du mois de décembre 2022
Avec
le mois de décembre nous entrons dans la période « calendale » rythmée par les
traditions de fin d’année qui précèdent ou suivent la fête de Noël. Blé de
Noël, Saint Barbe, Saint Nicolas, Sainte-Luce,
Crêches et Santons, Gros Soupa et Treize Desserts, Veillée de Noël,
gâteau des Rois, Chandeleur, autant de sujets
que j’ai souvent développé dans mes chroniques des années précédentes.
Mais
pourquoi « calendale » ? en effet les
calendes étaient le premier jour du mois des Romains. Il n’y a pas des calendes
qu’en décembre ! par contre au passage il faut dire que malgré l’expression
bien connue « renvoyer aux calendes grecques », il n’y a jamais eu de
calendes chez les Grecs ! Cette expression
signifie qui « repousser définitivement », revient à la « Une » de
l’actualité avec les promesses de nos gouvernants. Nous aurons à coup sûr un bon exemple de ces déclarations avec leurs voeux cette année encore !
Pendant ce temps le soleil continue de briller pour tous et le rythme de sa course nous amène à un peu d'humilité face à la Création ! Et nos traditions perdurent, n'en déplaise à quelques décisions laïcardes et d'arrière-garde ! Sinon il faudrait tout changer !
J’ai
souvent, et même longuement, parlé de décembre et des fêtes de fin d’année, et
des ajustements et réformes des calendriers à travers les siècles, de la course
du temps et des essais pour les mesurer, à des fins souvent pratiques. J’ai
parlé du temps qui court, qui va et qui conditionne notre vie quotidienne sans
qu’on arrive à bien le prévoir ni encore moins à le maîtriser.
« Calendrier », « almanach », « agenda »,
autant de mots que nous employons en ces temps de fin d’année et d’année
nouvelle, sans avoir la moindre idée de leurs origines et des calculs savants
qui tous nous rappellent que depuis la nuit des temps les peuples ont tenté de
trouver un système de référence commun et cohérent qui permette de gérer notre
temps en lien avec la course de la terre autour du soleil, à la durée du jour et
de la nuit, et au cycle de la lune autour de nous. Sans compter tous les
proverbes ou dictons et autres expressions qui au fil des siècles ont pris
naissance dans les observations et l’imagination de nos ancêtres.
Tout
au long de ce mois de décembre tout particulièrement, nous allons utiliser ces
mots et ces expressions qui sont autant de rappels de ces préoccupations, à
l’origine parfois de traditions, us et coutumes dont il me semble plus que
jamais nécessaire de donner quelques explications dans cette nouvelle
chronique.
Les
calendes dans le calendrier romain étaient les premiers jours du mois. Elles
nous ont laissé le mot calendrier. A Rome, le début du mois était de la plus
grande importance car ce jour-là, les pontifes annonçaient les dates des fêtes
mobiles du mois suivant et les débiteurs devaient payer leurs dettes inscrites
dans les calendaria, les livres de comptes, à l'origine du mot calendrier. Aujourd’hui
la fin de l’année marque le même genre d’échéances.
«
Calendrier » d’abord. C’est le mot le plus universellement employé. Ce n’est
pas la même chose qu’un « agenda », qui lui, est de création plus récente. Son
étymologie est dans le verbe « agir ». C’est, nous dit Littré, « le petit
livret destiné à noter les choses que l’on doit faire. » et ce n’est pas un « almanach ». Je n’écrirai
rien de plus sur « agenda ».
« Almanach », est un mot plus ancien. C’est un
développement du calendrier. De façon générale, un calendrier est un système
élaboré par les hommes pour recenser les jours, et ainsi mesurer les grands
intervalles de temps. Il s'agit d'un ensemble de préceptes destinés à fonder
une chronologie commode pour régenter la vie économique, les voyages, la vie
politique (élections et renouvellement des pouvoirs), impôts. ! régler les
fêtes religieuses (et pas que les fêtes chrétiennes !), donner des indications
et conseils pour l’agriculture et les récoltes, etc.. Dans le choix des critères de construction
des calendriers, les rythmes nous sont imposés par les principales
manifestations des phénomènes astronomiques ; succession des jours et des
nuits, cycle saisonnier, retour des phases de lune, etc…Depuis que l'homme
s'applique à compter les jours, il a généré plus de 100 calendriers différents.
