En la Veille de la Saint Nicolas 2023
Ce soir en revenant d’Uzès, sur la route toute droite qui me ramène à Cruviers, juste après le rond-point dit désormais « de Mayac », vous savez : ce fameux rond-point pourtant si utile mais qui gâche à jamais la belle perspective de cette belle route toute droite bordée de platanes centenaires, juste à la hauteur où s’élèvent sur le côté, un collège, un gymnase et un lotissement dont la couleur des murs blanche surprend dans un pays où tout est ocre, doré par le soleil, j’ai rencontré un vieux monsieur avec son âne qui marchait péniblement vers la cité ducale, emmitouflé sous une grande cape pour se protéger du « mistral » qui a balayé les nuages amenés hier par le « marin ».
La
« foire aux mulets » qui avait lieu au Portalet , près de la
Fontaine des Abreuvoirs, au mois de novembre, ayant désormais disparu de nos calendriers
je me demandais qui était ce retardataire. Curieux je me suis approché.
« Bonsoir
Monsieur ! » L’homme releva
la tête. « Oh !..euh ! pardon ! - sous sa grande cape et sa capuche, je venais de découvrir un vieux monsieur barbu, vêtu tout de rouge et blanc, avec une mitre sur la tête- Bonsoir Monsieur Saint
Nicolas ! » C’était en effet saint Nicolas ! Eh oui, demain c’est sa
fête. Il m’expliqua qu’il allait à Uzès, pour voir s’il aurait plus de chance
dans ce pays de « parpaillots » que dans son Nord d’origine, car les
médias ayant fait leur travail de désinformation avec la fête d’Halloween, et
le pères « Noël » vert ou rouge pullulant ici et là à grand renfort
de décorations et autres, sa réputation en avait pris un sacré coup. Même la
télévision nationale n’a pas parlé de lui ce soir !
Peut-être
qu’à Uzès, « premier duché » de France, ancien évêché… « Tout
se perd mon brave Monsieur, tout se perd.. peut-être qu’à Uzès.. pays de
tradition, secteur « sauvegardé ».. peut être que ».. !
Après
notre court échange, le saint homme a repris son chemin sur la montée de
Mayac., poussé par le vent.
J’ai
cru l’entendre parler. A qui diable (sic !) parlait-il puisque il
était seul ? et en tendant l’oreille, j’ai même entendu une voix qui lui
répondait. Si, si je vous assure !
Intrigué,
j’ai fait un demi-tour avec ma trottinette et je me suis approché le plus
possible, discrètement. Saint Nicolas dialoguait avec son âne !
Grâce
aux techniques modernes et à mon téléphone portable aux multiples fonctions
j’ai pu enregistrer, avec son autorisation, ce dialogue.
Le
Vénérable évêque a bien voulu m’en autoriser la diffusion. Il a même paru assez
satisfait de savoir, que par mon intermédiaire, ses paroles parviendraient aux
oreilles de quelques-uns. « Ce sera toujours ça de pris »
dit-il !
Enfonçant mon bonnet sur mes oreilles, je
suis vite reparti sur ma trottinette pour vous diffuser sans tarder ce
document. Mais n’avais-je pas rêvé ? J’ai freiné, suis reparti en arrière…
plus rien sur la route à l’horizon. Il avait disparu. Il ne me reste plus que
ce texte que je viens de m’empresser de retranscrire à votre
intention :
«- St Nicolas : Mon bon âne vous m’inquiétez. Vos oreilles ne sont plus vers le
ciel dressées et votre poil est tout hérissé. Votre santé serait-elle
affectée ? votre picotin serait-il diminué ?
-L’âne : Je
n’ai plus faim. Je n’ai plus goût à rien.
-St Nicolas : Et
peut-on connaître, cher âne, la cause de ces langueurs ? Auriez-vous
quelque chagrin ? M’auriez-vous caché quelque souci ?
-L’âne : Il
s’agit, Monseigneur, de ce que vous ne devinez pas ce qui se dit autour de
vous. Je sais bien, Monseigneur, que vous ne pouvez pas comme vos collègues
d’en bas vous présenter en clergyman bien que cette tenue redevienne à la mode
avec nos jeunes curés plus que jamais traditionalies. Ce ne serait plus vous.
Mais avec votre haute taille, votre mitre dorée et votre crosse tapant sur le
macadam, vous ne pouvez pas écouter ce que les gens disent. Tandis que moi qui
trottine à leur niveau, j’entends très bien ce qu’on raconte aujourd’hui sur
notre compte à nous deux.
-St Nicolas :
Ah ! et qu’est-ce que nos pieux fidèles racontent ?
-L’âne :
D’abord, ils ne sont plus ni pieux ni fidèles. Ensuite, sauf votre respect,
Monseigneur, ils racontent une énormité : Ils prétendent avoir lu dans les
journaux que sur la liste des Saints, votre nom- je vous demande pardon- aurait
été rayé.
-St Nicolas : Mon
bon âne, vous avez mal lu votre journal. Le calendrier liturgique revu et
corrigé depuis Vatican II comportait en
effet de gros changements. Mais pas celui-là.
-L’âne : Eh
depuis quand donc ces changements ?
-St Nicolas :
Depuis un décret signé le 14 février 1969 à Rome par notre bon Pape Paul VI,
mais dont beaucoup de journalistes ont parlé sans jamais l’avoir lu.
