samedi 31 décembre 2022

des prévisions météorologiques pour l'année 2023

 

des prévisions météorologiques pour l’année 2023

Le Nouvel an continue d’être solennisé comme un jour de fête, vestige lointain des célébrations des saturnales qui marquaient, par toutes sortes de festivités, ces jours où le soleil brillait un peu plus longtemps, le sol invictus, occasion pour les chrétiens de fixer au solstice, par symbolisme, le jour de la naissance de Jésus.

Pour le Premier janvier il nous reste des Romains cette traditions des Vœux et des étrennes et à entendre les souhaits que nous nous adressons les uns et les autres, on pourrait se persuader que nous allons agir favorablement sur l’année entière !

J’ai longuement expliqué ces deux aspects, vœux et étrennes, dans une chronique l’an dernier et aussi expliqué l’origine « historique » de 1er Janvier. (voir sur https :jeancevenne.blogspot.com et ci-après)

Dans les anciennes religions orientales, le premier jour de l’an était un jour de prophétie et les prêtres annonçaient quelle serait l’année : bonne ou mauvaise, sèche ou pluvieuse, féconde ou stérile.

Ce type de prévisions n’a pas totalement disparu et ici où là, notamment dans le monde paysan où l’on porte encore un peu d’attention à la lune et aux indications qu’elle nous donne. On trouve encore quelques vieilles traditions qui ne sont pas totalement déconnectées de la réalité ou des observations savantes de nos prévisionnistes et autres météorologues. Pour les premiers ce sont des proverbes, des dictons, légendes ou comptines ou que sais-je encore, fruits des longues observations, pour les autres, une lecture et une interprétation des données que leur communiquent leurs machines sophistiquées. Je sais, je suis méchant pour eux ! Pourtant je constate que ces données, désormais accessibles au grand public grâce à internet, permettent d’en savoir personnellement autant que ce qu’ils peuvent nous traduire sur les ondes. Nous avons accès aux mêmes bases de données. Eux, ils sont mieux formés que nous pour les interpréter. Je leur reconnais cela. Encore qu’ils ne parlent jamais de la lune !

Voici quelques-unes des observations de nos Anciens, à rapprocher des prévisions qu’on peut entendre ou voir ou lire. Regardez tout simplement les prévisions sur l’année entière, sur le calendrier du facteur que vous venez d’avoir en échanges d’une étrenne. Ces prévisions sont très intéressantes et souvent elles se vérifient.

« La lune dit-on, ou disait-on, dans le Poitou, est toujours accompagnée de deux étoiles, une grosse et une petite ; la grosse est tantôt devant et tantôt derrière ; elle représente l’homme riche ; la petite c’est le pauvre, ou pour mieux dire, l’acheteur du blé. La petite suit-elle la grosse ? L’acheteur court après le vendeur, le blé sera cher ; si les deux étoiles sont près de se toucher, le pauvre sera réduit à demander l’aumône ; mais la petite étoile prend-elle les devants, à son tour le pauvre s’enfuit, dédaignant les offres du riche. L’année sera abondante et la vie facile. » in Le folklore de France de P.Sébillot, d’après  L.Desaivre études de mythologie locale.

Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire ! mais couvrez-vous si vous mettez le nez dehors car si nos jours sont marqués par une température un peu au-dessus de la moyenne, les nuits sont assez fraîches et les virus de tous ordres, rodent.

Dans le Folk-lore des Hautes Vosges de L.Sauvé paru en 1889 ; je lis : « Si le jour de Noël, la lune est dans l’un de ses neufs premiers jours de croissance, l’année suivante sera d’une grande fertilité. S’il arrive, au contraire que la une soit dans son dizièe, onzième, douzième ou treizième jour, les récoltes ne donneront que moitié. L’année sera absolument stérile et il s’ensuivra une grande cherté, si Noël tombe du quatorzième au dix-neuvième jour de la lune. »

Allons vite voir ce que dit notre calendrier cette année : Noël en 2022 était le deuxième jour de la lune croissante !.. Bien, sûr face à tout cela il faut tenir compte des paramètres locaux ! Altitude, proximité d’un lac ou de la mer, vallée ou montagne, forêt. etc...

Les prévisions à longue échéance fondées sur la visibilité de la lune et des étoiles en début d’année restent, je le reconnais et malgré ce que je viens d’écrire, aussi vagues que générales.

D’autres esprits férus du pouvoir exclusif de la lune et des étoiles ont attribué d’une autre façon un pouvoir déterminant aux douze jours qui séparent Noël de l’Epiphanie. Ces douze jours pèsent sur l’année entière : le premier jour annonce le temps qui dominera durant le 1er mois ; le second celui qui règnera dans le second mois et ainsi de suite jusqu’au douzième.

J’ai souvent cité cette comptine et expliqué ces jours qu’on appelle « jours de sorts » ou « ajets » : « Regarde comment sont menées depuis Noël douze journées, car suivant ces douze jours, les douze moi auront cours ». De même la litanie-comptine qui prend pour mesure le pas d’un animal, ou son saut ou même son vol pour mesurer l’évolution du jour depuis le solstice : « Les jours croissent... à la Noël du saut d’un baudet, à l’an neuf du pas d’un bœuf, aux Rois du pas d’une oie etc.. » avec plusieurs versions !  Je laisse de côté le saut de puce de la saint Luce puisque j’ai expliqué que ce jour déconnecté du solstice depuis la réforme du calendrier de 1582, ne justifiait plus ce dicton.

Fin 1696, Pierre Simon dit Delorme, meunier établi dans la seigneurie de Sillery, note le « comportement » des ajets dans son livre de comptes. Voici quelques exemples tirés de son document manuscrit : « jenvié : Le jour de Noil, bo tan canlme, frei noire, l'erre du su-sorois ;

 Fevrié Lundis, bo tan au matein, tans for noire au norois jusque a midis et peti nordeis, et l'apé-midi, petitte neige jusque soire anviron

Mars : Mardis, bo tans canlme et doux toutte la journé et la suite jusqu’en

Décembre : Judis au matin, nordés et de la neinge quelques eure du matin, res de la journée bo tant, petit van de soroi. »

Ce cycle des douze jours est bien connu en Belgique où les lotgaden (Jours de sort) sont très connus en raison de leur valeur prophétique et parce qu’on les considère particulièrement favorables aux opérations divinatoires : « Si pendant les douze nuits, on transvase à plusieurs reprises, de l’eau en différents vases et que le volume d’eau augmente, on peut attendre une année heureuse ; dans le cas contraire, l’année sera multipluvieuse. »

Dans les régions des Côtes de la Meuse et dans la Woëvre, les douze jours sont désignés sous les noms significatifs de « Petits mois ».  E. Linckenheld Les Petits mois ou Loostage dans le pays Lorain. 1930.

En Bretagne, la qualité des « Gourdeziou », autre nom des Douze jours, dénote, d’après le peuple, celle des douze mois de l’année.

Dans le Bas-Maine, une tradition d’Ampoigné, nous dit : « la température des six derniers jours de l’année (que l’on nomme les achets) indique la température probable des six premiers mois de l’année suivante. La température du lendemain de Noël indique la température de janvier et ainsi de suite ».

En Provence, on dit que les douze jours qui suivent la Noël, léi countié (les jours compteurs) prédisent le temps de toute l’année.

Au Canada ces mêmes jours ont conservé le nom d’« ajets ».

 En Angleterre, divers indices permettaient de penser que l’on attendait des visiteurs surnaturels. Si les cuivres brillaient de façon qu’on puisse s’y mirer, celui ou celle qui les avaient nettoyés trouvait une pièce de monnaie dans son soulier. Mais on s’éloigne de notre sujet !

Chez les scandinaves, on estimait qu’il suffisait de courir en rond entre Noël et l’Epiphanie pour mettre tout en mouvement.

Durant ces douze jours, en Allemagne on ne doit pas battre le blé.  C’est alors que la fée Hollé, de l’Allemagne centrale et de l’Autriche, la fée Berchta du sud de la Germanie et du Tyrol, et la fée Frick dans les régions des Montagnes du Hartz, font leur ronde et punissent toutes les femmes qui à la fin de cette période n’ont pas achevé de filer ou tout au moins fait disparaître tout le lin dont à la Noël elles avaient garni leurs quenouilles. Dans ce cas, la fée Hollé regagne sa montagne ou son lac et s’écrie : « Telle quenouille, telle triste année »

Chez les Grecs ce sont les Kallikantzaroi.

Ce cycle magique de douze jours se retrouve un peu partout dans tous nos pays.

A quelle époque peut-on dire que remonte ce cycle magique. On dit qu’Ephrem de Syrie qui mourut en 381 en parle déjà. Le concile de Tours de 576 déclare que les jours de Noël à l’Épiphanie sont jours de fêtes et les moins peuvent alors bénéficier d’un repas un peu moins léger. Il s’agit là très vraisemblablement d’une sanctification de vieilles coutumes d’origine magique.

Les « Douze Jours » pourraient bien avoir été inventés par les populations protohistoriques pour concilier leurs calendriers lunaires avec le calendrier des romains leurs nouveaux maîtres. Les Celtes ajoutèrent à l’année, et précisément après le solstice d’hiver, douze jours complémentaires.

