de septembre 2022
« Septembre emporte les ponts ou
tarit les fonts ». Ce vieux dicton de nos Anciens pourrait bien se concrétiser
dans les jours qui viennent selon les prévisions des différents sites de prévisions
météorologiques. On espère autant de la pluie pour ré-alimenter les nappes phréatiques
après ces longs mois de sécheresse, on manifeste même ! – autrefois on faisait
des processions ! maintenant on demande à l’état de faire pleuvoir ou de
compenser ! - qu’on redoute les
inondations relevées si fréquemment en ce mois qui reste pour sa première
quinzaine un plein mois d’été.
Je n’irai pas plus loin dans mes pronostics sur
le temps pour ce mois de septembre.
Par contre je voudrais souligner ce que ce mois
nous rappelle. Au moins en sept points comme le veut son nom pour ce neuvième
mois du calendrier.
D’abord les tentatives de faire coïncider le
cycle des saisons, et donc du soleil, avec un système de mesure du temps, c’est-à-dire
un calendrier. Efforts répétés depuis tant de siècles sans jamais parvenir à un
système figé et définitif. La preuve : la nécessité de temps en temps d’ajouter
un jour supplémentaire pour arriver au bon compte. Ce sont nos années
bissextiles, régies par une règle bien plus complexe qu’on croit le savoir. On retient qu’elles interviennent tous les
quatre ans mais on ne connait moins les exceptions aux calculs complexes qui
confirment la règle. On relira utilement
mes chroniques des années précédentes sur le mois de février. Et d’un !
Septembre nous fait rentrer, avec l’automne qui
arrive, dans le système décimal qui lui vaut son nom et nous rappelle sa place
dans un calendrier annuel de dix mois. Neuvième mois d’une année de douze mois
il a gardé le nom qu’il avait dans le tout premier calendrier romain, appliqué à
la fondation de Rome, en 753 et jusqu’à la réforme de Jules César avec le calendrier
« Julien » en 43 avant JC.
Avec ses compères octobre, novembre et décembre
il nous rappelle les aménagements successifs des calendriers. En abrégé on écrit, surtout en généalogie,
7bre, 8bre,9bre,10bre.
Septembre avec ce retour à un système décimal dans
une année de douze mois est une originalité. Ce faisant, septembre me permet de
rappeler qu’il y a eu en usage et pendant de longues années un autre système de
numération en vigueur au Moyen Âge. On utilisait alors et de façon concomitantes
deux systèmes de numération : la
base dix (système décimal) et la base vingt (système vicésimal) ; septante et
soixante-dix en sont les témoins. Soixante-dix, c'est 60 + 10 ; Quatre-vingts
: c'est 4X20
C'est une survivance : Le système vicésimal (ou
vigésimal) est un système de numération utilisant la base 20. Car on
comptait sur les doigts, mais ceux des mains et ceux des pieds. Imaginez le
tableau ! « compter sur ses doigts ! »
L’origine du système vicésimal est mal connue.
Certains pensent qu'il a une origine pré-indo- européenne, il se serait surtout
répandu au Moyen Âge. Il aurait alors intégré l'ancien français, où on trouvait
ainsi les formes vingt et dix (30), deux vingts (40), deux vingt et dix (50),
trois vingts (60) et bien sûr le célèbre 15x20 de ce grand hôpital parisien.
Au XVIe siècle, on compte encore les arpents sous
la forme sept à huit vingts ou sept vingt dix
Au XVIIIe siècle, sous l'influence de Vaugelas et
de Ménage, l'Académie française et les auteurs de dictionnaires ont adopté les
formes soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix au détriment de septante,
octante, nonante. Les mots septante, octante, nonante figurent dans toutes les
éditions du Dictionnaire de l'Académie française. Encore conseillés par les
Instructions officielles de 1945 pour faciliter l'apprentissage du calcul, ils
restent connus dans l'usage parlé de nombreuses régions de l'Est et du Midi de
la France, ainsi qu'en Acadie. Septante et nonante sont officiels en Belgique
et Suisse romande (avec l'addition de huitante pour la Suisse romande).
Merci septembre de m’aider à faire ce deuxième rappel
Et encore ceci sur le même sujet : un point à
la fois historique et religieux : la « Bible des Septante ». Il
s’agit d’une traduction grecque de la Torah, c'est-à-dire du Pentateuque, qui a
été réalisée à Alexandrie d’Égypte, au IIIe siècle avant notre ère, au temps des
deux premiers Ptolémées. Certains historiens datent cette traduction de 282
avant notre ère. La légende veut qu’elle ait été l’œuvre de soixante-dix
traducteurs d’où le nom de Septante, ou, selon une variante, de soixante-douze
(six de chaque tribu d’Israël). Dans la suite on regroupa sous l’appellation
« Bible des Septante », nous dit l’Encyclopédia Universalis, toutes
les traductions grecques des différents livres de la Bible hébraïque, réalisés
peu à peu par les communautés juives d’Égypte, mais aussi d’autres régions du
Moyen-Orient jusqu’au 1er siècle de notre ère. Ainsi furent intégrés dans la
Bible des Septante, des œuvres écrites dans la seule langue grecque, comme le
livre de la Sagesse.