-L’âne : Et
qu’est-ce qu’il y avait dans ce décret ?
-St Nicolas : Dans
ce décret, il y avait des dégagements, des regroupements, des déménagements, et
hélas, des enterrements.
-L’âne :,
Monseigneur, qu’est-ce que vous entendez par dégagements ?
-St Nicolas :
C’est expliqué par un texte du Concile : « Pour que les fêtes des
saints ne l’emportent pas sur les fêtes qui célèbrent les mystères mêmes du
salut, le plus grand nombre d’entre elles seront laissées à la célébration de
chaque église, nation ou famille religieuse particulière. »
Ainsi du mois de Mai qui comportait
jusqu’à 22 fêtes de saints obligatoires, on en a « dégagé » 17, y
compris nos célèbres « Saints de Glace » Pancrace, Servais et Mamert
ont disparu, bien que Mamert, évêque de Vienne, soit à l’origine des fameuses
prières des Rogations qui ont été remise dans l’actualité à cause de nos périodes
de sécheresse. Certes on y gagné la Sainte Estelle qui tient tant à nos félibres.
Mais cette réforme à permis de bien mettre en valeur le temps de l’Ascension et
de la Pentecôte.
-L’âne : Ca je comprends. Mais, Monseigneur, que voulez-vous dire par
« regroupements » ?
-St Nicolas : Mon
âne, vous avez lu dans les journaux que St Gobain et Pont à Mousson se
« regroupaient » , tout comme Francetélécom, Veolia et bien d’autres.
Cette méthode de concentration
industrielle, l’Eglise l’applique désormais dans son calendrier. Ainsi par
exemple, Michel, Gabriel, et Raphaël, les trois archanges, sont regroupés dans
un seul jour de fête unique : le 29 septembre par la fête de Archanges.
-L’âne : Et
qu’entendez-vous par « déménagements » ?
-St Nicolas : Il y
a les déménagements proprement dits par souci historique. Ainsi Saint Vincent
de Paul étant mort le 26 septembre 1660, on le fête désormais ce jour-là
exactement et non plus le 19 juillet comme jadis.
Mais il y a surtout des aménagements par
souci géographique. Si au IV e siècle, l’Eglise était localisée autour de la
seule Méditerranée, aujourd’hui elle doit être partout. On laisse donc aux
Eglises d’Asie ou d’Afrique le soin d’honorer leurs saints en priorité sur les
saints latins du Moyen Age. Bien entendu les fêtes de la Sainte Vierge ou de
Saint Pierre restent immuables partout. Ainsi de nouveaux saints sont apparus
dans nos calendriers. Y compris des noms curieux sur les calendriers du
facteur. D’ailleurs désormais nos chaines de télévision ne disent plus
désormais, demain « nous fêtons la saint… » C’est une adaptation à l’actualité, au titre d’un
soit respect de la laïcité !
-L’âne : Et
vous ne parlez pas des « enterrements ».
-St Nicolas :
Hélas, il faut bien aborder ce pénible sujet. J’avais d’ailleurs depuis
longtemps quelques appréhensions. Si mes parcours célestes me donnent la joie
de fréquenter mes compagnons d’auréoles, j’étais par contre étonné de ne jamais
rencontrer celui que les humains appellent Saint Christophe, par exemple.
Or, sur Christophe fêté en juillet ou sur
Catherine d’Alexandrie, dont on parle surtout à cause des plantes et arbres qui
prennent plus facilement racine après le 25 novembre, on ne possède pas vraiment
de document historique ; « Ils ont été supprimés du calendrier
général. L’Eglise a estimé que le peuple chrétien ne peut être invité à une
prière officielle que dans la vérité »
-L’âne : Et
nous alors ?
-St Nicolas :
Nicolas est maintenu au nouveau Calendrier Romain Général. Seulement, je rentre
dans la catégorie des saints « localisés », c'est-à-dire que mon
culte n’est obligatoire que dans les régions qui me sont depuis toujours
fidèles, la Lorraine par exemple.
-L’âne : Et
Rome alors, nous n’irons plus à Rome ?
-St Nicolas : Si
cher âne. Vous savez bien qu’à deux pas de la magnifique Place Navone, nous
sommes attendus à l’Eglise Saint Nicolas des Lorrains.
Et notre tournée de Décembre se
terminera en cette chapelle traditionnelle près une visite à la
« Befana » des enfants romains.
-L’âne : Et
le Père Noël ?
-St Nicolas : Cher
âne, le Père Noël, sans origine historique, sans aucune base religieuse est
mort et enterré. Mais moi, avec les prisonniers que j’ai délivrés, avec les
enfants que j’ai sauvés, avec mes sanctuaires d’Asie Mineure et d’Italie et de
Rhénanie, je suis vivant et survivant. Aussi mon cher âne, n’écoute plus ces
porteurs de faux bruits.
-L’âne : Je
leur dirai que ce sont des âneries.
-St Nicolas : Je ne te le fais pas dire. Amen »
Une partie de ce texte est une parodie, en forme de clin d’œil d’un texte de Jean Rodhain qui fut mon « patron » et a été publié après sa mort, dans « Derniers Messages ».
En mémoire de quelques saint
disparus du calendrier, et de quelques traditions qui se perdent, pour votre
plaisir et le mien, en guise d’introduction aux prochaines fêtes de
Noël !.
Bonne Saint Nicolas 2023
5 décembre 2023