l’eau pour s’hydrater ! Ce n’est pas la canicule parce que le gouvernement ou le préfet l’ont dit ! C’est la canicule parce qu’il fait chaud, très chaud, ou trop chaud !  Ce n’est pas nouveau qu’il fasse chaud au mois de juillet ou en août Un peu de bon sens que diantre !

 

Longtemps les étés « caniculaires » ont eu lieu plusieurs années de suite par groupe de trois ou de quatre comme dans les années 1132 ou en Alsace, le Rhin pouvait être traversé à pied. En 1160, en France les récoltes d’avoine et de seigle sont complètement détruites par la chaleur. En 1303/1304 on peut traverser la Seine, la Loire et le Rhin à pied.

1331-1334, 1385 -1393 animaux et récoltes sont anéantis par la chaleur. En 1718 aucune pluie en France en avril et octobre. Chaleurs excessives en 1748, 1754, 1760 puis en 1778-1781 et à la veille de la Révolution en 1788. Il fait 36 ° pour les Trois Glorieuses les 27,28 et 29 juillet 1830. En 1947 on enregistre trois vagues successives supérieures à la moyenne des températures enregistrées, du 26 au 28 juin puis du 22 juillet au 4 août et ensuite du 14 août au 20 août. N’oublions pas la sécheresse et les chaleurs de 1976, et la canicule de 1983 qui frappe très fort Marseille. Ce sont les grosses chaleurs de 2003 dès la fin avril qui ont déclenché une prise de conscience de la nécessité de s’organiser. 

Certes les météorologues nous disent que les instruments de mesure avant l’invention du thermomètre et du baromètres n’existant pas, on ne peut se référer sérieusement à ces données. Mais l’histoire est là et on connait bien les conséquences des grosses chaleurs sur non seulement les récoltes et donc les famines et les épidémies, mais aussi sur les événements historiques, révoltes et autres.  Sans nier les effets du réchauffement climatique et l’effet de serre, alors qu’on n’avait pas le moteur à explosion, les avions et les énormes porte-containers sur les mers, ni le chauffage au fuel, il y a eu fréquemment des canicules. Emmanuel Leroy-Ladurie développe longuement cela dans ses ouvrages, notamment « L’histoire des Climats depuis l’an 1000 ». Mémoire quand on te perd !

Cette année le cycle de la lune correspond à cette période. Ce sera idéal pour contempler les étoiles vers le 24 juillet.  Nous penserons à Saint Jacques de Compostelle le 25 juillet en contemplant la voie lactée, faute de pouvoir suivre son chemin. En août nous pourrons observer les « larmes de saint Laurent », les Laurentides, ou encore les Perséides, dans les nuits autour du 10 août, puisque ce sont les nuits où l’on voit le plus d’étoiles filantes, baptisées si joliment du nom de ce martyre qui fut immolé sur un gril ! Je ne ferai pas d’autres rapprochements avec une pratique si courante en cette période estivale 

Avec Musset nous verrons au couchant la belle Vénus : « pâle étoile du soir, messagère lointaine, dont le front sort brillant des voiles du couchant, que regardes-tu dans la plaine ? » 

Et nous penserons à Racine et à Uzès avec ces vers si charmants dont Uzès n’a trop souvent retenu que le dernier :

« Lorsque la nuit a déployé ses voiles

La lune au visage changeant

Parait sur un trône d’argent

Tenant cercle avec les étoiles ;

Le ciel est toujours clair tant que dure son cours

Et nous avons des nuits plus belles que vos jours !

Adissias !

samedi 26 avril 2025

La "Lune rousse" 2025

 

 Rouge, Rose ou Rousse ?...