À côté de cette préoccupation permanente, le besoin s'est fait sentir de
définir des chronologies plus techniques dans des domaines variés nécessitant
l'enregistrement et la comparaison d'événements éloignés dans le temps :Histoire, Astronomie, Archéologie.
Un
almanach c’est différent. Eusèbe de Césarée (IVe siècle ap. JC) nous dit que
l’étymologie d’almanach viendrait de l’Égypte, du copte, « al » « calcul » et «
men » : « mémoire ». D’autres écoles voudraient que l’origine du mot soit dans
l’article « al » et le mot hébreu « manah » : « compter ». Que contient un
almanach ? En 1791, L’éditeur canadien Samuel Neilson décrit ainsi la
composition des almanachs canadiens de son époque :« Les matières qui
doivent composer un Almanach ont toujours varié dans tous les païs, et semblent
en quelque sorte arbitraires ; cependant tout le monde convient qu’il doit
consister principalement d’un Calendrier pour la mesure du temps, lequel
dépendant du mouvement des astres, fait consister un Almanach autant de la
science de l’Astronomie qu’il est nécessaire pour régler les affaires humaines.
Mais cette institution semblable à la plupart des autres, a été de temps à
autres jugée susceptible d’amélioration, et l’on a cru que l’on pourroit
procurer au public un avantage particulier, en rendant son utilité plus
étendue, ce qui est depuis devenu l’objet commun des Editeurs et acheteurs. L’Astronomie,
autant qu’elle concerne la mesure du temps, formant le fond d’un Almanach, les
objets relatifs à cette science, sous un point de vue plus étendue, et
poursuivis par d’autres motifs, en ont très à propos formé le second sujet, qui
n’est pas la partie la moins intéressante d’un Almanach. On a approprié très
judicieusement une autre partie à des objets d’une utilité publique, tels que
de courtes esquisses de vérités politiques, morales et scientifiques. On a
aussi introduit de temps à autres des objets de simple amusement. Dans la
plupart des païs les Almanacs ont servi d’une espèce de régistres publics,
contenant les noms des fonctionnaires publics de toutes dénominations du païs
où l’on se proposoit de les faire circuler. Et enfin les objets d’une
importance locale relatifs principalement aux affaires publiques de ce païs.
»
Cette
description peut parfaitement être celle des almanachs français. Pour résumer,
un almanach doit obligatoirement comporter le calendrier de l'année à venir,
dans la plupart des cas accompagné d’une éphéméride sur lequel figurent les
positions du Soleil (lever, coucher...) et de la Lune (lever, coucher,
phases...), les dates des éclipses, etc. Il peut contenir d'autres informations
aussi variées que nombreuses. Elles tiennent certainement des modes et pôles
d'intérêt de l'époque. Elles sont aussi un peu l'image de marque de tel ou tel almanach.
C’est ainsi qu'on va y trouver des indications météorologiques, agricoles,
médicales, culinaires, des maximes, des bons mots, des informations pratiques
comme les dates et heures des marchés, fêtes, foires, lieux et heures de départ
des courriers ou des diligences, etc. Le célèbre calendrier des postes devenu «
almanach du facteur » donne même non seulement les heures de lever et de
coucher de la lune et du soleil mais aussi des indications très précieuses et
souvent proches de la réalité, sur le temps qu’il va faire… probablement.
Il
faut bien le comprendre, les almanachs ne sont pas apparus par hasard. Ils sont
le fruit d'un besoin, celui d'apprendre. Les almanachs vont devenir, à partir
des XV ème-XVI ème siècles, les instruments essentiels de la popularisation et
de la vulgarisation du savoir. Ils vont aider le commun des mortels à s'y
retrouver dans un calendrier "classique" qui ne manque pas de
complexité, durée des mois de l'année, lettre dominicale, jour des principales
fêtes, calcul de la date de Pâques. Il ne faut pas oublier que, jusqu'au premier
quart du XVI ème siècle, les jours de l'année ne sont pas systématiquement
numérotés. N'oublions pas aussi que la création et la diffusion des almanachs
est très liée à l’invention de l’imprimerie en 1454. Cela peut aussi expliquer qu’en l’absence de
références, nos Anciens aient créé des dictons ayant trait au temps, en se
référant aux fêtes des saints du jour ? Les fêtes carillonnées marquaient le
rythme de vie de nos villes et nos campagnes et étaient le seul moyen de se
référer à du concret. Il y avait bien les
missels et bréviaires qui existaient avant l’imprimerie mais étaient limités à
un petit nombre et n’étaient pas imprimés.