Il ne semble pas possible que la majorité de tous ces dictons et toutes ces coutumes ou légendes qui se perpétuent à travers les siècles et qui ont reçu l’approbation de tant de générations, ne reposent pas sur un fonds de réalité.

Les paysans seraient-ils de moins bons observateurs que nos savants ?  C’est aux savants qu’il appartient de tirer des leçons de ces constats et observations et d’expliquer ces phénomènes, comme ceux qui se réfèrent au cycle lunaire, sans le tourner en dérision par une pirouette « la lune n’a pas de rayonnement ! ».

En début d’année, je voulais écrire ceci, notamment pour vous inviter à regarder la nature autrement, voire sous une forme amusante, et à observer ce temps des « Douze Jours » pour tout au long de l’année vous rappeler cette leçon de la nature qui par ces changements, parfois violents, nous invite à la respecter avant de crier à trop facilement à la catastrophe ou au « jamais vu » !

Avec mes vœux les meilleurs et les plus sincères pour chacun de vous. Addissias. Bonne Année 2023.

Jean Mignot en cette soirée de la Saint Sylvestre 2022

 

 En guise de rappel : "au sujet du 1er Janvier "  ( publié pour janvier 2021 )

 

Vous êtes-vous demandé un jour pourquoi l’année commence le 1er janvier. Certes c’est un début de mois, mais ça ne correspond pas à un début de saison ce qui aurait été plus rationnel, un peu comme chez les Celtes qui faisaient commencer l’année avec la saison sombre, au lendemain d’halloween, ou comme feu le calendrier républicain qui était bien calé sur les saisons et faisait commencer l’année « au jour civil où tombe l’équinoxe d’automne au méridien de Paris ». Mais d’autres défauts de décalage ne permettaient pas son maintien à long terme. C’est l’évolution et les modifications du calendrier à travers les âges qui peuvent expliquer le choix de cette date avec tout ce qu’elle entraîne avec elle.

De fait le début de l’année a été fixé par pure convention. Ainsi, l’année romaine qui n’avait d’abord que dix mois, commençait avec le mois de mars presque avec le printemps et les mois étaient nommés selon leur position. Nous avons encore un vestige de cela avec le nom des mois de septembre, octobre, novembre et décembre, respectivement, septième, huitième, neuvième et dixième mois du premier calendrier en usage à la fondation de Rome, devenus nos neuvième, dixième, onzième, et douzième mois de notre année. À l’époque de Jules César, on constatait un décalage de la durée de l’année avec les saisons, régies, elles, par le cycle du soleil. Sur les conseils de Sosigène d’Alexandrie, on avança de trois mois le début de l’an. En l’an 709 de la fondation de Rome (AUC =ab urbe condita)) soit en 46 avant JC on décréta que l’année commencerait le premier de l’an soit le 1er janvier en ajoutant deux mois complémentaires, dont ce mois dédié à Janus, ce roi légendaire du Latium, ce pacifiste au double visage, l’un regardant devant, l’autre regardant derrière et qui connaissait donc le passé et l’avenir. Janvier, le mois charnière entre deux années. Février venait compléter la durée du cycle, pour arriver au bon compte en mars, avec quelques variantes qui nous nous valent encore le jour bissextile.  Ce qui veut déjà dire que même en nos temps où la science a fait les progrès que l’on sait, les hommes n’ont jamais pu ajuster leurs calculs pour faire coïncider les outils de mesure du temps avec le cycle de celui qui régit nos vies, le soleil. Sol invictus ! Et il nous faut toujours rattraper le temps perdu, si tant est que « le temps perdu ne se rattrape jamais ! »

C’est ainsi que commença la réforme julienne, que Rome appliqua avec toutes les nations soumises à sa domination – et que continuèrent d’appliquer tous les peuples adoptant le calendrier solaire jusqu’en 1582.  J’ai longuement essayé d’expliquer ces modifications en particulier au moment des années bissextiles. Les réformes sont toujours très difficiles à mettre en pratique. On vit même au temps de Jules César une « année de la confusion » d’une durée exceptionnelle de 445 jours. Confusion due sans aucun doute aux modalités d’applications mais aussi à la mauvaise volonté des « pontifes », personnages chargés de l’application des règles de vie commune à Rome, (rien à voir avec le Pape des Catholiques). Ces pontifes avaient aussi quelques intérêts à défendre les dates d’échéances donc de début ou de fin de mois, car elles conditionnent le prélèvement des impôts. Rien de bien nouveau sous le soleil ! Si Rome put imposer ainsi une certaine référence unique de gestion au sein de son empire, ce ne fut pas aussi facile qu’on peut le dire ou l’écrire pour les peuples qui sous l’influence des coutumes, des habitudes, des pouvoirs locaux et des églises avaient aussi, leurs propres règles. C’est ainsi qu’au fil des siècles, l’année n’a pas commencé partout au 1er janvier.  Pour ne citer que la France, l’année commençait le 1er mars dans nombre de provinces aux VIe-VIIe siècles ; à Noël au temps de Charlemagne (et en certains lieux, tel Soissons, jusqu’au XIIe s.) ; le jour de Pâques sous les Capétiens, ce qui donnait des années de longueur très variable (usage quasi général aux XIIe-XIIIe s., jusqu’au XVIe s. dans certaines provinces) ; toutefois, en quelques régions, l’année commençait à date fixe, le 25 mars, jour de l’Annonciation. C’est ainsi qu’on peut lire, dans la Généalogie des rois de France (1506) de Bouchet : « Charles VIII alla à trépas au chasteau d’Amboise le samedi 7 avril 1497 avant Pasques (le 15 avril cette année-là), à compter l’année à la feste de Pasques ainsi qu’on le fait à Paris, et en 1498 à commencer à l’Annonciation de Nostre-Dame ainsi qu’on le fait en Aquitaine. » Ce n’est qu’en 1564 que, par édit de Charles IX, le début de l’année fut obligatoirement fixé en France au 1er janvier ; et les fausses étrennes et « poissons d’avril » sont un lointain souvenir des dates révolues.

Les peuples et leurs dirigeants ont toujours cherché à fixer des règles pour gouverner et il est sûr que c’est plus facile d’avoir une référence commune, en l’occurrence un calendrier, et que cette référence soit établie sur une base difficilement contestable, la durée du cycle du soleil. Malgré tout il faut encore sans cesse adapter nos systèmes de mesure à ce cycle qui varie très sensiblement, par exemple au point que les équinoxes et solstices ne sont pas toujours aux mêmes dates. Voir aussi sur ce point ce que j’ai déjà écrit par ailleurs.

Bref, en 1582 la réforme « grégorienne » a tenté de remettre de l’ordre dans le cours du temps et on doit reconnaître que c’est la référence la plus unanimement respectée. Elle fut appliquée avec beaucoup de réserves par certains qui refusaient de se plier à une décision « papale » alors qu’il s’agissait de trouver une référence commune pour faciliter gestion, communication, commerce, relations etc... C’est ainsi que l’Angleterre ne mit en œuvre cette réforme qu’en 1752 « préférant être en désaccord avec le soleil plutôt que d’être d’accord avec le Pape ! » La plupart des pays qui appliquèrent la réforme de 1582 s’en tirèrent comme nous avec 10 jours perdus dans le calendrier, avec l’incidence que j’ai soulignée pour décembre de la perte de signification du vieux dicton de la sainte Luce, où les jours n’avancent donc plus d’un saut de puce du fait de ces jours rayés du calendrier. Seule l’église orthodoxe garde la référence au calendrier « julien ».

Désormais l’année commence bien partout le 1er janvier, presque partout ! et les solstices sont passés au 20 ou 21 de décembre et de juin. Mais Noël, le jour de la naissance de Jésus fixé au lendemain de la nuit la plus longue du 24 décembre de feu le calendrier « Julien », est resté à la même place. On a même revu depuis les calculs et la date de la fameuse Etoile de Noël comme je l’ai rappelé avec la belle conjonction de Jupiter et Saturne que nous avons pu observer au soir du 21 décembre dernier.

En janvier, depuis le solstice, les jours commencent à l’emporter sur les nuits : ils ont une durée moyenne de huit heures trente minutes et augmentent d’une heure cinq minutes dans le mois, au rythme des nombreux dictons. Il faut donc revoir aussi ces vieux dictons qui sous une forme de comptine ou de litanie, rythmait ces périodes où le soleil, vainqueur des ténèbres, « sol invictus », reprend sa course chaque jour un peu plus longue, en se levant chaque jour un peu plus haut vers le Nord-Est. Si donc « pour la sainte Luce » les jours n’avancent plus du saut d’une puce on peut encore dire que « pour Nadal » ils croissent « d’un pied de gal » le pied étant ici une mesure. Qui donc est allé mesurer le pas d’un coq ? Et « pour la saint Sylvestre ils croissent d’un pas de mestre, et pour les rois d’un pied de roi ». On trouve aussi dans cet échantillon d’indications « à la saint Thomas - le 21 décembre- ils croissent du saut d’un têt (= lézard) ; ou du pas d’un cat, ou encore du pas d’un jars ».  Un autre dicton qui semble être apparu après la réforme de 1582, nous dit pour ce jour : « A la fête de Saint Thomas, - le 21 décembre jour du solstice- les jours, tombés au plus bas, vont demain grandir d’un pas » ; ou encore : « Les jours en font pour saint Thomas depuis la bouche jusqu’au nas ». C’est bien peu ! A la Noël ils croissent selon les régions, « du saut d’un baudet » ! Ça devient plus important ! « A l’an Neuf du pas d’un bœuf » ou encore : « au bon an, d’un pas de sergent » ou aussi « d’un vol de faisan ». Si on continue, on trouve « aux Rois – le 6 janvier- du pas d’une oie ; à la saint Hilaire – le 13 janvier- d’un pas de bergère ; à la saint Antoine – le 17 janvier- du pas d’un moine ; ou « comme la barbe d’un moine ! ». « A la saint Sébastien – le 20 janvier du saut d’un chien ». Par la suite, et donc aujourd’hui, il est difficile de se référer à cette comptine qui garde pourtant toute sa fraîcheur. Le « pas de bergère » est selon les régions devenu « une heure de bergère » et la barbe du moine est devenu « un repas de moine » ! On trouve aussi « un écheveau de soie » au Jour des Rois et « une heure grand » à la saint Vincent le 22 janvier, et enfin « deux petites heures » à la chandeleur le 2 février. Recherche de la rime plus que d’une vraie mesure !

