mardi 2 août 2022

à propos du mois d'août 2022 et de son accent circonflexe...

 

du mois d’août 2022 et de son accent

 

Voici que s’ouvre le mois d’août, un mois avec l’accent, un accent circonflexe qui lui donne de la tonalité, alors que la période de canicule qui continue de sévir aurait plutôt tendance à nous ramollir !

L'accent circonflexe (du latin circumflexus, « fléchi autour ») est un diacritique de l'alphabet latin hérité de l'accent circonflexe grec. Un signe diacritique ou diacritique (nom masculin), est un élément adjoint à une lettre d'un alphabet pour en modifier la valeur ou pour distinguer des mots homographes, c’est-à-dire des mots qui ont même orthographe. Des homonymes qui s'écrivent, se prononcent ou non de la même manière, mais n'ont pas le même sens. Par exemple : « Les poules du couvent couvent ». À ne pas confondre avec des mots homophones, c’est-à-dire des mots qui se prononcent de la même manière mais n'ont ni le même sens ni la même orthographe. On se souvient des sketches de Raymond Devos.

Les mots ont une sonorité notamment à cause des consonnes qu’on omet souvent de prononcer. Souvenons-nous de la leçon de Monsieur Jourdain et de son maître de philosophie « il faut commencer selon l’ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j’ai à vous dire, que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles, parce qu’elles expriment les voix ; et en consonnes, ainsi appelées consonnes, parce qu’elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer les diverses articulations des voix. »

Je peste par exemple après ceux qui faisant des lectures publiques dans nos édifices religieux, prononcent : « Jésus Cri » alors que Jésus « Christ » c’est bien autre chose qu’une voix qui crie dans le désert !

Août avec son accent c’est un peu tout cela. Si cet accent se perd comme le préconisent les auteurs de la réforme de l’orthographe avec parmi eux d’éminents académiciens dont le rôle est bien pourtant de maintenir notre langue, août va devenir comme bien des choses en ce moment, un mois sans caractère.

Un accent circonflexe, c’est, graphiquement, la réunion d'un accent aigu et d'un accent grave. Il fait ses premières apparitions dans les langues modernes en français au XVI e siècle.

C'est le grec ancien, tel que typographié à l'époque (et encore maintenant pour l'essentiel), qui lui a fourni ce diacritique, constitué simplement de la réunion d'un accent aigu et d'un grave. Il semble que l’anatomiste et grammairien Jacques Dubois, dit Sylvius, soit le premier à l'avoir importé bien qu'il ait écrit en latin.

Ne pas confondre ce Jacques Dubois avec un autres Jacques Dubois célèbre, ébéniste et spécialiste de la laque qui vivait pendant le règne de Louis XV.

Jacques Dubois, est un linguiste et grammairien né en 1489 à Lœuilly près d'Amiens d'où son pseudonyme Jacobus Sylvius Ambianus. Il fut avant tout médecin, traducteur et commentateur d'Hippocrate et de Galien. Il étudie également la linguistique, la grammaire et les mathématiques à Paris. Il commence sa carrière en enseignant le latin et le grec. Grammairien, il entreprit de calquer la graphie française sur l'étymologie latine; ainsi en 1531, il édite  chez Robert Estienne un ouvrage intitulé "Introduction à la langue française suivie d'une grammaire », dont le texte original est en latin. Il s'agit d'un glossaire décrivant l'évolution du latin au français suivi d'une grammaire française en latin qui est la première grammaire de la langue française publiée en France. Sa grammaire est un événement isolé dans sa carrière, sorte de cadeau de mariage à la reine Éléonore d'Autriche (1498-1558), sœur de Charles-Quint, que vient d'épouser François 1er le 5 août 1530, et qui ne connaît pas le français. Il a également laissé des poèmes latins.