Le
célèbre « Calendrier des Bergers » que je cite souvent, publié par
Guiot-Marchand, date de 1485. L’ « almanach de Liège » de Mathieu
Laensberg date de 1650. Le célèbre « almanach Vermot » est plus récent.
La première édition date de 1886. C’est un vrai petit musée des traditions et
d’un humour populaire souvent critiqué. Un calembour emblématique de sa
tournure d'esprit a été publié sous un dessin de Henriot dans l'almanach de
1896, à la page du 11 septembre ; il s'agit du fameux : « Comment vas-tu…
yau de poêle ? ». Cocardier, misogyne, colonialiste et bien d'autres
qualificatifs lui ont été associés ; le Vermot a été critiqué pour son humour
parfois peu raffiné. Selon Henri Jeanson, l'almanach finissait souvent par être
« lu d’un derrière distrait », dans la petite cabane au fond du jardin.
Il est sans nul doute une des facettes de la culture populaire française. Après
la mort de son fondateur, Joseph Vermot, en 1893, la publication de l'almanach
a été poursuivie par son fils Maurice. Ce dernier cède l'almanach à Georges
Ventillard en 1933. Depuis 2008, le titre, racheté aux Publications Georges
Ventillard, est édité par Hachette Livre. L’« Armana Prouvençau » si
riche de nos parler du Midi et de nos traditions date lui de 1855. Il est
toujours publié de nos jours. Je limiterai mon propos à ces publications parmi
les plus connues. Il y en a d’autres ! Sous l’Ancien Régime on trouve «
l’almanach royal » publié chaque année sous l’Ancien Régime. C’est un
recueil où l’on consigne quantités d’éléments, qui va des listes des régiments
– trésor pour les généalogistes- auxrecettes de cuisine aux conseils pour jardiner, selon la lune ça va de soi.
Rappelons-nous Mr Jourdain qui veut savoir quand il y a de la lune ou pas
! C’est bien plus tard, en 1810, qu’on
verra apparaître l’ « Almanach des Postes », devenu en 1880 l’«
Almanach des Postes et Télégraphes », puis en 1945 l’« Almanach des PTT
» et en 1989 l’ « Almanach du Facteur ». A ce sujet voici quelques
précisions car on a aucune idée de ce que représente cet Almanach du Facteur.
En 1849, François Charles Oberthür, un alsacien, obtient un premier contrat
pour imprimer cet almanach. Contrat renouvelé en 1853 et 1857 avec achat du
monopole pour cette publication, avec des obligations de contenu très strictes.
Aujourd’hui la maison Oberthür détient encore la majorité (40 %) des droits de
tirages des 8 à 10 millions d’almanach du Facteur diffusé en France. Les autres
imprimeurs sont Oller, Lavigne et Cartier-Bresson. Il s’agit d’une affaire qui
selon des estimations difficiles à contrôler serait de l’ordre de 100 millions
d’euros. Un Almanach revient
actuellement à 1.81 ou 1.82 e pour un rapport d’environ 10 à 20 e. L’objectif,
au lancement de l’opération, était d’arrondir les fins de mois, puis de
compenser une prime de fin d’année ou même un treizième mois. Cette opération
toujours en activité reste à l’initiative personnelle des facteurs, avec
l’accord tacite de leur direction.