Ce qu’il y a de sûr c’est que les jours de janvier sont de plus en plus longs. « Je me fais appeler janvier, le plus froid des mois de l’année. Et pourtant je me puis vanter que ma saison doit être aimée » nous dit en 1496 le Grand calendrier des bergers de Guiot Marchant. « Un mois de janvier sans gelée jamais n’amène bonne année » ou « Gelées en janvier, blé au grenier ». Nous voilà donc plutôt bien partis puisque les gelées sont annoncées pour cette première semaine du mois. Et gardons-nous de dire que c’est du jamais vu puisque nos Anciens ont fait des dictons appuyés sur leurs propres observations : « Les hivers les plus froids, Sont ceux qui prennent vers les Rois ». Une journée des Rois bien ensoleillée est peut-être un bon présage : « Beaux jours aux Rois blé jusqu’au toit. » ; « Belle journée aux Rois, l’orge croît sur les toits. ».

Curieusement les dictons qui associent le beau temps du Jour des Rois à la prospérité, paraissent chacun doublé d’autres dictons qui font de la pluie de ce jour, le présage d’une récolte surabondante de blé, d’orge ou de chanvre. Or les prévisions cette fois sont au mauvais temps pour le 6 de ce mois. « Si le soir du Jour des Rois, beaucoup d’étoiles tu vois, tu auras sécheresse en été, et beaucoup d’œufs au poulailler. »  Ou « Pluie aux Rois, blé jusqu’au toit. ». Le potager profitera lui aussi de cette pluie paradoxale : « Pour les Rois, goutte au toit, saison de pois. »

Ce jour des Rois et un « jour de remarque », un jour qui donne des indications pour l’année qui s’ouvre : « Les jours entre Noël et les Rois Indiquent le temps des douze mois » Ou :« Regarde comme sont menées depuis Noël douze journées, car suivant ces douze jours, les douze mois auront leur cours » À vos marques sur vos agendas et calendriers ! Notez bien la température, le temps qu’il fait et tout le reste… Cela vous fera passer de toutes façons un petit moment agréable et ça occupera votre temps de confinement… Au cas où !

Hélas aucun dicton ne peut nous donner une lueur d’espoir sur la sortie ou non de la pandémie qui nous frappe.

Alors fêtons le Nouvel An et tirons les Rois en cette fête de l’Épiphanie pour essayer de rompre la morosité ambiante. Nous avons vu la même étoile que les Rois Mages, Gaspard, Melchior et Balthasar !

Bien sûr ils sont là aujourd’hui, avec tout le train de leur cortège et le mystère de leurs origines.  Mais la tradition de la galette des Rois est une coutume bien plus ancienne qui n’a rien à voir avec eux. C’est une tradition qui, elle aussi, se réfère à l’évolution du temps, à la longueur des jours, et au soleil qui brille chaque jour un peu plus.

En tirant les Rois nous perpétuons une vieille, très vieille coutume païenne qui s’inscrit dans toutes les fêtes qui jalonnent ces jours autour du solstice d’hiver, où il n’est question que de fêter le triomphe de la lumière sur la nuit et les ténèbres. Les Romains organisaient à cette période des saturnales. On y partageait déjà la fève et on désignait ainsi le roi de la fête. Au Moyen Age ce fut la fête des Fous, devenus la fête des Innocents, sujette à toute sorte de débordements. Très tôt les chrétiens ont fait de ce jour la fête chrétienne de l’Epiphanie !

L’église a sublimé tout cela en faisant coïncider la naissance de Jésus avec le solstice d’hiver. Celui qui est La Lumière, le Sauveur de l’Humanité, vient en cette nuit profonde apporter la Lumière au monde, et les Rois Sages venus de l’Orient ont reconnu cela, en venant se prosterner devant l’Enfant Dieu et lui rendre leurs hommages.

Je me plais à rappeler que sous la Révolution, la fête des Rois, jugée « anticivique », fut rebaptisée « fête du bon voisinage » ; on y dégustait non plus la fameuse « galette royale » mais la « galette des Sans-Culotte ». Depuis notre république a réinventé une autre date pour cette fête du voisinage, ou fête des voisins, au mois de mai. Toujours rien de nouveau sous le soleil ! C’est la même chose pour la fête de la Musique au solstice d’été. Vous relirez ma chronique sur ce sujet.

Le gâteau appelé galette était bien comme aujourd’hui dans les pays du Nord de la France, un gâteau plat et rond, symbolisant le soleil qui renaît, (on retrouvera ainsi le même symbolisme avec les crêpes de la Chandeleur) alors que le gâteau des Rois dans le midi est une couronne qui a plus l’aspect, avec un peu d’imagination, du turban dont sont quelquefois affublés nos Rois Mages venus d’Orient : le « royaume ».

Sous François 1er une amusante anecdote fut à l’origine, - dit-on ! - à cette occasion, de la belle barbe de ce Roi.

Le souverain se trouvait à Romorantin pour y fêter les Rois. Il apprend qu’on a tiré les rois chez Monsieur de Saint-Pol en son hôtel. Il part avec ses amis confondre « l’imposteur ». « Même un jour d’Epiphanie, dit en riant François 1er, il ne peut y avoir qu’un seul roi à Romorantin ! ». Suivi de ses amis, il alla demander raison au roi de la fève. Comme il neigeait, on se battit à coup de boules de neige. Mais les munitions venant à manquer chez les assiégés, l’un d’eux – qui devait tout de même en tenir une bonne – tire une bûche de la cheminée et la balance par la fenêtre. Pan ! François Ier la prend en pleine figure ! On ne rigole plus ! Le roi s’écroule, gravement blessé. Tant et si bien que court le bruit de sa mort. La cour restera à Romorantin jusqu’à ce qu’il soit rétabli. Lui se laissera pousser la barbe pour cacher ses blessures et on dit que ces messieurs de la Cour par solidarité firent de même, lançant ainsi une nouvelle mode ! Légende ? Alors pourquoi sa mère écrit-elle « Le sixième jour de janvier 1521, feste des Rois, environ quatre heures après midy, mon fils fut frappé d’une mauvaise bûche sur le plus hault de ses biens. S’il en fut mort, j’étois femme perdue. Innocente fut la main qui le frappa… »

Le roi ne voulut point qu’on recherchât le jeteur de tison. Mais l’histoire fait de terribles rapprochements. Le lanceur du tison était Jacques de Montgomery, seigneur de Lorges, capitaine de la garde écossaise du roi et père de Gabriel de Montgomery. Ironie funeste, c’est ce dernier qui lors d’un tournoi tua involontairement trente-huit ans plus tard le fils de François, Henri II. Que ce rappel d’origines et de coutumes fort anciennes ne gâche pas votre plaisir, et fêtez les Rois sans scrupules. C’est une bonne occasion de convivialité. Il n’a rien plus rien de païen ou de romain dans nos festivités et l’hommage au jour qui triomphe sur la nuit n’est-il pas aussi un hommage à la création et au Créateur !

Fêtons le Nouvel An et « trinquons » à notre santé avec le souhait et l’espoir de nous sortir tous ensemble de cette situation catastrophique dans laquelle nous sommes !  Mais d’où vient donc cette vieille habitude de cogner nos verres, les yeux dans les yeux en prononçant « tchin-tchin ». Pour la plupart des gens, un apéritif ne peut commencer sans qu'on ait trinqué. Cette coutume remonterait au Moyen-âge. À l'époque, pour éliminer ses rivaux, l'empoisonnement était très fréquent. Pour limiter les risques, les grands seigneurs avaient alors pris l'habitude de trinquer, faisant en sorte qu’un peu du contenu de chaque verre se retrouve dans l’autre, lorsqu'ils s'entrechoquaient. Simple vérification de sécurité ! Et je suis sûr que certains trouveront d’autres interprétations, tout en buvant, modérément quand même !

Donc « Tchin-Tchin », à votre santé avec tous mes vœux pour 2021 pour que nous puissions nous retrouver longtemps encore. Addisias. Bonne et heureuse Année !

