« Mars qui rit malgré les
averses … »
Avec ses giboulées, l’arrivée du
printemps, deux éclipses, une de lune et une de soleil, une lune
« rouge », le changement d’heure, son mois des poètes et ses grandes
marées, mars nous réserve toujours quelques surprises qui ont donné lieu à quantité
de vieux dictons annonçant toutes sortes de caprices qui ont donné lieu à une
bien vieille légende.
Il s’agit presque toujours d’une
vieille dame qui tente de sauver son troupeau livré aux attaques de l’hiver.
Elle refuse de se laisser faire. On emploi à ce sujet le verbe regimber. Elle
marchande avec le temps pour essayer de s’en sortir.
Cette légende, très étroitement
liée au temps qu’il fait souvent en ce mars est connue sous le nom de « jours
d’emprunts » ou « jours de la Vieille » et vers la
fin du mois : « Li Vaquerieu ». On retrouve cette légende
surtout dans le Midi de la France mais elle existe avec des variantes dans la
quasi-totalité des pays méditerranéens, même au Maghreb et jusqu’en Roumanie. Chacun
bien sûr prétend que sa version est la plus authentique.
Voici la mienne, telle que je
l’ai entendue par mes parents en Cévennes.
Les paysans du Midi avaient
remarqué que les derniers jours de février et les premiers jours de mars
amenaient souvent un changement de temps, un peu comme celui qui s’est produit
avec la Nouvelle Lune de ce 28 février.
L’hiver n’avait pas été très
rigoureux comme cette année, et même février qui n’avait pas « donné de
la teste » n’avait pas plus « donné de la cueste »
selon un vieux dicton.
La vieille dame se permit de
narguer février : « Adiéou Fébrié ! mé ta frébérado, m’as fait ni
péu ni pelado » (Adieu Février ! Avec ta gelée tu ne m’as fait ni peau ni
pelée).
Février vexé par cette
raillerie, s’en fut trouver Mars : « Mars ! rends-moi un
service ! – Deux s’il le faut répondit Mars en obligeant voisin.
« Prête-moi trois jours, et trois que j’en ai, je lui ferai peaux et
gelées ! » (Presto -me
léou très jour, et très que n’aï, péu e pelado ie faraï).
Aussitôt se leva un temps
affreux. Le verglas tua l’herbe des champs et toutes les brebis de la
Vieille périrent.
La Vieille, disent les paysans,
regimbait, refusait de se laisser faire « reguignavo » ,au
point que ces premiers jours du mois
s’appellent « reguingnado de la Vièio » « ruade de la
vieille »
Elle remplaça ses brebis par une
vache et son veau pensant qu’ils résisteraient mieux.
Arrive le printemps. Le temps
devient meilleur et le soleil plus brillant. La vieille se réjouit et dit imprudemment
« en escapant de mars et de Marséu, aï escapa mi vaco y mi vedel » « en
échapant de Mars et de ses giboulées j’ai sauvé ma vache et son veau »
Mars blessé par cette moquerie
s’en fut trouver Avril : « Abriéou, n’ai plus que très jours,
presto m’en quatre, ensemblé la vaco de la Vieio faren battre ». « Avril
il ne me reste plus que trois jours, prête m’en quatre et ensemble nous ferons
périr vache et veau »
Avril consentit au prêt. Une
gelée tardive arriva et le gel brûla les plantes et la vache et le veau
périrent. Mistral dans Mireille, écrit « e li jour négro de la vaco ».
Ces derniers jours d’emprunt sont appelés « Li Vaquerieu ».
Ceux qui sont intéressés peuvent
se procurer l’ouvrage : « les jours de la Vieille »
de Marcelle Delpastre et Albert Pestour, édité par la société d’études
historiques et archéologiques de la moyenne Corrèze, publié à Tulle en 1961. On
peut consulter cet ouvrage en totalité sur internet.