Calendrier,
Almanach, et pourquoi pas « chronique » ? C’est encore autre chose… ! Littré
nous dit que « la chronique c’est ce qui se débite par de petites nouvelles
courantes, qui peuvent avoir plusieurs sujets : chronique de l’histoire,
chronique d’un lieu, ou du temps… »
L’étymologie de chronique étant dans le latin « chronica » ou du grec «
chronos » : « qui appartient au temps ». Les principales difficultés pour
l’établir sont liées au fait que la révolution de la terre autour du soleil a
une forme elliptique et que la terre est ronde, tournant sur elle-même, sur un
axe incliné. Il est donc difficile de prendre un seul et unique point de
référence. De plus, on s’est aperçu bien vite que le cycle de la lune et du
soleil n’avait pas la même durée et c’est Méton, qui au siècle de Périclès,
découvrit (ou emprunta aux Babyloniens ?) le fait que 19 années solaires
contiennent 235 lunaisons, et donc qu’à l’issue de ce cycle, les phases de la
lune reviennent pratiquement aux mêmes dates. C’est ce qu’on appelle « le cycle
de Méton ». Cette découverte, a une importance capitale pour la compréhension
des dictons et proverbes du temps. Ces dictons sont liés la plupart du temps
aux fêtes des saints qui sont, elles, à date fixes. Or d’après Méton la lune
n’est pas toujours à la même place aux mêmes dates. Donc les prédictions d’un
dicton ne sont pas valables chaque année. Comme on sait l’influence de la lune,
sur le temps, cette influence sera « tempérée » selon sa position dans le ciel,
selon que la lune est croissante ou décroissante, lune nouvelle, pleine lune ou
vieille lune et que sa courbe dans le ciel est montante ou descendante. D’où l’importance, comme le faisait Monsieur
Jourdain de savoir le calendrier et de connaître quand il y a de la lune ou
quand il n’y en a point !
Depuis
que l'homme s'applique à compter les jours, il a généré plus de 100 calendriers
différents qui sont bien connus des spécialistes. Mais les plus fréquemment et
largement usités sont le calendrier « Julien » qui a été appliqué le plus
largement dans le monde de l’an 46 av JC à 1582, et le calendrier « Grégorien »
depuis cette date. C’est celui qui est la référence la plus sûre de nos jours
car la plus proche de la réalité de la course du temps et des saisons. Les
autres calendriers sont décalés par rapport au temps s’ils se réfèrent
seulement au cycle lunaire, comme le calendrier musulman qui est « hors saison
» parce que le départ du Prophète pour l’exil, « l’hégire », ce qui marque le départ
de l’année musulmane, eut lieu en plein été, le 16 juillet 622 du calendrier
alors en application, à savoir le calendrier julien. Fêter cet anniversaire en
plein hiver est bien hors saison ! Quant aux autres calendriers ils ont des
jours ou des mois de compensation pour rattraper les décalages, comme le
calendrier chinois.
On
ne peut rester qu’en admiration face aux calculs qui au cours des siècles ont
permis d’établir les différents calendriers avec des précisions
extraordinaires, uniquement établies sur des observations alors que nos
techniques modernes et hyper sophistiquées restent encore incapables de prévoir
les grandes catastrophes qui nous ont frappé ici et là ces dernières années.
Mais
si je vous partage mon admiration face aux différents calendriers et à leur
évolution je reste pantois quand je lis qu’une respectable commission
européenne fait une proposition de supprimer purement et simplement le mot «
Noël ». Peut-être faudrait-il communiquer à ses membres ma chronique de l’an
dernier où je rappelais l’étymologie du mot « noël » et son origine liée au
renouveau du jour plus long que la nuit, au soleil qui reprend sa course, aux
jours qui deviennent plus long après le solstice, aux fêtes du Sol Invictus des
romains ? et d’autres croyances préchrétiennes, et bien des syncrétismes.
Peuvent-ils ignorer que la naissance du Christ a d'abord été fêtée au
printemps, puis en janvier pendant les trois premiers siècles de la Chrétienté.