D’autres traductions sont aujourd’hui plus
fiables et retenues comme plus « officielles ».
Avant de retrouver un nom qui marque son ancienne
place dans le premier calendrier romain qui ne comportait que dix mois,
septembre s‘est appelé un moment Tibérius, puis Germanicus et même Tacitus. Le Sénat
romain aurait voulu reproduire ce qui s’est passé pour Juillet et Août en
baptisant les mois du nom des empereurs, un peu comme les premiers mois ont un
nom lié au dieu auquel ils sont dédié. Avec les deux exceptions qui confirment
la règle pour février et avril ! étaient dédié. Ces innovations motivées
par la flatterie furent sans lendemain. Ouf ! car Néron aurait bien voulu
lui aussi avoir un mois portant son nom. Septembre a prévalu, nous rappelant
ainsi ces réformes du calendrier. Troisième point.
Avec le calendrier révolutionnaire septembre
était devenu Vendémiaire, mois des vendanges et des récoltes mais aussi mois du
début de l’année. Nous avons appris dans nos livres d’histoire que le nom de ce
mois, comme pour les autres mois du calendrier républicain, était dû à Philippe
François Nazaire Fabre, natif de Carcassonne, qui se faisait appeler Fabre d’Eglantine
parce qu’il prétendait avoir gagné un prix aux fameux Jeux Floraux de Toulouse,
pour un poème dédié à la Vierge Marie. Il est l’auteur du si célèbre mais si
peu inspiré « Il pleut, il pleut bergère » chansonnette qui s’est
d’abord appelée : « Retour des champs ». Le véritable père du calendrier
républicain c’est le mathématicien Gilbert Romme, un conventionnel auvergnat,
proche de notre conventionnel d’Uzès, l’avocat Jean Henri Voulland. Ils
siégeaient tous deux à « La Montagne ».
On ne disait pas encore la droite ou la gauche, et Romme siégeait même à « la
Crête », c'est-à-dire à l’extrême gauche ! Avec une équipe d’astronomes, Romme fit
établir de savantes études pour mettre en place ce calendrier qui eut une
existence si courte si on compare sa durée avec notre calendrier actuel qui
repose lui, des calculs savants et précis qui remontent pour la plupart à plus
haute antiquité. Voulland, lui, devait jouer un rôle assez important à la
Convention et il en fut même pour un court mois de décembre 1793, président.
C’est qu’en tant que membre du comité de Sûreté Générale, chargé d’appliquer «
la terreur » que Voulland est un des signataires de l’acte d’arrestation de
Danton et de ses congénères, dont entre autres, Fabre d’Eglantine. Il a donc un
lien indirect avec le calendrier ! Ce
sera mon quatrième point.
Voulland échappa de justesse à la guillotine et
eut une fin misérable à Paris. Clin d’œil comique de l’histoire, sa toute
petite rue à Uzès est le siège d’une entreprise Concept-Sécurité pour garantir
la sûreté des maisons. Si je parle de Voulland, c’est que même à Uzès il reste
assez inconnu, bien qu’il ait une rue à son nom. Aucune indication pour nous
rappeler qui il est, pas plus que pour les autres personnages célèbres qui ont
« plaque sur rue » dans notre ville.
Mais on a un peu oublié pourquoi le début de l’année
du calendrier révolutionnaire a été fixé à la date du 22 septembre. Non ce n’est
pas à cause du début de l’automne, qui d’ailleurs en 1792 était le 22 septembre.