Après la Pleine Lune de mars dite « Lune rouge » ou « Lune de sang » à cause du phénomène optique de diffusion et de dispersion de la lumière généré par une éclipse, et après la pleine Lune d’Avril appelée « Lune Rose » non pas à cause de sa couleur mais selon une coutume des Amérindiens de baptiser chaque Pleine Lune d’un qualificatif, cette fois lié à la période des fleurs notamment du plohx subulata, voici la Lune Rousse.  C’est pendant cette période que se situent les saints de glace. Leur influence est d’autant plus à craindre que leur fête coïncide aux périodes de la lunaison où l’influence de la lune se fait le plus sentir. S’il faut parler d’influence, c’est bien en effet de celle de la lune et non des braves saints qu’il faut parler.  Leur fête est essentiellement un moyen mnémotechnique qui date d’une époque ou le calendrier du facteur n’existait pas. 

En ces périodes, le soleil déjà haut et reste de plus en plus avec nous (+ 1H 30 en avril et + 1h22 en mai). Quand le ciel est dégagé, le thermomètre indique 19°, 20° ou 24° voire plus, dans la journée. Les petites pousses, les fruits en formation se gorgent de chaleur. Mais la terre met très longtemps à se réchauffer et elle ne peut pas restituer assez de chaleur la nuit.  Quand le soleil se couche, la fraicheur se fait ressentir, le froid se rétablit. Le thermomètre indique +4 ou + 5 degrés, plus ou moins mais pas nécessairement 0°.  Les petites pousses, les embryons de fruits subissent un choc thermique et prennent une apparence de roussi et deviennent noirs. C’est l’effet de « lune rousse ». 

« Lune rousse, vide bourse » ; « lune rousse, rien ne pousse » ; « Gelée de lune rousse de la vigne ruine la pousse » ; « Récolte n’est point assurée que la lune rousse soit passée ».

Voici à ce sujet une anecdote.

« Je suis charmé de vous voir réunis autour de moi, disait un jour Louis XVIII à une députation du Bureau des Longitudes qui était allée lui présenter la « Connaissance des temps et de l’annuaire », car vous allez m’expliquer ce que c’est que la lune rousse et son mode d’action sur les récoltes »

Le savant Laplace, qui conduisait cette délégation, resta sans réponse ; lui qui avait tout écrit sur la lune, n’avait en effet jamais songé à la lune rousse. Il consultait ses voisins du regard mais, ne voyant personne disposé à prendre la parole, il se détermina à répondre lui-même : « Sire, la lune rousse n’occupe aucune place dans les théories astronomiques ; nous ne sommes donc pas en mesure de satisfaire la curiosité de Votre Majesté. »

Le soir, pendant son jeu, le Roi s’égaya beaucoup de l’embarras dans lequel il avait mis les membres de son Bureau des Longitudes. Laplace l’apprit et vint demander à Arago s’il pouvait l’éclairer sur cette fameuse lune rousse. Arago alla aux informations auprès des jardiniers du Jardin des Plantes, et voici sa réponse publiée par Camille Flammarion dans « Astronomie populaire »

« Dans les nuits des mois d’avril et mai, la température de l’atmosphère n’est souvent que de 4, de 5 ou de 6 degrés centigrades au-dessus de zéro. Quand cela arrive, la température des plantes exposées à la lumière de la lune, c'est-à-dire à un ciel serein, peut descendre au-dessous de zéro, nonobstant l’indication du thermomètre. Si la lune, au contraire, ne brille pas, si le ciel est couvert, la température des plantes ne descend pas au-dessous de celle de l’atmosphère, il n’y aura pas de gelée, à moins que le thermomètre n’ait marqué zéro, pour d’autres raisons. Il est donc vrai, comme les jardiniers le prétendent, qu’avec des circonstances thermométriques toutes pareilles, une plante pourra être gelée ou ne l’être pas, suivant que la lune sera visible ou cachée par des nuages ; si les jardiniers se trompent, c’est seulement dans les conclusions : c’est en attribuant l’effet à la lumière de l’astre. La lumière lunaire n’est ici que l’indice d’une atmosphère sereine ; c’est par suite de la pureté du ciel que la congélation nocturne des plantes s’opère ; la lune n’y contribue aucunement ; qu’elle soit couchée ou sur l’horizon, le phénomène a également lieu. L’observation des jardiniers était incomplète, c’est à tort qu’on la supposait fausse. »

Les savants viennent ici au secours de la sagesse populaire qui avait fait les mêmes observations au point que ce phénomène se reproduisant nos Anciens ont écrit des dictons liés à la fête de ces saints qualifiés de « saint de glace ».  