Ainsi, Clément d'Alexandrie, mort vers l'an 220, plaça la Nativité au 18 avril
; d'autres au 25 mars ; Saint Epiphane, mort en 403 au 6 janvier ; La naissance
du Christ à Bethléem fut officiellement fixé en 354 par le pape Libère (ou Liberus)
au 25 décembre qui, à l'époque, était la fête du solstice d'hiver. Le choix du
25 décembre pour Noël traduit pour une église chrétienne qui vient d'être
officialisée religion de l'Empire, une volonté de syncrétisme en associant le
culte païen du Soleil invaincu à la naissance de Jésus. D’ailleurs lorsque le Pape
à Rome imposa le 25 décembre comme date officielle de la venue au monde de
Jésus, les églises d'Orient protestèrent contre cette « superstition », « cette
fête païenne et idolâtre » et refusèrent de la célébrer. Jusqu'au VIe siècle, à
Bethléem et à Jérusalem, la fête de Noël fut célébrée à une autre date que le
25 décembre, le 6 janvier, date qui est restée celle du Noël des Arméniens. Le
6 janvier semble bien être également le symbole d'un syncrétisme avec les
cultes de l’Orient. Cette date correspond pour la Grèce à la fête de Dionysos,
dieu de la vigne et du vin et en Egypte, on célébrait la naissance de l'enfant
de la déesse Isis, incarnation du Soleil renaissant. Les orthodoxes fêtent
aujourd'hui Noël le 7 janvier. Certes c’est pour imager et sublimer tout cela
qu’en l’an 354 les chrétiens ont décidé de fixer la date de la naissance de
Jésus. L’image est trop belle de fêter en ces jours la naissance de Celui qui
apporte la lumière au monde. Un monde nouveau. Laissons donc Noël aux Chrétiens
qui célèbrent en ces jours la naissance de Jésus, et fêtons ensemble le
renouveau, la vie et la lumière, en famille, aux approches du solstice d’hiver
qui sera cette année le 21 décembre (mais le 22 décembre en 2023 !). Et qu’ils
s’occupent de vrais problèmes !
Sur
le registre d’une chronique, comme celle-ci je ne peux m’empêcher de rappeler
deux anecdotes historiques au sujet des calendriers. Elles montrent combien ces
recherches de références communes que sont les calendriers, n’ont pas échappé
aux manipulations perverses. Quand il s’est agi de mettre en application le
calendrier « julien » ceux qui étaient chargé de cela, - on les appelait « les
Pontifes » - mirent toute la mauvaise volonté possible pour ne pas appliquer
les nouvelles règles. Au temps des
Romains les pontifes étaient des prêtres chargés de la bonne observance des
pratiques religieuses et globalement de fixer les dates des fêtes qui allaient
rythmer la vie des romains. Leur nom vient probablement du fait qu’ils étaient
chargés de l'entretien du pont sacré, le pont Sublicius le plus ancien pont de
Rome. Aujourdhui le terme pontife est plutôt lié à la religion chrétienne.
Certes la réforme de Sosigène d’Alexandrie faire à la demande de Jules César
était d’une grande nouveauté et très complexe. Mais elle touchait aux
privilèges de ces pontifes et peut être aussi aux avantages qu’ils pouvaient
tirer de leur position dominante. Ils firent tant et si bien que l’année de la
mise en applications du nouveau calendrier, soit l’an 45 avant JC, dura 445
jours. C’est de tout temps que les
reformes ont été difficiles à mettre en place. Et pas seulement en France !
En
1582 quand le Pape Grégoire fit faire une nouvelle réforme, celle du calendrier
« grégorien », on rencontra des difficultés presque du même ordre. Il
s’agissait d’imprimer le nouveau calendrier conçu par deux savants, Clavius et
Lilio. Grande affaire cette opération d’imprimer le nouveau calendrier !
et rentable ! puisque l’objectif était de bien communiquer les tenants et
aboutissants de la réforme pour arriver à une application la plus large
possible et obtenir un consensus pour faciliter relations et gouvernances. Le
Pape avait concédé au frère de Lilio alors décédé, et à ses héritiers, le
privilège d’imprimer le nouveau calendrier et de le vendre ! La sollicitude
pontificale était allée jusqu’à demander au Roi de France Henri III semblable
privilège pour 10 ans. Mais Antonio Lilio n’était pas un homme pressé. Alors
tout se compliqua. Non seulement selon Kepler, les pays protestants «
préféraient entre en désaccord avec le soleil plutôt que d’être d’accord avec
le Pape de Rome, » - de fait il semblerait que cette citation soit
plutôt de Voltaire - mais on manquait de preuves écrites. Les imprimeurs
français, nantis de nombreux privilèges royaux, attendaient les données pour
les insérer dans les bréviaires et missels qui devaient être publiés pour la
nouvelle année liturgique qui commence avec le temps de l’Avent début décembre.
