vendredi 31 mars 2023

d'avril 2023 et de son poisson

 

Du poisson d’avril

Notre « poisson d’avril » doit-il son origine à une pandémie ? En 1564 Catherine de Médicis fait entreprendre au jeune Charles IX (1550-1574) un grand Tour de France de près de 4000 km, beaucoup plus que le Tour de France actuel dont on se demande ce qu’il a de tour de France ! L’objectif est de restaurer l'autorité royale et forger l’unité du royaume et de renforcer les liens de fidélité à l’égard de la monarchie, en montrant le petit roi de 14 ans et les petits princes (le prince Henri (13 ans) duc d'Orléans futur roi de Pologne puis Henri III, le prince François de France (9 ans), futur duc d'Anjou et la princesse Marguerite (11ans) la fameuse Reine Margot épouse d’Henri IV). Le pays sort de la première guerre de religion et on veut tenter de réconcilier les protestants et les catholiques et faire appliquer les édits de paix. Au passage on veut tenter de réconcilier les maisons de Guise et de Montmorency. On tentera de rencontrer les souverains des pays voisins à qui appartiennent des régions devenues bien plus tard françaises, la Lorraine, la Savoie, le comté de Nice, le Roussillon et les Flandres entre-autres. Souvenons-nous que ni la Michelade à Nîmes (1567) ni la Saint Barthélémy (1572) n'ont eu lieu.

Comme on dirait aujourd’hui Catherine ne lésine pas sur les moyens ! La Cour forte d’environ 15000 personnes prend la route en deux cortèges séparés, celui du Roi et celui de la Reine Mère. On est en janvier 1564. Il y a escorte militaire, personnel du gouvernement, domestiques portant les meubles (tapisseries et coffres…), des princes et des ambassadeurs mais aussi des artisans. À chaque étape, il y avait une véritable course au logement. Dans les grandes villes, le roi dort à l'hôtel du plus riche bourgeois (celui-ci devant se loger ailleurs), mais il lui est arrivé plusieurs fois de dormir dans des auberges. Se loger était en effet un véritable problème, car le voyage comprenait plusieurs milliers de personnes. Les grands seigneurs de la cour avaient chacun leurs agents. Je vous épargnerai le récit de cette grande balade et je n’évoquerai que quelques étapes. Elles sont pour le Roi et ses ministres, une occasion de voir vivre le pays et de faire des constats pour en tirer des leçons et décisions. Il y en a qui ont tenté de faire pareil il n’y a pas si longtemps que ça et on attend toujours les leçons qu ils en ont tiré et la concrétisation des promesses !

Le cortège royal parti le 24 janvier de Fontainebleau arrive à Lyon le 9 juin. Mais le séjour est interrompu par une épidémie de peste. Notons au passage que c’est une autre épidémie plus violente que celle-ci, en 1628, qui sera à l’origine de la Fête des Lumières à Lyon le 8 décembre chaque année. Cette peste de 1564 arrive de l’Italie. La Cour doit chercher refuge hors de Lyon. Le Roi et ses ministres sont accueillis 50 km plus bas à Roussillon, dans le beau château renaissance d’inspiration italienne, construit pour le Cardinal François de Tournon (1489 -1562), fameux diplomate et ministre au service de François Ier (Ne pas confondre Roussillon en Dauphiné avec le petit village de Château-Roussillon près de Perpignan !) Pendant 29 jours, du 17 juillet au 15 août, au milieu des fêtes et réjouissances, on s’occupe. Catherine de Médicis et ses conseillers, notamment Michel de l’Hospital et Sébastien de l’Aubespine reformulent des articles de l’édit de Saint Germain, édit que le Parlement de Paris avait refusé d’enregistrer. Les édits tentaient de jeter les bases d’une administration moderne, mais tous limitaient le pouvoir des notables, des parlements et de l’église au bénéfice du Roi et de la centralisation. Il ne faut pas oublier que le pays venait de vivre la première guerre de religion. C’est dans ce contexte, et de façon tout à fait accessoire, alors que tous les articles de l’édit concernent la justice et la police du Royaume, qu’on ajoute un article 39 qui établit que désormais l’année commencerait le 1er janvier.

On avait en effet constaté au cours des étapes déjà accomplies, de grandes disparités sur la date de début de l’année. Le diocèse de Lyon faisait débuter l’année à Noël, ainsi qu’en Poitou et en Normandie, mais à Vienne, tout à côté, l’année commençait le 25 mars pour la fête chrétienne de l’Annonciation. Dans d’autres endroits le début de l’an était le 1er mars comme chez les Romains ; ailleurs c’était à Pâques, avec toutes les conséquences sur les fêtes mobiles comme encore aujourd’hui.