Cette année avec les décalages de durée du calendrier lunaire avec notre calendrier grégorien, la lunaison de la « Lune Rousse » a lieu du 27 avril au 27 mai. Les premiers saints de glace sont en dehors des dates de cette lunaison

Saint Georges le 23 avril ouvre le ban : « Pluie de saint Georges, coupe les cerises à la gorge ! » ou encore : » S’il pleut à la saint Georges, de cent cerises restent quatorze ». Et aussi : » S’il pleut à la saint Georgeau, n’y aura guignes ni bigarreaux ».

Vient ensuite Saint Marc le 25 avril : « s’il pleut le jour de la saint Marc, les guignes couvriront le parc » ; ou encore : « A la saint Marc s’il tombe de l’eau, il n’y aura pas de fruits à couteau ». C’est à dire de fruits dont on enlève la peau avec un couteau. Il faut ajouter à leur compagnie saint Philippe le 1er mai

« Marquet (Marc), Georget (Georges), et Philippet (Philippe), sont trois casseurs de Gobelets. » ou comme l’écrivait Rabelais « les saints gresleurs et gasteurs de bourgeons ». Le froid ou la grêle ces jours–là est néfaste pour la vigne, donc au vin, donc aux pichets et aux gobelets.  On dit encore :« Trois saints dont faut se méfier »

On ajoute à la liste Saint Robert le 29 avril, saint Eutrope le 30 avril.   

Saint Robert le 29 avril : « Gelée de saint Georges, saint Marc, saint Robert, récolte à l’envers ».

On dit aussi :     La pluie de saint Robert, du bon vin emplira ton verre.

Le 30 avril pour Saint Eutrope (ou Tropet) : saint Eutrope mouillé, Cerises estropiées.

« Les saints de glace » ne seraient, selon certaines interprétations, que les suivants, dont la fête à lieu pour la 2ème partie de la lunaison, et ils sont les plus redoutés, surtout comme si pour cette année, leur fête est aux approches de la pleine lune de mai qui est le 12mai : « Mamert, Servais et Pancrace, voilà les trois saints de glace ». Ce sont les plus connus et les plus populaires « trois saints qui à eux seuls font un petit hiver ».

Pour couvrir toute la période de cette lunaison dont les dates varient, on trouve encore Saint Urbain, plutôt rassurant «   le paysan ne sera rassuré qu’après la saint Urbain passée »

Urbain peut être le pire des saints de glace au point que dans certains pays de vigne on le promenait quand il faisait beau et on lui « foutait le cul dans les orties » quand il gelait encore ! Nous devrions être tranquille à la fin de la lunaison avec la fête de l’Ascension, le 29 mai « à l’Ascension dernier frisson ».  

   Addisias 

                                                                           

 

 

lundi 31 mars 2025

1 er Avril 2025

 

Le 1er avril n’était pas au programme ! …

« Voulons et ordonnons qu’en tous actes, registres, instruments, contrats, ordonnances, edicts, tant patentes que missives, et toute escripture privé, l’année commence doresénavant et soit comptée du premier jour de ce moys de janvier. »

Donné à Roussillon, le neufiesme jour d’aoust, l’an de grâce mil cinq cens soixante-quatre. Et de notre règne le quatriesme. Ainsi signé, le Roy en son Conseil. Sébastin de l’Aubespine.