 

Jean Mignot

au jour de la Saint Sylvestre de cette triste année 2020 et dans l’attente de jours meilleurs

 

 

 

 

 

vendredi 23 décembre 2022

Minuit Chrétiens

 

 

Minuit Chrétiens, la «  Marseillaise religieuse », 

une création gardoise !

  

Parmi les nombreuses traditions et coutumes de Noël il y a ce beau chant sans lequel Noël ne serait pas Noël.

Composé par Placide Cappeau, habitant de Roquemaure, petite localité gardoise des bords du Rhône, on a longtemps dit que ce chant avait été écrit, en 1847, à la demande de l’abbé Eugène Nicolas Petitjean, curé du lieu, pour financer la restauration de son église. Or c’est le père Marie Joseph Gilles, en poste depuis 1820, qui avait entrepris de gros travaux de restauration de l’église, voûte maçonnée, renouvellement et rehaussement du pavé, modification de la porte d’entrée et suppression de deux voussures, puis en 1843, restauration de l’orgue.

C’est lui qui, pour financer ces travaux, aurait demandé à Placide Cappeau, dont il connaissait les talents, de composer un chant de Noël afin de célébrer dignement la restauration de l’orgue.

Il semble, selon mes sources qu’il faille remonter quelques années auparavant pour voir naître ce chant comme je vais essayer de l’expliquer.

Placide Cappeau lui-même dans son livre « le château de Roquemaure » donne peu de détails sur la création du célèbre cantique, tant est si bien que chacun a raconté l’histoire à sa façon. Or une récente découverte d’une abondante correspondance entre Placide Cappeau et son associé de Roquemaure, Guillaume Clerc qui devait devenir maire de cette ville de la vallée du Rhône remet en cause, au moins la date de la création de ce célèbre chant de Noël qui reste bien une création « gardoise ».

Placide Cappeau est né le 25 octobre 1808, à 8 heures du soir à Roquemaure dans le Gard. Il est le fils de Mathieu Cappeau, tonnelier et d'Agathe Louise Martinet. D'abord destiné à succéder à son père dans l'entreprise familiale (Exploitation de quelques vignes et d'une tonnellerie), il s'oriente vers les études à cause d’un stupide accident.

A l’âge de huit ans, jouant avec un de ses camarades dénommé Brignon, qui manipulait dit-on une arme à feu, le jeune Cappeau est blessé et doit être amputé de la main droite. Grâce à l'aide financière de Monsieur Brignon qui participe à moitié pour les frais de scolarité, Placide Cappeau, après avoir suivi l'école communale, entre au Collège Royal d'Avignon où malgré son infirmité il décroche un premier prix de dessin en 1825.

Après des études secondaires à Nîmes et un baccalauréat ès lettres en poche, il poursuit des études de droit à Paris et obtient une licence en 1831. Il s’associa plus tard avec Guillaume Clerc pour créer un négoce en vins et spiritueux.

Poète et écrivain à ses heures, il est l’auteur de plusieurs ouvrages tels : « Le château de Roquemaure », « La poésie », « Le papillon », « La rose » et publiée en 1877, un petit recueil intitulé «  Lou Réi de la Favo. Le roi de la Fève – fantaisie poétique provençal-français ».

Placide Cappeau pendant ses séjours à Paris, fréquentait les salons parisiens, sans doute grâce à la relation de voisinage qu’il avait pu établir avec la famille de l’ingénieur Laurey quand celui-ci venait à Roquemaure pour superviser la construction du pont sur le Rhône auquel il a donné son nom.

Or Madame Laurey était chanteuse d’opéra. Elle s’était illustrée en interprétant une des œuvres en trois actes d’Adolphe Adam : « La rose de Péronne ».

C’est sans doute elle qui introduisit Placide Cappeau dans un des salons des plus fréquentés de Paris, celui de la Comtesse Belgioso, une belle italienne réfugiée en France.  Tout le « Paris musical » se retrouvait dans ce salon, notamment Adolphe Adam dont l’épouse était l’amie de Madame Laurey.

C’est dans ce contexte que Placide Cappeau écrivit, sur la demande du curé de Roquemaure à l’époque, les vers de ce chant de Noël et c’est Madame Laurey qui proposa de demander à Adolphe Adam d’en écrire la musique.

Adolphe Adam était alors très en vogue et venait d’obtenir un grand succès avec son ballet « Gisèle ».

Placide Cappeau précise à Guillaume Clerc, dans une très longue lettre de sept pages, que son Noël fut chanté par Madame Laurey dans le salon de la Comtesse Belgioso, au cours d l’hiver 1844-1845. Il dit que dès ce moment-là la Comtesse Belgioso lui « témoigne un grand intérêt ».

C’est donc en forme d’« avant-première » que Minuit Chrétiens fut chanté pour la première fois à Paris dans un salon parisien et non d’abord à Roquemaure comme le dit la tradition gardoise.

Mais que les habitants et paroissiens de Roquemaure se rassurent, c’est bien à la Noël 1847 que Minuit Chrétiens fut exécuté en public pour la première fois en l’église du lieu.

Le curé « commanditaire » était entre temps décédé et c’est son successeur, le père Eugène Nicolas Petitjean, nommé à ce poste le 10 janvier 1847 qui permis cette concrétisation.

Emily Laurey, enceinte, n‘avait pas eu l’autorisation de venir plus tôt à Roquemaure.

Les historiens locaux mieux documentés que moi pourront confirmer ou infirmer cette version que je tiens moi, bien sûr, pour la véridique !  

En réalité on connaît très peu le contexte dans lequel ce chant aurait été composé et on en donne des explications des plus fantaisistes, chacun y allant de sa version prétendue authentique et très souvent fantaisiste. C’est aussi le charme des traditions de Noël !

Placide Cappeau était parti pour Paris depuis le 5 décembre 1847 et ce n’est pas pendant ce voyage, comme le dit une légende locale, qu’il fut inspiré pour écrire ce chant, Bourgogne et vin aidant !

Il avait jeté son dévolu sur la nièce de la comtesse mais il hésitait à mettre fin à son célibat et à s’engager car il ne voulait pas engager son avenir sur une incertitude liée au renouvellement de son contrat avec ses associés, contrat qui devait prendre fin en 1846.  Il attendit trop. Le parti lui échappa. Il devait décéder à Roquemaure le 8 août 1877 à 69 ans.

Très vite le célèbre baryton Jean-Baptiste Faure (Moulins 15 janvier 1830, Paris 9 novembre1914)  contribua à rendre célèbre ce chant de Noël.

A la veille du Second Empire, déjà en pleine montée des querelles anticléricales qui devaient aboutir à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, chanter « Minuit Chrétiens » était une sorte de provocation des milieux d’église contre les libres penseurs. C’est ce qui valut à ce chant d’être appelé « la Marseillaise religieuse ».

Qui plus est Placide Cappeau n’était pas du tout un homme d’église mais plutôt un libre penseur voltairien qui préférait au culte de Dieu celui de l’Humanité. Il voulut modifier les paroles des couplets qu’il avait écrits car le succès du chant faisait trop parler de lui. Il n’y parvint pas, dépassé par la célébrité si vite acquise par la version originale du chant.

En 1855, le ministre unitarien John Sullivan, rédacteur en chef du Dwight’s Journal of Misic en avait écrit une version anglaise. Cette version était devenue populaire aux Etats-Unis, en particulier dans le Nord, où le troisième couplet avait trouvé un écho auprès des abolitionistes.

Placide Cappeau tenta de contourner les questions nées autour de son premier texte, en composant un grand poème historique, en vingt chants, et au dixième chant, il introduisit un « cantique à l’orgue de Roquemaure », titre nouveau qu’il donnait à son « Minuit Chrétiens ».

Il ajouta le commentaire suivant : « Nous avons cru devoir modifier ce qui nous avait échappé au premier moment sur le péché originel, auquel nous ne croyons pas… Nous admettons Jésus comme rédempteur, mais rédempteur des inégalités, des injustices et de l’esclavage et des oppressions de toutes sortes… »

Aujourd’hui, ces lignes ne nous choquent plus et sont même d’une brûlante actualité ! peut-être même plus que les paroles de la version originale du fameux chant !

Le premier couplet avait été corrigé ainsi :  

Minuit Chrétiens, c’est l’heure solennelle

Où dans l’heureux Bethléem, vint au jour,

Le Messager de la Bonne Nouvelle,

Qui fit, des lois de sang, la loi d’amour.

C’était trop tard ! Le peuple en avait décidé autrement et les premières paroles écrites restèrent celles que nous connaissons encore aujourd’hui :

Minuit Chrétiens, C’est l’heure solennelle

Où l’Homme-Dieu descendit jusqu’à nous,

Pour effacer la tâche originelle

Et de son Père arrêter le courroux !

Nous notons souvent un certain agacement exprimé par certains prêtres et de façon générale par l’église catholique vis à vis de ce chant du « Minuit Chrétiens ». On peut juger ses paroles un peu déplacées dans le contexte d’aujourd’hui. La musique elle-même a une allure un peu martiale et il paraît même que ce serait Adolphe Adam qui aurait appelé son noël « la Marseillaise religieuse ».