Ils se plaignirent firent connaître leurs réclamations au Nonce apostolique qui
s’appelait alors Castelli. L’affaire
remonta jusqu’au Pape. Je vous passe les péripéties de l’affaire. Les archives
disposent de tous les échanges de lettre en le Nonce à Paris, le Cardinal Côme
à Rome et Antonio Lilio. Bref, la réforme en France ne fut pas appliquée en
octobre. Les 10 jours de rattrapage qui devaient être effacés du calendrier
entre le 4 et le 15 octobre 1582, pour arriver à une concordance avec le cycle
du soleil ne fut effacés qu’en décembre de cette année- là. C’est ce qui nous vaut
le décalage que j’ai très souvent expliqué avec le dicton de la sainte Luce,
qui de la veille du solstice d’Hiver fit un bon en arrière et se retrouva le 13
décembre. Depuis 1582 les jours n’avancent plus du saut d’une puce le 13
décembre ! Vous pourrez lire utilement les explications que j’ai déjà données
sur ce sujet dans mes précédents chroniques.
Quant
au début de l’année fixé au 1er janvier, cela avait été décidé dès le II
siècle. Mais la mauvaise application des dispositions dériva longtemps, au point
que, constatant de telles disparités selon les provinces qu’il traversait au
cours d’un grand voyage à travers le pays, Charles IX, par l’édit de
Roussillon, en 1564, fixa le début de l’année au 1er janvier. Cette décision
nous a laissé le « poisson d’avril ».
Encore
une tradition qui découle des réformes successives des calendriers. C’est dans
ces occasions de nouvelle année que l’on s’offrait des « étrennes » ou «
cadeaux ». Ce sont là encore deux mots très étroitement liés au temps et
cette chronique se doit d’en expliquer pourquoi. Le terme « étrenne » a une
origine ancienne ; il vient du latin « strena » qui désigne un cadeau d’heureux
présage. C’est un présent que l’on fait plutôt à l’occasion du premier Jour de
l’An. C’est aussi la gratification que l’on donne en fin d’année aux
domestiques et à certains employés. C’est pour cette raison que le mois de
janvier est baptisé : « le mois des concierges ». Étrennes est surtout
utilisé au pluriel. L’origine des étrennes remonterait à l’époque des Sabins.
Encore un héritage de leur part ! Ils avaient coutume au seuil de la nouvelle
année de couper des branches de verveine dans les bois de la déesse Strenia ;
les pauvres en faisaient cadeau aux riches, les serviteurs et maîtres. Après le
rapt des Sabines par les Romains, ceux-ci auraient adopté cet usage en le
développant ; c’est ainsi qu’on aurait ajouté aux branches quelques produits
peu coûteux tels du miel, du gui, du laurier, des branches d’olivier. Alors les
riches romains et les nantis, soucieux d’éblouir leur entourage, auraient
somptueusement rendu ces cadeaux. Puis on offrit des amphores de vin, des
paniers de dattes, de figues ou de légumes, des gâteaux et des fleurs. Pour «
faire mieux et plus joli» on commença à envelopper les fruits d’une feuille
d’or ou bien on échangea des médaillons sur lesquels était inscrit le
traditionnel souhait : « Que l’année nouvelle soit heureuse pour toi ! »
Ensuite vinrent les lampes symboliques en argile décorée. Un grand nombre de
celles-ci ont été retrouvées dans des tombeaux. Au cours des siècles ces
cadeaux, échangés au moment des Saturnales et des Calendes de janvier, sont
devenus de plus en plus importants ; c’est pourquoi l’Eglise avait menacé
d’excommunication ceux qui offriraient des objets trop luxueux et trop chers
pour leurs ressources personnelles. Pour éviter l’application de ces
ordonnances rigoureuses, les Romains se seraient mis à offrir également des
présents aux prélats, aux magistrats et même à l’empereur. Ainsi ceux qui
entendaient abolir la pratique des étrennes en devenaient les premiers
bénéficiaires. Institutionnalisées, les étrennes devinrent donc une taxe
directe dont l’empereur et son administration retirèrent de gros bénéfices.