C’est en ces termes en vieux français qu’il fut décidé que désormais ce ne serait plus au mois d’avril que commencerait l’année civile mais en janvier. Le roi et la Cour étaient à Roussillon en Isère. Catherine de Médicis, profitant de la paix retrouvée entre partis catholique et protestant, avait entrepris en janvier 1564, un grand tour de France pour renforcer dans les provinces le sentiment monarchique. Il fallait asseoir l’autorité du jeune roi qui n’avait que 14ans. Un parcours de près de 4000 km qui devait durer deux ans à travers les provinces du royaume avec une cour de 15000 personnes. On imagine difficilement le côté pratique de ce déplacement qui mènera Charles IX  dans le Gard, à Nîmes et au château de Saint Privat au Pont du Gard.

Le 9 juin1564 la Cour fait étape à Lyon, mais une épidémie de peste l’oblige à trouver refuge dans le château de Roussillon quelques 50km plus au sud. Le séjour fut agréable, interrompu par quelques séances de travail. Le souverain était accompagné de ses ministres, Michel de l’Hospital et Sébastien de l’Aubespine. Un édit relatif à la police et à la justice du royaume avait été rejetée par le Parlement de Paris. On se remit au travail. Le 1er avril n’était pas au programme. Mais on avait constaté au cours de ce voyage à travers les provinces que l’année commençait à des dates variables selon les coutumes et usages locaux, tantôt Noël, tantôt Pâques, ou le 25 mars à Vienne mais le 25 décembre à Lyon ainsi qu’en Poitou, en Normandie ou en Anjou par exemple. On décida d’uniformiser cela. Si on n’a pas la même référence c’est difficile de gouverner. On ajouta un article 39 à cet édit  qui stipula que l’année commencerait désormais le 1er janvier.

Cette disposition fut acceptée et enregistrée par le Parlement de Paris dès 1564 mais appliquée plus ou moins rapidement. A Paris en 1567, à Beauvais en 1580… Les nouvelles ne circulaient pas aussi vite qu’aujourd’hui, sans télévision et sans internet, et il fallait du temps avant qu’une loi soit promulguée…Quand on arriva au 1er avril 1565 certaines régions n’acceptèrent pas la nouvelle disposition. Ces irréductibles continuèrent à recevoir leurs contemporains avec de faux cadeaux, mottes de terre ou bottes de paille. Avec le temps les petits cadeaux d’avril se transformèrent en farces, blagues et canulars. Selon les corps de métiers, on envoyait les apprentis les moins dégourdis en leur demandant de rapporter des objets insolites tels que « la corde à lier le vent », « la passoire sans trou », et « la clef des champs » , « le bâton à un seul bout » ou de « l’huile de coude »…C’est cette page d’histoire qui serait à l’origine de nos poissons d’avril.

Je dois faire remarquer que cet édit de 1564 fut appliqué, avec quelques difficultés dues aux résistances locales toujours très fortes et ça ce n’est pas très nouveau dans notre pays ! , qu’au premier janvier de l’année qui suivait, donc après le 1er janvier 1565, les décisions administratives n’ayant en principe aucun effet rétroactif.

Ce n’est donc qu’après 1564 que progressivement est née la tradition de commémorer feu le début de l’an au 1er avril par toutes sortes de farces et attrapes. Nous l’avons vu, Paris appliqua l’édit en 1567. Beauvais en 1580. Le poisson d’avril ne date donc pas de 1564 mais des années qui suivirent.

D’aucuns prétendent que l’origine est autre et que le poisson d’avril est lié au fait que la lune sort du signe zodiacal des Poissons ; d’autres prétendent que l’origine serait dans le fait qu’avril étant encore en carême on ne mangeait alors que du poisson... !