Dès 1864, on trouve écrit ceci dans la revue de musique sacrée : « Le Noël d’Adolphe Adam a été chanté dans beaucoup d’églises à la messe de minuit… peut-être ferait-on bien de renoncer à ce morceau dont la popularité est devenue de mauvais aloi. On le chante dans les rues, dans les salons, dans les cafés-concerts. Il dégénère et ravale. Le mieux est de le laisser faire son chemin loin du temple, où l’on peut fort bien se passer de lui… ! »

Le jugement est sévère et semble laisser de côté tant d’autres cantiques de cette époque, ou même plus actuels, bien plus condamnables voire ridicules. Nous en connaissons tous quelques-uns que nous pourrions citer facilement. 

Fi de tout cela ! Ce chant a plu dès sa création. Après 175 ans il a toujours autant de succès. On le chante toujours dans les églises, souvent à la fin des veillées de Noël, juste avant la Messe de Minuit. Mais y-a-til encore des Messe de Minuit?

Pour le peuple des chrétiens de tous bords, Minuit Chrétiens reste un « morceau de bravoure » car la large gamme vocale en fait une des chansons de Noël des plus difficiles à exécuter. D’où son succès auprès des plus grands interprètes actuels. Dans nos campagnes il était traditionnellement chanté avant la messe de Minuit par de braves gens du peuple, qui parfois ne connaissaient même pas une seule note de musique. Cette exécution nous arrachait un intense moment d’émotion au cours de cette veillée sans laquelle Noël, sans ce chant, ne serait pas Noël.

Tout le monde tend l’oreille pour voir si le chanteur va bien s’en tirer et s’il va bien sortir les notes les plus hautes sur « les chefs de l’Orient » ou les plus basses sur « ceux qu’enchaînait le fer ».

Il faut dire en effet, que ce chant composé de trois couplets, (et non de deux, on l’oublie trop souvent !) doit être exécuté avec des nuances entre chaque couplet, ce qu’on ne retrouve pas dans les nombreuses interprétations actuelles, même de nos plus grands chanteurs.

Ce sont ces variantes qui donnent toute la dimension à l’œuvre en soulignant le sens des mots, par une mélodie adaptée. (Par exemple, c’est bien sur des notes très basses, comme si on descendait en enfer, qu’on chante les paroles : « ceux qu’enchaînait le fer »).

Si ce chant est exécuté, comme on l’entend trop souvent, avec seulement deux couplets, tous deux sur strictement la même mélodie, avec un rythme saccadé et soi-disant moderne, il devient quelque chose de plat, sans relief, et il perd tout son sens et son charme, devenant une œuvre qu’on « braille » à pleins poumons en faisant perdre à la composition de Cappeau et d’Adam tout son attrait.

J’invite donc ici tous ceux qui aiment « Minuit Chrétiens » à contribuer à retrouver la bonne partition musicale et à faire respecter la partition originale, de sorte que l’interprétation du « Minuit Chrétiens » retrouve ce qui a fait son succès d’autrefois et une bonne place dans nos églises, comme on s’est toujours attaché à le faire, dans mon village natal des Cévennes. Un des rares endroits où « Minuit Chrétiens » a longtemps était chanté dans le pur respect des traditions. J’en garde un précieux enregistrement, et je remercie ici, publiquement, sans les nommer, ceux qui en ont été les interprètes successifs.

La richesse de la tradition prend ici le dessus sur le message évangélique.

Quand on voit la façon dont Placide Cappeau lui-même expliquait ses convictions à propos de ce chant, lui le libre-penseur, on peut, sans avoir le moindre scrupule, l’écouter « religieusement », dans le cadre de cette fête de Noël.

Ce minuit de décembre, reste, qu’on le veuille ou non, une heure solennelle !

A Diou sias ! Bonnes Fêtes. Bon Noël 2022                                                      

Jean Mignot  24 Décembre 2022

 

Minuit ! Chrétiens, c’est l’heure solennelle
Où l’homme Dieu descendit jusqu’à nous,
Pour effacer la tache originelle
Et de son père arrêter le courroux :
Le monde entier tressaille d’espérance
À cette nuit qui lui donne un sauveur
Peuple, à genoux attends ta délivrance,
Noël! Noël! Voici le Rédempteur!
Noël! Noël! Voici le Rédempteur!

(Chœur)
Peuple, à genoux attends ta délivrance,
Noël! Noël! Voici le Rédempteur!
Noël! Noël! Voici le Rédempteur!

De notre foi que la lumière ardente
Nous guide tous au berceau de l’enfant
Comme autrefois, une étoile brillante
Y conduisit les chefs de l’Orient
Le Roi des Rois naît dans une humble crèche,
Puissants du jour fiers de votre grandeur,
Ah! votre orgueil c’est de là qu’un Dieu prêche,
Courbez vos fronts devant le Rédempteur!
Courbez vos fronts devant le Rédempteur!

(Chœur)
Ah! votre orgueil c’est de là qu’un Dieu prêche,
Courbez vos fronts devant le Rédempteur!
Courbez vos fronts devant le Rédempteur!

Le Rédempteur a brisé toute entrave,
La terre est libre et le ciel est ouvert
Il voit un frère ou n’était qu’un esclave
L’amour unit ceux qu’enchaînait le fer,
Qui lui dira notre reconnaissance ?
C’est pour nous tous qu’il naît, qu’il souffre et meurt :
Peuple, debout! chante ta délivrance,
Noël! Noël! chantons le Rédempteur!
Noël! Noël! chantons le Rédempteur!

 

  Minuits 

mercredi 21 décembre 2022

du solstice d'Hiver 2022

 

 Solstice d'hiver 2022 et Sol Invictus

Le solstice d'hiver est chaque année synonyme de retour de la lumière. Dans l'hémisphère nord, en hiver, les jours ne cessent de se réduire jusqu'au 21 décembre et la lumière décline peu à peu. Le soleil se lève de plus en plus vers le sud-est et il est très bas sur l'horizon à midi. Les Romains, mais aussi d'autres cultures, craignaient à cette période sombre de l'année que le Soleil meure et ne revienne jamais, laissant derrière lui ténèbres et désolation. C'est pourquoi le solstice de décembre, du latin solstitium (de sol, « soleil », et statum issu de stare, « se tenir debout, demeurer immobile »), est un évènement majeur du calendrier.  Le lendemain de ce jour on fêtait le « sol Invictus » ou « dies natalis solis invicti ». Dans le calendrier « Julien » le solstice était le 24 décembre, ce jour du sol invictus était donc le 25 décembre.

Les Chrétiens ont donc tout naturellement, mais tardivement, fixé à ce jour la naissance de Jésus, (d’abord en 336 à Rome puis en 532, avec études savantes de Denys le Petit,) à cause de ce symbolisme de la lumière et non pour une raison historique. D’où la fête de la Nativité, appelée Noël, ce qui se dit aussi « Noou » ou «  nouvel »  c’est-à-dire « nouveau », ou « Nadal » c’est-à-dire « naissance ».

Quand avec la réforme du calendrier « grégorien » on a fixé de façon plus scientifique la date du solstice au 21 décembre ( ce peut-être aussi  le 22  )  la date de Noël n’a pas changé dans la liturgie des chrétiens.

On peut donc dire que Noël trouve ses origines dans une fête païenne. 

Dans toutes les cultures, celtes, germaniques et romaines et chez tous les peuples en Inde et en Asie, et bien avant la naissance de Jésus, cette période marque le renouveau, la renaissance, le retour de la lumière. Des festivités de tous ordres marquaient cet évènement, dont quelques -unes ont été reprises dans les coutumes encore en vigueur aujourd’hui, comme les Saturnales avec la fête de la galette des Rois, qui évoque elle aussi le soleil.  Le christianisme s’ajoute à cette liste des religions rendant un culte à Noël.

Le point de lever et de coucher du Soleil au-dessus de l'horizon va commencer à se décaler de nouveau vers le nord. Les jours grandissent et la lumière revient.

L'Institut de mécanique céleste et de calcul éphémérides (IMCCE), en charge des calculs astronomiques, annonce que le solstice d'hiver 2022 se produira ce mercredi 21 décembre, à 22h48 minutes 10 secondes (heure de Paris) très exactement (21h48 UTC).

Le 21, en tant que tel, représentera bien le jour le plus court de l'année et en même temps l’entrée dans la saison d’Hiver. Il marque le point de départ des journées qui rallongent et ce faisant, le vieux dicton : « à la sainte Luce, les jours avancent du saut d’une puce » n’a plus de signification. En effet la saint Luce était fixée au 23 décembre, veille du solstice du calendrier « julien ». . Avec la suppression de 10 jours du calendrier pour rattraper le calcul exact  de la course du soleil,  et l’entrée en vigueur du calendrier « grégorien », la sainte Luce est passée du 23 au 13 décembre et ainsi a perdu sa signification.

Bonne entrée en hiver et Bonnes Fêtes calendales.

Addissias

Jean Mignot

Le 21 décembre 2022

samedi 10 décembre 2022

de décembre 2022

 du mois de décembre 2022

Avec le mois de décembre nous entrons dans la période « calendale » rythmée par les traditions de fin d’année qui précèdent ou suivent la fête de Noël. Blé de Noël, Saint Barbe, Saint Nicolas, Sainte-Luce,  Crêches et Santons, Gros Soupa et Treize Desserts, Veillée de Noël, gâteau des Rois, Chandeleur, autant de sujets  que j’ai souvent développé dans mes chroniques des années précédentes

Mais pourquoi « calendale » ?  en effet les calendes étaient le premier jour du mois des Romains. Il n’y a pas des calendes qu’en décembre ! par contre au passage il faut dire que malgré l’expression bien connue « renvoyer aux calendes grecques », il n’y a jamais eu de calendes chez les Grecs !  Cette expression signifie qui « repousser définitivement », revient à la « Une » de l’actualité avec les promesses de nos gouvernants. Nous aurons à coup sûr un bon exemple de ces déclarations avec leurs voeux cette année encore ! 