Jusque-là, pour être le plus clair possible dans la rédaction des actes d’état-civil, il fallait donner plusieurs références comme par exemple cet extrait de la généalogie des rois de France de Bouchet en 1506 : « Charles VII alla à trépas au chasteau d’Amboise le (samedi) 7 avril 1497 avant Pâques ( le 15 avril cette année-là), à compter l’année à la feste de Pasques ainsi qu’on le fait à Paris, et en 1498 à commencer à l’Annonciation de Nostre Dame ainsi qu’on le fait en Aquitaine » Vrai casse-tête pour les historiens ! On est encore sous le calendrier « Julien ». La réforme du calendrier dite grégorienne n’interviendra que en 1582 sous le règne d’Henri III. 1564 est une année bissextile. Pâques est célébrée le 2 avril cette année-là.

C’est dans la logique de cet édit de Saint Germain qu’il fallait encore faire valider par le Parlement, qu’on ajoute ce dernier article qui est probablement à l’origine du Poisson d’Avril. : « Voulons et ordonnons qu’en tous actes, registres, instruments, contrats, ordonnances, édicts, tant patentes que missives, et toute escripture privé, l’année commence doresénavant et soit comptée du premier jour de ce mois de janvier. Donné à Roussillon, le neufiesme jour d’aoust, l’an de grâce mil cinq cens soixante-quatre. Et de notre règne le quatrième. Ansi signé : » le Roy en son Conseil » Sébastin de l’Aubespine. »

On ne peut pas vraiment dire, vu son âge, que c’est à Charles IX qu’on doit cette décision. Il serait plus juste de dire que c’est une décision prise «  sous le règne de Charles IX ». De même il est faux de dire que cette décision est intervenue le 1er avril 1564 et que donc cette année-là fut plus courte. En règle de droit, les décisions sont rarement rétroactives. L’édit a été signé le 9 août 1564. Je tiens à préciser cela car il y quantité d’articles sur internet venant de sources pourtant sérieuses, qui véhiculent cette erreur.

Je fais remarquer au passage le rôle du Parlement. Les parlements étaient investis du pouvoir de contrôle de légalité, c'est-à-dire du contrôle de la compatibilité des ordonnances, édits et déclarations du roi avec les lois, coutumes, et autres règlements existants. Si le Parlement refusait le roi pouvait passer outre comme le fera Louis XIV et d’autres ! Le roi pouvait non pas révoquer le parlement mais exiler les parlementaires en les renvoyant dans leurs foyers ou en les faisant emprisonner. Pratiques anciennes dont le 49-3 est un lointain héritage !

L’édit de Roussillon fut enregistré dès cette année 1564 par le Parlement de Paris, mais fut appliqué petit à petit avec plus ou moins de bonheur et beaucoup de réticences. Dès qu’il faut changer les habitudes on sait bien, nous les Français, combien c’est difficile d’évoluer ! La décision est appliquée à Paris en 1567, à Beauvais en 1580. Cela nous amène bien vite à la grande réforme grégorienne de 1582. On ne peut donc pas dire que le premier « poisson d’avril » date de 1564 !

Pour donner une explication facile, on se plait à raconter que le 1er avril 1565, c'est-à-dire celui qui suivait la décision de Roussillon, est donc théoriquement celui de la première application de cette décision.

Les habitants de certaines régions, en souvenir de cette date, continuèrent d’offrir des cadeaux farfelus de toutes sortes qui devinrent vite des farces, des blagues et des canulars. Ce serait là le « Poisson d’avril ».

Selon les corps de métiers, on demandait aux apprentis les moins dégourdis, de ramener « la corde à lier le vent », « la passoire sans trou », « la clef des champs », « le bâton à un seul bout » ou de « l’huile de coude ». Voici donc une hypothèse sur l’origine du poisson d’avril. On en trouve d’autres qui n’ont pas plus de fondement que celle-ci.

En Angleterre, le poisson d’avril se dit « april’s fool ». C’est l’occasion de faire de nombreux gags. En Ecosse, c’est le traditionnel « hunt the gowk ». Gowk c’est le coucou. On envoyait l’idiot du village porter un message ; celui qui le recevait envoyait le messager à une autre personne, et ainsi de suite jusqu’à ce que le messager finisse par ouvrir le message et lise ces mots « chasse le coucou un mile de plus ! ». Quand il revenait le soir, éreinté d’avoir couru pour rien toute la journée, les farceurs ayant organisé ce tour pendable, se réunissaient pour rire à ses dépens. La personne dupée était appelée « April gowk » « coucou d’avril ». Et pourquoi le coucou. Parce qu’un vieux dicton dit « Ce n’est jamais avril si le coucou ne l’a pas dit ! »

Les Ecossais avaient ainsi beaucoup de plaisir à envoyer des personnes faire des courses idiotes, comme d’aller chercher des dents de poule ou du lait de pigeon ! Le 2 avril chez eux se nomme « Taily day ». Il s’agit de réussir à donner un cadeau à une personne de son choix tout en essayant de lui coller dans le dos un petit panneau où il est écrit « Donnez un coup de pied aux fesses ».

En Belgique les enfants (et même les plus grands !) attachent un poisson en papier dans le dos de leurs camarades, de leurs parents, de leurs professeurs.