En Angleterre, le poisson d’avril se dit « april’s fool ». C’est l’occasion de faire de nombreux gags. En Ecosse, c’est le traditionnel « hunt the gowk ». Gowk c’est le coucou et chez nous on dit : « Ce n’est jamais avril si le coucou ne l’a pas dit ! »  ( Il n’a pas encore chanté dans notre région ! ) Dans ce pays, on envoyait l’idiot du village porter un message ; celui qui le recevait envoyait le messager à une autre personne, et ainsi de suite jusqu’à ce que le messager finisse par ouvrir le message et lise ces mots « chasse le coucou un mile de plus ! ». Quand il revenait le soir, éreinté d’avoir couru pour rien toute la journée, les farceurs ayant organisé ce tour pendable, se réunissaient pour rire à ses dépens. La personne dupée était appelée « April gowk » « coucou d’avril ».

Les Ecossais avaient ainsi beaucoup de plaisir à envoyer des personnes faire des courses idiotes, comme d’« aller chercher des dents de poule » ou « du lait de pigeon » ! Le 2 avril chez eux se nomme « Taily day ». Il s’agit de réussir à donner un cadeau à une personne de son choix tout en essayant de lui coller dans le dos un petit panneau où il est écrit « Donnez un coup de pied aux fesses ».

En Belgique les enfants (et même les plus grands !) attachent un poisson en papier dans le dos de leurs camarades, de leurs parents, de leurs professeurs.

En Allemagne, on dit « April april » ou « Aprilscherz » et ce, au moment de faire sa blague ou juste après pour faire comprendre que c’est juste une blague !

Nous pourrions poursuivre notre promenade !

Nous observerons bien le temps du jour des Rameaux, « Pâques fleuries », car s’il pleut sur les rampams ( les rameaux) il risque de pleuvoir sur le « volant » c’est à dire la faucille que l’on utilisait pour moissonner. C’est plus joli en langue du pays d’oc : « can ploou sul rompan, ploou sul boulan ».

Avec ses « œufs de Pâques » avril, qui compte dans ses rangs la fête de Pâques, nous rappelle qu’il fut un temps, bien avant la mode du végétarisme ou du véganisme, où pendant le Carême, la consommation des œufs, considérés comme d’origine animale, était proscrite. C’est l’origine des œufs de Pâques en chocolat et le populaire « lundi de l’Omelette » ou « lundi de Pâques » où la coutume voulait qu’on se retrouve en un lieu champêtre pour « faire l’omelette ».

Avec sa fête de Pâques dont la date est déterminée selon un savant et long calcul qui veut¨Pâques soit le premier dimanche qui suit la première Pleine Lune de printemps, avril rappelle le grand passage du Peuple Hébreu à travers la Mer Rouge, fuyant l’Egypte des Pharaons et l’esclavage. C’est à l’occasion de la célébration de cette commémoration qu’eut lieu la mort et la Résurrection du Christ. Pâques c’est la grande fête chrétienne de l’année liturgique et sa date qui varie, conditionne les fêtes mobiles qui s’en suivent, tant attendues, car elles sont l’occasion de Ponts et jours fériés, Pont de l’Ascension, lundi de Pentecôte.

Pâques peut donc avoir lieu entre le 22 mars et le 25 avril au gré des aléas du mois lunaire qui étant plus court que le mois solaire vadrouille entre ces dates.

A cette occasion les cloches de nos églises carillonnent à tout va pour , dit-on, aller à Rome et revenir au matin de Pâques chargées d’œufs en chocolats . Les gens d’Uzès pourront lire un article sur « leurs » cloches dans un prochain numéro du journal local « le Républicain d’Uzès » 

La lunaison qui commence après Pâques du 27 avril au 27 mai est appelée Lune Rousse .  C’est pendant cette lunaison que se situent les célèbres saints de glace que nos médias et services de météo s’obstinent à oublier en ne retenant que les trois derniers qui il est vrai peuvent faire à eux seuls un petit hiver : « Les saints Servais, Pancrace et Mamert, font à eux trois un petit hiver »