Pendant ce temps le soleil continue de briller pour tous et le rythme de sa course nous amène à un peu d'humilité face à la Création ! Et nos traditions perdurent, n'en déplaise à quelques décisions laïcardes et d'arrière-garde ! Sinon il faudrait tout changer !

J’ai souvent, et même longuement, parlé de décembre et des fêtes de fin d’année, et des ajustements et réformes des calendriers à travers les siècles, de la course du temps et des essais pour les mesurer, à des fins souvent pratiques. J’ai parlé du temps qui court, qui va et qui conditionne notre vie quotidienne sans qu’on arrive à bien le prévoir ni encore moins à le maîtriser.

 « Calendrier », « almanach », « agenda », autant de mots que nous employons en ces temps de fin d’année et d’année nouvelle, sans avoir la moindre idée de leurs origines et des calculs savants qui tous nous rappellent que depuis la nuit des temps les peuples ont tenté de trouver un système de référence commun et cohérent qui permette de gérer notre temps en lien avec la course de la terre autour du soleil, à la durée du jour et de la nuit, et au cycle de la lune autour de nous. Sans compter tous les proverbes ou dictons et autres expressions qui au fil des siècles ont pris naissance dans les observations et l’imagination de nos ancêtres.

Tout au long de ce mois de décembre tout particulièrement, nous allons utiliser ces mots et ces expressions qui sont autant de rappels de ces préoccupations, à l’origine parfois de traditions, us et coutumes dont il me semble plus que jamais nécessaire de donner quelques explications dans cette nouvelle chronique.

Les calendes dans le calendrier romain étaient les premiers jours du mois. Elles nous ont laissé le mot calendrier. A Rome, le début du mois était de la plus grande importance car ce jour-là, les pontifes annonçaient les dates des fêtes mobiles du mois suivant et les débiteurs devaient payer leurs dettes inscrites dans les calendaria, les livres de comptes, à l'origine du mot calendrier. Aujourd’hui la fin de l’année marque le même genre d’échéances.

« Calendrier » d’abord. C’est le mot le plus universellement employé. Ce n’est pas la même chose qu’un « agenda », qui lui, est de création plus récente. Son étymologie est dans le verbe « agir ». C’est, nous dit Littré, « le petit livret destiné à noter les choses que l’on doit faire. » et ce n’est pas un « almanach ». Je n’écrirai rien de plus sur « agenda ».

« Almanach », est un mot plus ancien. C’est un développement du calendrier. De façon générale, un calendrier est un système élaboré par les hommes pour recenser les jours, et ainsi mesurer les grands intervalles de temps. Il s'agit d'un ensemble de préceptes destinés à fonder une chronologie commode pour régenter la vie économique, les voyages, la vie politique (élections et renouvellement des pouvoirs), impôts. ! régler les fêtes religieuses (et pas que les fêtes chrétiennes !), donner des indications et conseils pour l’agriculture et les récoltes, etc..  Dans le choix des critères de construction des calendriers, les rythmes nous sont imposés par les principales manifestations des phénomènes astronomiques ; succession des jours et des nuits, cycle saisonnier, retour des phases de lune, etc…Depuis que l'homme s'applique à compter les jours, il a généré plus de 100 calendriers différents. À côté de cette préoccupation permanente, le besoin s'est fait sentir de définir des chronologies plus techniques dans des domaines variés nécessitant l'enregistrement et la comparaison d'événements éloignés dans le temps :Histoire, Astronomie, Archéologie.

Un almanach c’est différent. Eusèbe de Césarée (IVe siècle ap. JC) nous dit que l’étymologie d’almanach viendrait de l’Égypte, du copte, « al » « calcul » et « men » : « mémoire ». D’autres écoles voudraient que l’origine du mot soit dans l’article « al » et le mot hébreu « manah » : « compter ». Que contient un almanach ? En 1791, L’éditeur canadien Samuel Neilson décrit ainsi la composition des almanachs canadiens de son époque :« Les matières qui doivent composer un Almanach ont toujours varié dans tous les païs, et semblent en quelque sorte arbitraires ; cependant tout le monde convient qu’il doit consister principalement d’un Calendrier pour la mesure du temps, lequel dépendant du mouvement des astres, fait consister un Almanach autant de la science de l’Astronomie qu’il est nécessaire pour régler les affaires humaines. Mais cette institution semblable à la plupart des autres, a été de temps à autres jugée susceptible d’amélioration, et l’on a cru que l’on pourroit procurer au public un avantage particulier, en rendant son utilité plus étendue, ce qui est depuis devenu l’objet commun des Editeurs et acheteurs. L’Astronomie, autant qu’elle concerne la mesure du temps, formant le fond d’un Almanach, les objets relatifs à cette science, sous un point de vue plus étendue, et poursuivis par d’autres motifs, en ont très à propos formé le second sujet, qui n’est pas la partie la moins intéressante d’un Almanach. On a approprié très judicieusement une autre partie à des objets d’une utilité publique, tels que de courtes esquisses de vérités politiques, morales et scientifiques. On a aussi introduit de temps à autres des objets de simple amusement. Dans la plupart des païs les Almanacs ont servi d’une espèce de régistres publics, contenant les noms des fonctionnaires publics de toutes dénominations du païs où l’on se proposoit de les faire circuler. Et enfin les objets d’une importance locale relatifs principalement aux affaires publiques de ce païs. »

Cette description peut parfaitement être celle des almanachs français. Pour résumer, un almanach doit obligatoirement comporter le calendrier de l'année à venir, dans la plupart des cas accompagné d’une éphéméride sur lequel figurent les positions du Soleil (lever, coucher...) et de la Lune (lever, coucher, phases...), les dates des éclipses, etc. Il peut contenir d'autres informations aussi variées que nombreuses. Elles tiennent certainement des modes et pôles d'intérêt de l'époque. Elles sont aussi un peu l'image de marque de tel ou tel almanach. C’est ainsi qu'on va y trouver des indications météorologiques, agricoles, médicales, culinaires, des maximes, des bons mots, des informations pratiques comme les dates et heures des marchés, fêtes, foires, lieux et heures de départ des courriers ou des diligences, etc. Le célèbre calendrier des postes devenu « almanach du facteur » donne même non seulement les heures de lever et de coucher de la lune et du soleil mais aussi des indications très précieuses et souvent proches de la réalité, sur le temps qu’il va faire… probablement.

Il faut bien le comprendre, les almanachs ne sont pas apparus par hasard. Ils sont le fruit d'un besoin, celui d'apprendre. Les almanachs vont devenir, à partir des XV ème-XVI ème siècles, les instruments essentiels de la popularisation et de la vulgarisation du savoir. Ils vont aider le commun des mortels à s'y retrouver dans un calendrier "classique" qui ne manque pas de complexité, durée des mois de l'année, lettre dominicale, jour des principales fêtes, calcul de la date de Pâques. Il ne faut pas oublier que, jusqu'au premier quart du XVI ème siècle, les jours de l'année ne sont pas systématiquement numérotés. N'oublions pas aussi que la création et la diffusion des almanachs est très liée à l’invention de l’imprimerie en 1454.  Cela peut aussi expliquer qu’en l’absence de références, nos Anciens aient créé des dictons ayant trait au temps, en se référant aux fêtes des saints du jour ? Les fêtes carillonnées marquaient le rythme de vie de nos villes et nos campagnes et étaient le seul moyen de se référer à du concret.  Il y avait bien les missels et bréviaires qui existaient avant l’imprimerie mais étaient limités à un petit nombre et n’étaient pas imprimés.