Les médecins le connaissent notamment pour sa pratique l'anatomie qu’il a fait évoluer avec un tel succès qu’on disait « Qu'il ne pouvait trouver personne en Europe qui pût l'égaler »

D’autres grammairiens ont tenté de donner à l’accent circonflexe, un rôle dans l’orthographe, rôle qu'il n'a pas forcément conservé. Il faut en effet attendre le XVIII siècle pour que son utilisation soit normalisée et devienne proche de celle qu'on lui donne aujourd'hui.

Etienne Dolet dont on ne sait s’il doit être classé parmi les représentants du protestantisme ou parmi les défenseurs d’un rationalisme antichrétien et aussi un grammairien qui a publié en 1540 « Manière de bien traduire d'une langue en aultre : d'aduantage de la punctuation de la langue Francoyse, plus des accents d'ycelle », a ait du circonflexe la marque des phonèmes amuïs : c'est bien une des principales fonctions actuelles de ce diacritique en français...

Il conclut lui-même « Ce ſont les preceptions [préceptes], que tu garderas quant aux accents de la langue Francoyse. Leſquels auſsi obſerueront tous diligents Imprimeurs : car telles choſes enrichiſſent fort l'impreſsion, & demõſtrent [démontrent], que ne faiſons rien par ignorance.

Ami de Rabelais et de Marot, l'écrivain et imprimeur lyonnais Étienne Dolet est exécuté le 3 août 1546, place Maubert à Paris, pour trois petits mots de trop. Trois mots qu'il rajoute à la traduction d'un discours de Socrate. Celui-ci, s'adressant en grec à son ami Axiochus, prononce la phrase suivante : "... Et si tu mourais, elle (la mort,) ne serait pas davantage pour toi, puisque tu ne serais plus rien." Pour insister, Dolet traduit cette phrase par : "... Et si tu mourais, elle ne serait pas davantage pour toi, puisque tu ne serais plus rien du tout."

Ce rajout fut le prétexte utilisé par l'Inquisition pour se débarrasser de cette grande gueule, ami de Rabelais.

Pour le tribunal inquisitorial, ce "rien du tout" équivaut à une négation blasphématoire de l'immortalité de l'âme. Cela fait de lui un hérétique bon à être jeté dans un bûcher. Il aurait composé ce pentamètre sur le chemin du bûcher : « Non dolet ipse Dolet, sed pia turba dolet » (Ce n’est pas Dolet lui-même qui s’afflige, mais la multitude vertueuse » 

Aujourd’hui l’accent circonflexe donne surtout une indication du timbre des voyelles

Mais avec août on est sur une toute autre explication ou justification car si l’accent de notre mois remplace bien une lettre il est surtout justifié par l’origine historique du mot, histoire qui pour une simple justification de simplifications risque de disparaître.

En effet la « réforme » préconise que l’accent circonflexe sur les voyelles « a », « e » et « o » et sur « i » et « u » n'est plus obligatoire sauf lorsque cela crée de la confusion.

Établir de nouvelles règles et simplifier l’orthographe est un objectif respectable et nécessaire. Mais nous voyons bien que l’accent circonflexe d’août se situe à un autre niveau. Et puis il y a bien des exceptions à la règle, Août pourrait-être de celles-là !

Pour moi août ne peut être victime de cet « amuïssement » c’est à dire de ce phénomène qui dénature totalement l’origine du mot, entraîne une atténuation ou, le plus souvent en une disparition complète d'un phonème ou d'une syllabe dans un mot.

Août est un mois qui a beaucoup de caractère avec son accent chargé d’histoire ! accent qui rappelle le « s » et le « t » de son origine, Auguste. Cet accent est le rappel de son étymologie. L’historien Flavius Macrobius Ambrosius Théodosius, plus connu sous le nom de Macrobe, né en 370 ap JC en Numidie, dans un de ces trois royaumes qui se partageaient l’Afrique du Nord berbère ( N’a-t-on pas un peu trop tendance à effacer ce qui s’est passé dans ces régions avant l’an 622 ! ) , et Lucius Cassius Dio, dit Dio, né en Bythinie, pas loin de Nicée, nous ont laissé le récit de la décision du Sénat romain baptisant le  sixième mois de l’année du nom de Caius Octavius Thurinus, Imperator  Caesar Divi Filius Augustus, dont on n’a retenu que le qualificatif Auguste.