Le monde paysan sait très bien qu’il faut se méfier d’avril et de mai et d’ores et déjà faire des réserves pour préserver autant que possible vignes et vergers des effets de cette Lune Rousse. En ces périodes et malgré le soleil et les belles journées annoncées la terre n’a pas encore emmagasiné suffisamment de chaleur pour compenser la baisse des températures entre les jours et nuts. C’est alors que se produit ce phénomène redouté et redoutable qui « roussit » les bourgeons ou les frêles feuilles des arbres ou les fruits à peine fertilisés et c’est la catastrophe dans les productions que l’on voudrait bien accessibles de  plus en plus tôt, oubliant que c’est bien mieux et bien plus agréable de consommer des « fruits de saison ». C’est avril et la lune Rousse. On connait bien ce phénomène et on s’y prépare. Il faut préciser que ce phénomène ne se produit que si le ciel est parfaitement clair et dégagé.

A l’époque de Mamert, évêque de Vienne dans la vallée du Rhône au Ve siècle, de pareilles chutes de températures avaient anéanti la récolte des fruits. Le saint évêque avait alors prescrit prières et processions. Ce sont les Rogations qui se déroulaient les trois jours avant la fête de l’Ascension, au chant rythmé des litanies des saints à travers champs. Protège Seigneur, les fruits que la terre nous donne. On priait aussi pour être protégé de la famine et de la peste !

Comme l’invention du calendrier est une chose récente, le seul moyen pour se souvenir du jour où l’on est, était de se référer à la fête du saint du jour.

Ce sont pour avril les saints de glace, d’abord les cavaliers, puis les derniers saints au mois de mai. Ils s’échelonnent sur la longue période où peut se situer la lunaison de la lune rousse qui sera cette année entre le 27 avril et le27 mai.

Ces phénomènes ne sont pas nouveaux et ils se sont produits avec une telle fréquence que nos anciens en ont écrit des dictons. De grâce ne disons pas que c’est du jamais vu !!

La Nouvelle Lune d’Avril a lieu le 27, avec le passage au périgée, très près de notre terre avec un nœud lunaire le 25.  La conjonction de ces trois indications n’est pas de bon augure. Elles sont précédées par la Saint Georges le 23, le premier des Cavaliers du froid : « Saint Georges arrive souvent sur un cheval blanc ». Il est suivi de saint marc la 25 : « Entre saint Georges et Marquet, un jour d’hiver se met ». Viendront ensuite, Robert, Eutrope et puis Philippe le 1er mai, réputés chacun autant que l’autre de saints « Gresleurs, geleurs et gasteurs de bourgeons ». Rabelais, avant le réchauffement climatique nous disait qu’ils étaient « casseurs de gobelet ». Les autres saints de Glace Mamert Pancrace et Servais seront au mois de mai les 11,12 et 13.  Nous ne serons vraiment tranquilles que la saint Urbain, le 25, ou l’Ascension, soient 29, passées. « A l’Ascension dernier frisson ».

Avril qui marquait donc bien le début de l’année, et « ouvrait » l’année comme l’indique si bien son nom, garde bien tout son sens de celui qui marque l’ouverture vers les beaux jours, même s’il ne marque plus le début de l’année.

Rarement un mois, sorti du contexte du calendrier, par édit royal, baptisé différemment que les autres mois du calendrier, un mois qui arrive avec les fleurs et le soleil et qu’on attend avec impatience parce qu’il annonce les beaux jours, aura marqué de son empreinte le changement de temps tant attendu. l. Mais tout cela ne tient qu’à un fil, fin et fragile comme celui de la soie. En bon cévenol je me dois de rappeler cette « éducation des vers à soie » qui a tant marqué nos Cévennes et qui commençait en ce mois d’avril. C’est désormais un conte de Musée, qu’il est si beau de découvrir à la Maison Rouge de Saint Jean du Gard.

Avril comme nos vies ne tient qu’à un fil ! Gardons-nous de toutes imprudences.