Ils sont redoutés du monde de
l’agriculture car les bourgeons des arbres et de la vigne sont à peine éclos et
l’écart des températures entre jour et nuit ne permet pas à la terre de
redonner un peu de chaleur, et bien que la température soit autour de +5° les
plantes sont « brûlées »
Ces « Jours de la
Vieille » ou « Jours d’Emprunts » sont marqués
cette année par la Pleine lune du 14 mars et une éclipse qui donnait cette
belle lune « rouge » ou « lune de sang » à la couleur
cuivrée qu’on a pu observer en Bretagne .
A ne confondre avec la lune Rousse des mois d’avril et mai dont je vous
parlerai une autre fois. Comme on oublie beaucoup notamment ce qu’avaient
remarqué nos Anciens en créant cette histoire, on dit une peu vite que les
temps changent et que sous l’effet du réchauffement climatique, les effets de
Lune Rousse se produisent beaucoup plus tôt.
On a oublié ou on ne connait
plus « li Vauquerieu »
Il y a encore plus curieux.
Je rappelle, même si les
professionnels de la météo et autres savants refusent d’y croire, que à chaque
Nouvelle Lune ou à chaque Pleine Lune, encore plus si la course lunaire est au périgée soit
plus proche de nous et qu’il y a un nœud lunaire, il y a toujours des
perturbations atmosphériques et parfois même bien plus. Grandes marées,
tempêtes, voire tremblement de terre comme cette nuit en Avignon.
La lune nous surprendra
toujours. Voyez plutôt. J’ai souvent expliqué, que selon un cycle dit de Méton,
un mathématicien grec du Ve siècle avant JC avait calculé, sans ordinateur
et sans satellite, ni avec aucun autre appareil sophistiqué, que la lune
revenait dans le même contexte interplanétaire. On appelle cela le cycle de
Méton ou cycle métonique. Il a une durée de 19 années plus environ deux heures.
Ce cycle avait déjà été observé en Chaldée et en Mésopotamie. Je vous passe les
détails.
Voyant le mauvais temps annoncé
autour de cette Pleine Lune, je suis donc allé voir le temps qu’il a fait il y
a 19ans selon mes notes personnelles quotidiennes.
Et c’est très étonnant de
constater qu’en 2006 la Pleine Lune était le 14 mars ; qu’il y
avait une éclipse comme cette année, qu’il y avait un nœud lunaire le 14 cette
année et le 15 en 2006 ; que la Nouvelle Lune était le 29 en 2006 et aussi
cette année, et qu’il y avait eu comme ce sera le cas cette année de grandes marées.
Cerise sur le gâteau, en 2006 il a fait très froid les 13,14 et 15 et que c’est
la même chose qui est annoncée cette année pour ce we. Il va faire froid.
Si vous avez en tête les étapes
de l’’histoire de la Vieille vous voyez bien que nos Anciens étaient bien
proches du temps qu’il fait ce mois-ci.
Je fais remarquer autre chose. Désormais,
par facilité de calcul, de statistiques et de moyennes, on dit que le printemps
démarre au 1er Mars ! Evidemment c’est compliqué pour des
statistiques de faire un calcul sur un mois qui s’étale sur deux saisons !
Pourtant il fait donner du temps au temps et on ne peut pas le décider par une
simple circulaire. Alors on parle de Printemps « météorologique » et
de Printemps « atmosphérique »
C’est une décision arbitraire
elle aussi qui a fixé le changement d’heure dans la nuit du 29 au 30 mars.
Malgré un avis très largement défavorable à ce changement, la décision d’y
mettre fin n’est toujours pas mise en œuvre. Ça me permet de souligner une
autre anomalie car, en une période où on prône le retour à la nature, c’est l’heure d’été, la plus
éloignée du cycle naturel de la lune, qui a atteint une très large majorité de
suffrages. Les hommes ne peuvent pas décider des règles de la nature !
Et puisque Mars est le mois des
poètes, je termine cette chronique avec ces si beaux vers de Charles d’Orléans
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure
et de pluie
Et s'est vêtu de broderies,
De soleil luisant, clair et beau
Bon mois de mars. Adissias !
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