Ces historiens sont qualifiés de « passeurs de témoins ».

Il s’agissait, en vertu d’un Sénatus-Consulte, de rendre hommage aux principaux événements de la vie d'Auguste, tels que son premier consulat, ses trois triomphes, la conquête d'Égypte, la fin des guerres civiles, accomplis dans le cours du huitième mois de l'année. Cela se passait en l’An 8 avant JC.

C'est ainsi que pour avoir autant de jours dans le mois qui porte son nom que dans celui qui porte le nom de Jules César, (Julius mensis, « juillet ») on amputa février d’un jour puisque lui il n’avait été créé que pour arriver à un bon compte sur la durée de la course du soleil. Août nous rappelle aussi cela dans le déroulement de notre calendrier encore actuellement

La seule trace de cette origine est cet accent circonflexe que ces Messieurs du quai de Conti voudraient faire disparaître, en ignorant ce fait historique que nous rappelle ce petit signe : un accent circonflexe ! Sauvegardons l’accent du mois d’août avec nos amis d’Espagne qui continuent d’appeler ce mois « agosto » et ceux d’outre-Manche qui écrivent « August » et de bien d’autres pays !

J’ai rappelé l’an dernier dans pareille chronique, les consignes du dictionnaire de Littré, La Fontaine et son : « Je vous paîrai, lui dit-elle, avant Oût, foi d’animal » ; Madame de Sévigné qui écrivait le mois d’out ; Voltaire dans l’avertissement de Zaïre qui recommande de prononcer « oût » et écrivait à la marquise du Deffand : « A Ferney 19 Auguste, car il est trop barbare d'écrire août et de prononcer « ou ».

La prononciation « a-ou » reparaît à partir du XIX e siècle chez les orateurs démocrates et chez les poètes comme Sainte-Beuve, V. Hugo et H. de Régnier mais on serait, parait-il, dans la vraie tradition française en prononçant toujours et uniquement « ou ».

Ceci est d’autant plus étonnant que d’autres mots dérivent de ce nom comme « aoûtat » pour cet acarien qui provoque des démangeaisons et allergies à cette période, et « aoûtien » qui désigne une personne prenant des vacances en août.. Faudra-t-il un jour modifier ces noms-là ? Et quid de l’aoutage et d’un bois aoûté, quand vers la fin juillet les rameaux des plantes se durcissent pour prendre l’aspect du bois. C'est la lignification ou aoûtement, période si propice pour greffer.

C’est sûr, comme le rapporte Ménage, qu’on peut, avec le Président de Bellièvre, « s’imaginer entendre miauler les chats quand les Procureurs, à l’audience, disent que l’affaire est reportée à la mi-août ! ».

Avec la canicule ambiante suivons les conseils de ce dicton ancien : « Entre juillet et août, le boire est de bon goût ! » de l’eau bien sûr !

Voila ! « Il est temps de faire l’août. » dit-on parfois

 

« Je suis Aoust auquel nul grand loysir

ne doit prendre ne séjourner,

mais faucher, fener par plaisir,

mettre en grange, battre et venner »

 

nous dit le Grand Calendrier des Bergers de Guiot-Marchand en 1496.

Et surtout ne cédons pas à l’uniformité signe d’ennui et gardons notre accent circonflexe et toute la tonalité qu’il signifie, dans un temps où se perdent les notions d’orthographe notamment à cause du langage automatisé des sms et autres compositions automatiques que nous imposent les logiciels de nos portables.

Bon mois d’août. Addissias

 

Jean Mignot le 2 août 2022

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