 « Addisias »  

Jean Mignot le 31 mars 2025

 

                                                                                                                              

 

vendredi 14 mars 2025

du mois de mars 2025

 

« Mars qui rit malgré les averses … » 

Avec ses giboulées, l’arrivée du printemps, deux éclipses, une de lune et une de soleil, une lune « rouge », le changement d’heure, son mois des poètes et ses grandes marées, mars nous réserve toujours quelques surprises qui ont donné lieu à quantité de vieux dictons annonçant toutes sortes de caprices qui ont donné lieu à une bien vieille légende. 

Il s’agit presque toujours d’une vieille dame qui tente de sauver son troupeau livré aux attaques de l’hiver. Elle refuse de se laisser faire. On emploi à ce sujet le verbe regimber. Elle marchande avec le temps pour essayer de s’en sortir.

Cette légende, très étroitement liée au temps qu’il fait souvent en ce mars est connue sous le nom de « jours d’emprunts » ou « jours de la Vieille » et vers la fin du mois : « Li Vaquerieu ». On retrouve cette légende surtout dans le Midi de la France mais elle existe avec des variantes dans la quasi-totalité des pays méditerranéens, même au Maghreb et jusqu’en Roumanie. Chacun bien sûr prétend que sa version est la plus authentique.

Voici la mienne, telle que je l’ai entendue par mes parents en Cévennes.

Les paysans du Midi avaient remarqué que les derniers jours de février et les premiers jours de mars amenaient souvent un changement de temps, un peu comme celui qui s’est produit avec la Nouvelle Lune de ce 28 février.

L’hiver n’avait pas été très rigoureux comme cette année, et même février qui n’avait pas « donné de la teste » n’avait pas plus « donné de la cueste » selon un vieux dicton.

La vieille dame se permit de narguer février : « Adiéou Fébrié ! mé ta frébérado, m’as fait ni péu ni pelado » (Adieu Février ! Avec ta gelée tu ne m’as fait ni peau ni pelée).

Février vexé par cette raillerie, s’en fut trouver Mars : « Mars ! rends-moi un service ! – Deux s’il le faut répondit Mars en obligeant voisin. « Prête-moi trois jours, et trois que j’en ai, je lui ferai peaux et gelées ! »  (Presto -me léou très jour, et très que n’aï, péu e pelado ie faraï).

Aussitôt se leva un temps affreux. Le verglas tua l’herbe des champs et toutes les brebis de la Vieille périrent.

La Vieille, disent les paysans, regimbait, refusait de se laisser faire «  reguignavo » ,au point que ces premiers jours du  mois s’appellent « reguingnado de la Vièio » «  ruade de la vieille »

Elle remplaça ses brebis par une vache et son veau pensant qu’ils résisteraient mieux.

Arrive le printemps. Le temps devient meilleur et le soleil plus brillant. La vieille se réjouit et dit imprudemment « en escapant de mars et de Marséu, aï escapa mi vaco y mi vedel » « en échapant de Mars et de ses giboulées j’ai sauvé ma vache et son veau »

Mars blessé par cette moquerie s’en fut trouver Avril : « Abriéou, n’ai plus que très jours, presto m’en quatre, ensemblé la vaco de la Vieio faren battre ». « Avril il ne me reste plus que trois jours, prête m’en quatre et ensemble nous ferons périr vache et veau »

Avril consentit au prêt. Une gelée tardive arriva et le gel brûla les plantes et la vache et le veau périrent. Mistral dans Mireille, écrit « e li jour négro de la vaco ». Ces derniers jours d’emprunt sont appelés « Li Vaquerieu ».

Ceux qui sont intéressés peuvent se procurer l’ouvrage : « les jours de la Vieille » de Marcelle Delpastre et Albert Pestour, édité par la société d’études historiques et archéologiques de la moyenne Corrèze, publié à Tulle en 1961. On peut consulter cet ouvrage en totalité sur internet.