Le
mot « cadeau » vient lui du latin populaire « capitellus » dérivé de « caput »,
« tête » ; il a désigné la lettre capitale jusqu’au XVIème siècle, puis des
paroles superflues enjolivant un discours, puis un divertissement offert à une
dame et enfin le présent. C’est à la fin du XVIIIème siècle que ce terme a pris
le sens qu’il a aujourd’hui. Le mot « présent » correspond à celui de « cadeau
» mais il ne s’emploie plus aujourd’hui que dans la langue littéraire ou
poétique. Les étrennes du jour de l’an ont presque disparu et les cadeaux nous
amènent à Noël et à la dimension commerciale qui s’est développée autour de
cette habitude, en lien avec l’invention récente du Père Noël. C’est encore
dans les mêmes coutumes ou habitudes ancestrales qu’il faut trouver l’origine
de la galette des Rois. En tirant les Rois en cette fête de l’Epiphanie nous
pensons aux Rois Mages, à la crèche et encore aux cadeaux. En Espagne c’est
encore ce jour-là que l’on fait les cadeaux aux enfants. Or la tradition de la
galette des Rois est une coutume bien plus ancienne qui n’a dans ses origines
rien à voir avec eux. C’est une tradition qui se réfère elle aussi à
l’évolution du temps, à la longueur des jours, et au soleil qui brille chaque
jour un peu plus et qui s’inscrit dans toutes les fêtes qui jalonnent ces jours
autour du solstice d’hiver, où il n’est question que de fêter le triomphe de la
lumière sur la nuit et les ténèbres. Les Romains organisaient à cette période
des saturnales. On y partageait déjà la fève et on désignait ainsi le roi de la
fête. Au Moyen Age ce fut la fête des Fous, devenus la fête des Innocents,
sujette à toute sorte de débordements. Très tôt les chrétiens ont fait de ce
jour la fête chrétienne de l’Epiphanie ! La manifestation de la Lumière du
Monde aux Nations, symbolisée par les Rois Mages. C’est une des
interprétations. Le gâteau partagé à cette occasion, appelé galette, était bien
comme aujourd’hui dans les pays du Nord de la France, un gâteau plat et rond,
symbolisant le soleil qui renaît, (on retrouvera ainsi le même symbolisme avec
les crêpes de la Chandeleur) alors que le gâteau des Rois dans le midi est
plutôt une brioche en forme de couronne qu’on appelle « royaume ».
Que
ce rappel d’origines et de coutumes fort anciennes ne gâche pas notre plaisir,
et fêtons Noël et les Rois sans scrupules. Cela n’a plus rien de païen dans nos
festivités et l’hommage au jour qui triomphe sur la nuit n’est-il pas aussi un
hommage à la création et au Créateur ! Le jour de l’Epiphanie marque souvent le
début de l’hiver, ou au moins une forte reprise du temps froid. « Les hivers
les plus froids, sont ceux qui prennent vers les Rois ». Une journée des
Rois bien ensoleillée est peut-être un bon présage :« Beaux jours aux Rois,
blé jusqu’au toit. » ou encore : « Belle journée aux Rois, l’orge croît
sur les toits. ». « Si le soir du
Jour des Rois, beaucoup d’étoiles tu vois, Tu auras sécheresse en été, et
beaucoup d’œufs au poulailler. » Les différents calendriers, et leur mise
en application, nous ont toujours valu quelques clins d’œil amusants et
j’aurais pu en donner ici d’autres exemples, si je ne craignais de trop
allonger cette chronique. Souhaitons-nous une Bonne Année 2023 quoiqu’il arrive
et souvenons-nous que tous ces mots que je viens d’évoquer, calendrier,
almanach, agenda, étrennes et cadeaux, galette des rois, et tutti quanti, c’est
directement ou indirectement aux différents aménagements des calendriers à
travers les siècles que nous les devons. Quelles que soient les prévisions ou
les promesses, « Vérité dans un temps, erreur dans un autre » écrivait
Montesquieu dans ses Lettres Persanes en 1721, « Il faut donner du temps au
temps » nous dit Cervantès dans son Don Quichotte en 1605. Avec mes vœux
les plus sincères pour ce mois de décembre et redoublons de prudence avec les
virus de toutes sortes qui nous assaillent !
A
Diou sias !
Jean
Mignot
en ce mois de décembre 2022 et en forme
de rappel de choses déjà écrites et pubiées ! Bis repetita !
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