Le célèbre « Calendrier des Bergers » que je cite souvent, publié par Guiot-Marchand, date de 1485. L’ « almanach de Liège » de Mathieu Laensberg date de 1650. Le célèbre « almanach Vermot » est plus récent. La première édition date de 1886. C’est un vrai petit musée des traditions et d’un humour populaire souvent critiqué. Un calembour emblématique de sa tournure d'esprit a été publié sous un dessin de Henriot dans l'almanach de 1896, à la page du 11 septembre ; il s'agit du fameux : « Comment vas-tu… yau de poêle ? ». Cocardier, misogyne, colonialiste et bien d'autres qualificatifs lui ont été associés ; le Vermot a été critiqué pour son humour parfois peu raffiné. Selon Henri Jeanson, l'almanach finissait souvent par être « lu d’un derrière distrait », dans la petite cabane au fond du jardin. Il est sans nul doute une des facettes de la culture populaire française. Après la mort de son fondateur, Joseph Vermot, en 1893, la publication de l'almanach a été poursuivie par son fils Maurice. Ce dernier cède l'almanach à Georges Ventillard en 1933. Depuis 2008, le titre, racheté aux Publications Georges Ventillard, est édité par Hachette Livre. L’« Armana Prouvençau » si riche de nos parler du Midi et de nos traditions date lui de 1855. Il est toujours publié de nos jours. Je limiterai mon propos à ces publications parmi les plus connues. Il y en a d’autres ! Sous l’Ancien Régime on trouve « l’almanach royal » publié chaque année sous l’Ancien Régime. C’est un recueil où l’on consigne quantités d’éléments, qui va des listes des régiments – trésor pour les généalogistes- auxrecettes de cuisine aux conseils pour jardiner, selon la lune ça va de soi. Rappelons-nous Mr Jourdain qui veut savoir quand il y a de la lune ou pas !  C’est bien plus tard, en 1810, qu’on verra apparaître l’ « Almanach des Postes », devenu en 1880 l’« Almanach des Postes et Télégraphes », puis en 1945 l’« Almanach des PTT » et en 1989 l’ « Almanach du Facteur ». A ce sujet voici quelques précisions car on a aucune idée de ce que représente cet Almanach du Facteur. En 1849, François Charles Oberthür, un alsacien, obtient un premier contrat pour imprimer cet almanach. Contrat renouvelé en 1853 et 1857 avec achat du monopole pour cette publication, avec des obligations de contenu très strictes. Aujourd’hui la maison Oberthür détient encore la majorité (40 %) des droits de tirages des 8 à 10 millions d’almanach du Facteur diffusé en France. Les autres imprimeurs sont Oller, Lavigne et Cartier-Bresson. Il s’agit d’une affaire qui selon des estimations difficiles à contrôler serait de l’ordre de 100 millions d’euros.  Un Almanach revient actuellement à 1.81 ou 1.82 e pour un rapport d’environ 10 à 20 e. L’objectif, au lancement de l’opération, était d’arrondir les fins de mois, puis de compenser une prime de fin d’année ou même un treizième mois. Cette opération toujours en activité reste à l’initiative personnelle des facteurs, avec l’accord tacite de leur direction.

Calendrier, Almanach, et pourquoi pas « chronique » ? C’est encore autre chose… ! Littré nous dit que « la chronique c’est ce qui se débite par de petites nouvelles courantes, qui peuvent avoir plusieurs sujets : chronique de l’histoire, chronique d’un lieu, ou du temps… »  L’étymologie de chronique étant dans le latin « chronica » ou du grec « chronos » : « qui appartient au temps ». Les principales difficultés pour l’établir sont liées au fait que la révolution de la terre autour du soleil a une forme elliptique et que la terre est ronde, tournant sur elle-même, sur un axe incliné. Il est donc difficile de prendre un seul et unique point de référence. De plus, on s’est aperçu bien vite que le cycle de la lune et du soleil n’avait pas la même durée et c’est Méton, qui au siècle de Périclès, découvrit (ou emprunta aux Babyloniens ?) le fait que 19 années solaires contiennent 235 lunaisons, et donc qu’à l’issue de ce cycle, les phases de la lune reviennent pratiquement aux mêmes dates. C’est ce qu’on appelle « le cycle de Méton ». Cette découverte, a une importance capitale pour la compréhension des dictons et proverbes du temps. Ces dictons sont liés la plupart du temps aux fêtes des saints qui sont, elles, à date fixes. Or d’après Méton la lune n’est pas toujours à la même place aux mêmes dates. Donc les prédictions d’un dicton ne sont pas valables chaque année. Comme on sait l’influence de la lune, sur le temps, cette influence sera « tempérée » selon sa position dans le ciel, selon que la lune est croissante ou décroissante, lune nouvelle, pleine lune ou vieille lune et que sa courbe dans le ciel est montante ou descendante.  D’où l’importance, comme le faisait Monsieur Jourdain de savoir le calendrier et de connaître quand il y a de la lune ou quand il n’y en a point !

Depuis que l'homme s'applique à compter les jours, il a généré plus de 100 calendriers différents qui sont bien connus des spécialistes. Mais les plus fréquemment et largement usités sont le calendrier « Julien » qui a été appliqué le plus largement dans le monde de l’an 46 av JC à 1582, et le calendrier « Grégorien » depuis cette date. C’est celui qui est la référence la plus sûre de nos jours car la plus proche de la réalité de la course du temps et des saisons. Les autres calendriers sont décalés par rapport au temps s’ils se réfèrent seulement au cycle lunaire, comme le calendrier musulman qui est « hors saison » parce que le départ du Prophète pour l’exil, « l’hégire », ce qui marque le départ de l’année musulmane, eut lieu en plein été, le 16 juillet 622 du calendrier alors en application, à savoir le calendrier julien. Fêter cet anniversaire en plein hiver est bien hors saison ! Quant aux autres calendriers ils ont des jours ou des mois de compensation pour rattraper les décalages, comme le calendrier chinois.

On ne peut rester qu’en admiration face aux calculs qui au cours des siècles ont permis d’établir les différents calendriers avec des précisions extraordinaires, uniquement établies sur des observations alors que nos techniques modernes et hyper sophistiquées restent encore incapables de prévoir les grandes catastrophes qui nous ont frappé ici et là ces dernières années.

Mais si je vous partage mon admiration face aux différents calendriers et à leur évolution je reste pantois quand je lis qu’une respectable commission européenne fait une proposition de supprimer purement et simplement le mot « Noël ». Peut-être faudrait-il communiquer à ses membres ma chronique de l’an dernier où je rappelais l’étymologie du mot « noël » et son origine liée au renouveau du jour plus long que la nuit, au soleil qui reprend sa course, aux jours qui deviennent plus long après le solstice, aux fêtes du Sol Invictus des romains ? et d’autres croyances préchrétiennes, et bien des syncrétismes. Peuvent-ils ignorer que la naissance du Christ a d'abord été fêtée au printemps, puis en janvier pendant les trois premiers siècles de la Chrétienté. Ainsi, Clément d'Alexandrie, mort vers l'an 220, plaça la Nativité au 18 avril ; d'autres au 25 mars ; Saint Epiphane, mort en 403 au 6 janvier ; La naissance du Christ à Bethléem fut officiellement fixé en 354 par le pape Libère (ou Liberus) au 25 décembre qui, à l'époque, était la fête du solstice d'hiver. Le choix du 25 décembre pour Noël traduit pour une église chrétienne qui vient d'être officialisée religion de l'Empire, une volonté de syncrétisme en associant le culte païen du Soleil invaincu à la naissance de Jésus. D’ailleurs lorsque le Pape à Rome imposa le 25 décembre comme date officielle de la venue au monde de Jésus, les églises d'Orient protestèrent contre cette « superstition », « cette fête païenne et idolâtre » et refusèrent de la célébrer. Jusqu'au VIe siècle, à Bethléem et à Jérusalem, la fête de Noël fut célébrée à une autre date que le 25 décembre, le 6 janvier, date qui est restée celle du Noël des Arméniens. Le 6 janvier semble bien être également le symbole d'un syncrétisme avec les cultes de l’Orient. Cette date correspond pour la Grèce à la fête de Dionysos, dieu de la vigne et du vin et en Egypte, on célébrait la naissance de l'enfant de la déesse Isis, incarnation du Soleil renaissant. Les orthodoxes fêtent aujourd'hui Noël le 7 janvier. Certes c’est pour imager et sublimer tout cela qu’en l’an 354 les chrétiens ont décidé de fixer la date de la naissance de Jésus. L’image est trop belle de fêter en ces jours la naissance de Celui qui apporte la lumière au monde. Un monde nouveau. Laissons donc Noël aux Chrétiens qui célèbrent en ces jours la naissance de Jésus, et fêtons ensemble le renouveau, la vie et la lumière, en famille, aux approches du solstice d’hiver qui sera cette année le 21 décembre (mais le 22 décembre en 2023 !). Et qu’ils s’occupent de vrais problèmes !

Sur le registre d’une chronique, comme celle-ci je ne peux m’empêcher de rappeler deux anecdotes historiques au sujet des calendriers. Elles montrent combien ces recherches de références communes que sont les calendriers, n’ont pas échappé aux manipulations perverses. Quand il s’est agi de mettre en application le calendrier « julien » ceux qui étaient chargé de cela, - on les appelait « les Pontifes » - mirent toute la mauvaise volonté possible pour ne pas appliquer les nouvelles règles.  Au temps des Romains les pontifes étaient des prêtres chargés de la bonne observance des pratiques religieuses et globalement de fixer les dates des fêtes qui allaient rythmer la vie des romains. Leur nom vient probablement du fait qu’ils étaient chargés de l'entretien du pont sacré, le pont Sublicius le plus ancien pont de Rome. Aujourdhui le terme pontife est plutôt lié à la religion chrétienne. Certes la réforme de Sosigène d’Alexandrie faire à la demande de Jules César était d’une grande nouveauté et très complexe. Mais elle touchait aux privilèges de ces pontifes et peut être aussi aux avantages qu’ils pouvaient tirer de leur position dominante. Ils firent tant et si bien que l’année de la mise en applications du nouveau calendrier, soit l’an 45 avant JC, dura 445 jours.  C’est de tout temps que les reformes ont été difficiles à mettre en place. Et pas seulement en France !