En effet la décision capitale de ce 21 septembre 1792 au
matin, se passe à la Convention nationale qui se réunit d'abord
au château des Tuileries à Paris, puis se
transporte à la salle du Manège, lieu des séances de l'Assemblée législative. Les députés approuvent à l'unanimité la proposition de loi de
l'abbé Grégoire « La
Convention nationale décrète que la royauté est abolie en France »,
sous les acclamations prolongées de joie du public et des cris de Vive
la Nation ! Ce vote intervient la veille du troisième anniversaire de
l'adoption du premier article de la Constitution de 1789 « Le gouvernement français est monarchique ; il n'y a
point en France d'autorité supérieure à la Loi ; le Roi ne règne que par
elle ; et ce n'est qu'en vertu des Lois qu'il peut exiger de l'obéissance ». Le lendemain, lors de la séance du matin, la
Convention décrète que tous les actes publics à compter du 22 septembre porteront
dorénavant la date de l'an premier de la République française. Il se trouve que
ce jour fut également le jour de l'équinoxe d'automne l'Observatoire de Paris. Profitant de ce hasard,
les révolutionnaires ont ultérieurement associé cet événement avec le début de
l'ère républicaine. Ce n’est donc pas pour une
question de concordance avec les saisons que la république a commencé à cette
date, comme pourrait le laisser penser le calendrier révolutionnaire si marqué
dans le nom des mois lié étroitement au temps qu’il fait. Cinquième point
Septembre reste le mois de la rentrée, scolaire
mais aussi politique. On va voir ce qu’on va voir ! Avec cette fois le risque
vu la conjoncture qu’on se fasse bien raser, et pas gratis !
Le temps n’est plus aux vacances et au bronzage.
La Peine Lune d’août le 12 août a initié un changement de temps un peu partout
et la Nouvelle Lune le 27 août a ouvert une période d’instabilité qui pourrait
venir justifier ce vieux dicton de nos Anciens « Septembre emporte les ponts
ou tarit les fonts », preuve que s’ils ont écrit ce dicton c’est sur
la base d’observations répétées sur le temps qu’il fait en ces périodes.
Sixième point.
Septembre est le mois des grandes foires qui
étaient l’occasion d’acheter des vêtements avec le bénéfice de la vente des
produits des champs. Vous en connaissez sans doute de célèbres près de chez vous.
A Uzès la foire de la saint Firmin, qu’on vient de supprimer ; au Vigan la
foire du 9 et celle du 22, ; à Nîmes la foire de la saint Michel avec le
triste souvenir du massacre des catholiques par les protestants, cinq ans avant
la saint Barthélémy : « la Michelade ».
Ces foires étaient l’occasion rêvée pour préparer,
entre fermiers et ouvriers agricoles, les engagements réciproques pour l’année
à venir. Celui qui alors quittait sa place, peut-être parce qu’il était mécontent
de ses conditions de travail courait le risque de ne rien retrouver : « le jour de la saint Lambert, qui quitte sa
place la perd. » C’était le jour de la saint Michel que prenaient
fin traditionnellement les baux de fermage.
La saint Michel marque les derniers jours de
chaleur : « A la saint Michel, la chaleur monte au ciel. ». C’est
le dernier délai pour le départ des hirondelles : « A la
saint Michel, départ des hirondelles ! » Et si ces hirondelles se sont attardées jusqu’à
cette date c’est parce qu’il peut faire encore très beau : « Quand l’hirondelle voit la saint Michel,
L’hiver ne viendra qu’à Noël ! »
Il est temps enfin
d’espérer ces pluies d’automne que l’on redoute pourtant…
« Quand l’aoubo de san Miqueou est tapado, ploou quaranto jour e pie
uno pasado ; » « Quand l’aube de la saint Michel est couverte,
il pleut quarante jours et plus encore… !! » ; « Lei pluio de
san Miqueou, Soun jamaï restado au ceou » (Les pluies
de saint Michel, ne sont jamais restées au ciel…)
Ce sera le septième point et rappel pour cette
chronique.
Les jours deviennent plus courts. Il faut le soir
allumer la lampe à huile, « lou caleu »
« A la saint Lou, la lampe au clou ». Saint Loup ou saint Leu fêtés le
1er septembre, sont au moins trois à avoir porté ce nom et ils ont été
populaires durant tout le Moyen-Âge.
La lune montante jusqu’au 18 septembre avec un
passage à la Pleine Lune le 10 pourrait marquer la dégradation du temps
annoncée. C’est d’ailleurs les 11,12 et 13 septembre que sont annoncés les
coefficients de marée au-dessus de 100. Dans une courbe descendante après le 18
la Lune nous entraine vers l’automne, qui aura lieu le 23 septembre, à 1h03
dans la nuit, donc peu après le 22. On pense toujours que l’équinoxe est le 21
septembre or sous réserve de vérification cela ne s’est jamais produit depuis la
mise en place du calendrier « grégorien » et la prochaine fois
ce sera en 2092. A noter !
Nous pourrons penser à aller cueillir des champignons.
Il vaudra mieux attendre le 5 ème jour après la nouvelle lune car alors ils
seront tendres et charnus. Nous serons alors dans le 10 ème mois de notre année
« grégorienne » 8ème seulement du premier calendrier
romain.
Bon automne, Bonne rentrée, bon travail !
A Diou sias.
Jean Mignot
En ce trente et un du mois d’août de l’an
2022