Ils sont redoutés du monde de l’agriculture car les bourgeons des arbres et de la vigne sont à peine éclos et l’écart des températures entre jour et nuit ne permet pas à la terre de redonner un peu de chaleur, et bien que la température soit autour de +5° les plantes sont « brûlées »

Ces « Jours de la Vieille » ou « Jours d’Emprunts » sont marqués cette année par la Pleine lune du 14 mars et une éclipse qui donnait cette belle lune «  rouge » ou « lune de sang » à la couleur cuivrée qu’on  a pu observer en Bretagne . A ne confondre avec la lune Rousse des mois d’avril et mai dont je vous parlerai une autre fois. Comme on oublie beaucoup notamment ce qu’avaient remarqué nos Anciens en créant cette histoire, on dit une peu vite que les temps changent et que sous l’effet du réchauffement climatique, les effets de Lune Rousse se produisent beaucoup plus tôt.

On a oublié ou on ne connait plus « li Vauquerieu »

Il y a encore plus curieux.

Je rappelle, même si les professionnels de la météo et autres savants refusent d’y croire, que à chaque Nouvelle Lune ou à chaque Pleine Lune, encore  plus si la course lunaire est au périgée soit plus proche de nous et qu’il y a un nœud lunaire, il y a toujours des perturbations atmosphériques et parfois même bien plus. Grandes marées, tempêtes, voire tremblement de terre comme cette nuit en Avignon.

La lune nous surprendra toujours. Voyez plutôt. J’ai souvent expliqué, que selon un cycle dit de Méton, un mathématicien grec du Ve siècle avant JC avait calculé, sans ordinateur et sans satellite, ni avec aucun autre appareil sophistiqué, que la lune revenait dans le même contexte interplanétaire. On appelle cela le cycle de Méton ou cycle métonique. Il a une durée de 19 années plus environ deux heures. Ce cycle avait déjà été observé en Chaldée et en Mésopotamie. Je vous passe les détails.

Voyant le mauvais temps annoncé autour de cette Pleine Lune, je suis donc allé voir le temps qu’il a fait il y a 19ans selon mes notes personnelles quotidiennes.

Et c’est très étonnant de constater qu’en 2006 la Pleine Lune était le 14 mars ; qu’il y avait une éclipse comme cette année, qu’il y avait un nœud lunaire le 14 cette année et le 15 en 2006 ; que la Nouvelle Lune était le 29 en 2006 et aussi cette année, et qu’il y avait eu comme ce sera le cas cette année de grandes marées. Cerise sur le gâteau, en 2006 il a fait très froid les 13,14 et 15 et que c’est la même chose qui est annoncée cette année pour ce we. Il va faire froid.

Si vous avez en tête les étapes de l’’histoire de la Vieille vous voyez bien que nos Anciens étaient bien proches du temps qu’il fait ce mois-ci.

Je fais remarquer autre chose. Désormais, par facilité de calcul, de statistiques et de moyennes, on dit que le printemps démarre au 1er Mars ! Evidemment c’est compliqué pour des statistiques de faire un calcul sur un mois qui s’étale sur deux saisons ! Pourtant il fait donner du temps au temps et on ne peut pas le décider par une simple circulaire. Alors on parle de Printemps « météorologique » et de Printemps « atmosphérique »

C’est une décision arbitraire elle aussi qui a fixé le changement d’heure dans la nuit du 29 au 30 mars. Malgré un avis très largement défavorable à ce changement, la décision d’y mettre fin n’est toujours pas mise en œuvre. Ça me permet de souligner une autre anomalie car, en une période où on prône le retour  à la nature, c’est l’heure d’été, la plus éloignée du cycle naturel de la lune, qui a atteint une très large majorité de suffrages. Les hommes ne peuvent pas décider des règles de la nature !

Et puisque Mars est le mois des poètes, je termine cette chronique avec ces si beaux vers de Charles d’Orléans

Le temps a laissé son manteau
                    De vent, de froidure et de pluie                    
Et s'est vêtu de broderies,
De soleil luisant, clair et beau

Bon mois de mars. Adissias !