En 1582 quand le Pape Grégoire fit faire une nouvelle réforme, celle du calendrier « grégorien », on rencontra des difficultés presque du même ordre. Il s’agissait d’imprimer le nouveau calendrier conçu par deux savants, Clavius et Lilio. Grande affaire cette opération d’imprimer le nouveau calendrier ! et rentable ! puisque l’objectif était de bien communiquer les tenants et aboutissants de la réforme pour arriver à une application la plus large possible et obtenir un consensus pour faciliter relations et gouvernances. Le Pape avait concédé au frère de Lilio alors décédé, et à ses héritiers, le privilège d’imprimer le nouveau calendrier et de le vendre ! La sollicitude pontificale était allée jusqu’à demander au Roi de France Henri III semblable privilège pour 10 ans. Mais Antonio Lilio n’était pas un homme pressé. Alors tout se compliqua. Non seulement selon Kepler, les pays protestants « préféraient entre en désaccord avec le soleil plutôt que d’être d’accord avec le Pape de Rome, » - de fait il semblerait que cette citation soit plutôt de Voltaire - mais on manquait de preuves écrites. Les imprimeurs français, nantis de nombreux privilèges royaux, attendaient les données pour les insérer dans les bréviaires et missels qui devaient être publiés pour la nouvelle année liturgique qui commence avec le temps de l’Avent début décembre. Ils se plaignirent firent connaître leurs réclamations au Nonce apostolique qui s’appelait alors Castelli.  L’affaire remonta jusqu’au Pape. Je vous passe les péripéties de l’affaire. Les archives disposent de tous les échanges de lettre en le Nonce à Paris, le Cardinal Côme à Rome et Antonio Lilio. Bref, la réforme en France ne fut pas appliquée en octobre. Les 10 jours de rattrapage qui devaient être effacés du calendrier entre le 4 et le 15 octobre 1582, pour arriver à une concordance avec le cycle du soleil ne fut effacés qu’en décembre de cette année- là. C’est ce qui nous vaut le décalage que j’ai très souvent expliqué avec le dicton de la sainte Luce, qui de la veille du solstice d’Hiver fit un bon en arrière et se retrouva le 13 décembre. Depuis 1582 les jours n’avancent plus du saut d’une puce le 13 décembre ! Vous pourrez lire utilement les explications que j’ai déjà données sur ce sujet dans mes précédents chroniques.

Quant au début de l’année fixé au 1er janvier, cela avait été décidé dès le II siècle. Mais la mauvaise application des dispositions dériva longtemps, au point que, constatant de telles disparités selon les provinces qu’il traversait au cours d’un grand voyage à travers le pays, Charles IX, par l’édit de Roussillon, en 1564, fixa le début de l’année au 1er janvier. Cette décision nous a laissé le « poisson d’avril ».

Encore une tradition qui découle des réformes successives des calendriers. C’est dans ces occasions de nouvelle année que l’on s’offrait des « étrennes » ou « cadeaux ». Ce sont là encore deux mots très étroitement liés au temps et cette chronique se doit d’en expliquer pourquoi. Le terme « étrenne » a une origine ancienne ; il vient du latin « strena » qui désigne un cadeau d’heureux présage. C’est un présent que l’on fait plutôt à l’occasion du premier Jour de l’An. C’est aussi la gratification que l’on donne en fin d’année aux domestiques et à certains employés. C’est pour cette raison que le mois de janvier est baptisé : « le mois des concierges ». Étrennes est surtout utilisé au pluriel. L’origine des étrennes remonterait à l’époque des Sabins. Encore un héritage de leur part ! Ils avaient coutume au seuil de la nouvelle année de couper des branches de verveine dans les bois de la déesse Strenia ; les pauvres en faisaient cadeau aux riches, les serviteurs et maîtres. Après le rapt des Sabines par les Romains, ceux-ci auraient adopté cet usage en le développant ; c’est ainsi qu’on aurait ajouté aux branches quelques produits peu coûteux tels du miel, du gui, du laurier, des branches d’olivier. Alors les riches romains et les nantis, soucieux d’éblouir leur entourage, auraient somptueusement rendu ces cadeaux. Puis on offrit des amphores de vin, des paniers de dattes, de figues ou de légumes, des gâteaux et des fleurs. Pour « faire mieux et plus joli» on commença à envelopper les fruits d’une feuille d’or ou bien on échangea des médaillons sur lesquels était inscrit le traditionnel souhait : « Que l’année nouvelle soit heureuse pour toi ! » Ensuite vinrent les lampes symboliques en argile décorée. Un grand nombre de celles-ci ont été retrouvées dans des tombeaux. Au cours des siècles ces cadeaux, échangés au moment des Saturnales et des Calendes de janvier, sont devenus de plus en plus importants ; c’est pourquoi l’Eglise avait menacé d’excommunication ceux qui offriraient des objets trop luxueux et trop chers pour leurs ressources personnelles. Pour éviter l’application de ces ordonnances rigoureuses, les Romains se seraient mis à offrir également des présents aux prélats, aux magistrats et même à l’empereur. Ainsi ceux qui entendaient abolir la pratique des étrennes en devenaient les premiers bénéficiaires. Institutionnalisées, les étrennes devinrent donc une taxe directe dont l’empereur et son administration retirèrent de gros bénéfices.

Le mot « cadeau » vient lui du latin populaire « capitellus » dérivé de « caput », « tête » ; il a désigné la lettre capitale jusqu’au XVIème siècle, puis des paroles superflues enjolivant un discours, puis un divertissement offert à une dame et enfin le présent. C’est à la fin du XVIIIème siècle que ce terme a pris le sens qu’il a aujourd’hui. Le mot « présent » correspond à celui de « cadeau » mais il ne s’emploie plus aujourd’hui que dans la langue littéraire ou poétique. Les étrennes du jour de l’an ont presque disparu et les cadeaux nous amènent à Noël et à la dimension commerciale qui s’est développée autour de cette habitude, en lien avec l’invention récente du Père Noël. C’est encore dans les mêmes coutumes ou habitudes ancestrales qu’il faut trouver l’origine de la galette des Rois. En tirant les Rois en cette fête de l’Epiphanie nous pensons aux Rois Mages, à la crèche et encore aux cadeaux. En Espagne c’est encore ce jour-là que l’on fait les cadeaux aux enfants. Or la tradition de la galette des Rois est une coutume bien plus ancienne qui n’a dans ses origines rien à voir avec eux. C’est une tradition qui se réfère elle aussi à l’évolution du temps, à la longueur des jours, et au soleil qui brille chaque jour un peu plus et qui s’inscrit dans toutes les fêtes qui jalonnent ces jours autour du solstice d’hiver, où il n’est question que de fêter le triomphe de la lumière sur la nuit et les ténèbres. Les Romains organisaient à cette période des saturnales. On y partageait déjà la fève et on désignait ainsi le roi de la fête. Au Moyen Age ce fut la fête des Fous, devenus la fête des Innocents, sujette à toute sorte de débordements. Très tôt les chrétiens ont fait de ce jour la fête chrétienne de l’Epiphanie ! La manifestation de la Lumière du Monde aux Nations, symbolisée par les Rois Mages. C’est une des interprétations. Le gâteau partagé à cette occasion, appelé galette, était bien comme aujourd’hui dans les pays du Nord de la France, un gâteau plat et rond, symbolisant le soleil qui renaît, (on retrouvera ainsi le même symbolisme avec les crêpes de la Chandeleur) alors que le gâteau des Rois dans le midi est plutôt une brioche en forme de couronne qu’on appelle « royaume ».

Que ce rappel d’origines et de coutumes fort anciennes ne gâche pas notre plaisir, et fêtons Noël et les Rois sans scrupules. Cela n’a plus rien de païen dans nos festivités et l’hommage au jour qui triomphe sur la nuit n’est-il pas aussi un hommage à la création et au Créateur ! Le jour de l’Epiphanie marque souvent le début de l’hiver, ou au moins une forte reprise du temps froid. « Les hivers les plus froids, sont ceux qui prennent vers les Rois ». Une journée des Rois bien ensoleillée est peut-être un bon présage :« Beaux jours aux Rois, blé jusqu’au toit. » ou encore : « Belle journée aux Rois, l’orge croît sur les toits. ».  « Si le soir du Jour des Rois, beaucoup d’étoiles tu vois, Tu auras sécheresse en été, et beaucoup d’œufs au poulailler. » Les différents calendriers, et leur mise en application, nous ont toujours valu quelques clins d’œil amusants et j’aurais pu en donner ici d’autres exemples, si je ne craignais de trop allonger cette chronique. Souhaitons-nous une Bonne Année 2023 quoiqu’il arrive et souvenons-nous que tous ces mots que je viens d’évoquer, calendrier, almanach, agenda, étrennes et cadeaux, galette des rois, et tutti quanti, c’est directement ou indirectement aux différents aménagements des calendriers à travers les siècles que nous les devons. Quelles que soient les prévisions ou les promesses, « Vérité dans un temps, erreur dans un autre » écrivait Montesquieu dans ses Lettres Persanes en 1721, « Il faut donner du temps au temps » nous dit Cervantès dans son Don Quichotte en 1605. Avec mes vœux les plus sincères pour ce mois de décembre et redoublons de prudence avec les virus de toutes sortes qui nous assaillent ! 

A Diou sias !

                                                                                              Jean Mignot

                                    en ce mois de décembre 2022 et en forme de rappel de choses déjà écrites et pubiées ! Bis repetita !