En Allemagne, on dit « April april » ou « Aprilscherz » et ce, au moment de faire sa blague ou juste après pour faire comprendre que c’est juste une blague !

Nous pourrions poursuivre notre promenade ! Poursuivons là avec la Cour jusqu’en Occitanie. Charles IX pénètre en Languedoc en traversant le Rhône le 11 décembre 1564 à la hauteur de Tarascon et Beaucaire. Après la traversée du Rhône en bateau, le roi dîne à Beaucaire puis prend la route du Pont du Gard en se dirigeant à Sernhac pour dormir la nuit du 11 au 12 décembre. Il arrive à Nîmes (12 au 14 décembre 1564). Avant d'arriver à Nîmes dans la soirée du 12 décembre, le roi fait un détour par le château de Saint-Privat pour dîner et pour admirer le Pont du Gard. Le seigneur de Crussol offre au roi une collation, des confitures et des nymphes qui sortent de dessous un grand rocher. Le lendemain, le roi reste toute la journée à Nîmes.

Ensuite c’est Vauvert les 14 et 15 décembre. Le Roi y dîne et y dort. Puis Aigues-Mortes les 15-16 décembre 1564) : le roi dîne et dort dans cette ville forte au milieu des marécages de mer. La Cour reste ainsi dans cette province jusqu’au 21 mars 1565, soit 100 jours ( plus de trois mois). Ce Tour de France exceptionnel se termine seulement le 1er mai 1566.

Quant à la peste de 1564 elle fait de nombreuses victimes à Lyon, Vienne, Chantemerle, Mercurol et autres lieux voisins pendant que les autorités prescrivent une grande surveillance aux portes des villes où les citoyens sont de garde à tour de rôle.Pour les contrevenants les amendes sont fixées à vingt sols.

La papauté généralisa la décision de commencer l’année le 1er janvier pour l’ensemble des pays catholiques en 1622.

La fête Pâques le 9 avril cette année devrait être aux tisons puisqu’il a fait très doux pour Noël 2022. « Noël au balcon, Pâques aux tisons. » Le temps de ce début avril s’annonce être assez frais le matin et printanier en journée si j’en déduit ce que je vois du cycle de la lune. Et les différents services de météorologie les annoncent ainsi.

C’est donc un mois d’avril fidèle aux traditions de son fameux dicton qui s’annonce. «  En avril ne te découvre pas d’un fil. » D’autant plus que nous avons encore à subir la Lune Rousse du avec son cortège de Saints de Glace. Je rappelle pour resituer cette lunaison à sa juste place, que « la Lune Rousse, et la lunaison qui commence après Pâques et dont la Pleine Lune a lieu fin avril ou début mai. » Ce sera donc entre le 20 avril et le 19 mai. Précisément la période où on retrouve ces fameux saint tant redoutés en agriculture.

Addissias.

Jean Mignot le 31 mars 2023



dimanche 5 mars 2023

du mois de mars 2023

Du mois de Mars 2023

 

Cette chronique arrive-t-elle « comme mars en carême » c’est-à-dire comme prévu et de façon opportune ou « mal à propos » comme le veut une autre interprétation de cette expression ?  

Les deux sens sont admis et je vous laisse choisir laquelle des interprétations vous convient le mieux.

Déjà utilisée en 1610, l'expression puise ses origines à la fois dans le calendrier et dans la religion. La période du Carême tombant au mois de mars, l'expression désigne le fait d'arriver à propos, comme prévu ou de façon opportune.

Mais cette interprétation fut bientôt reprise par une autre expression française à savoir « arriver comme marée en carême » faisant allusion à l’arrivée du poisson frais bienvenu en cette période dabstinence de viande.

L’académie française à l’origine de cette distinction dans le but de restaurer la clarté française a semé la confusion dans l’esprit des gens si bien que les deux expressions françaises furent utilisées dans le même sens et « arriver comme mars en carême » prit le sens « d’arriver mal à propos » avec une connotation de « carême » comme événement dont on se passerait volontiers et qui ne semble pas bienvenu.

On trouve dans un recueil espagnol, publié en 1553, la trace de ce proverbe : « No puede mas faltar que Marzo de quaresma » ce qui veut dire : « Cela ne peut manquer non plus que mars en Carême. »

Du Carême et de ses 40 jours de jeune on a dit déjà beaucoup de choses. Le mot vient du latin populaire quaresĭma, altération de quadragesima (sous-entendu dies) « quarantième jour », le Carême se situant quarante jours avant Pâques.

C’est un temps d’abstinence et de jeûne qui comprend quarante jours entre le mardi-gras et le jour de Pâques, les dimanches n’entrant pas dans le calcul. Quelques expressions populaires : « faire carême », ou « faire le carême » ou encore « observer le carême » se réfèrent à l‘évidence au fait de s’abstenir de manger de la viande à certains jours prescrits pendant le temps du carême. Et « rompre le carême », « rompre carême » c’est cesser d’observer l’abstinence de carême et manger des viandes défendues. Plus curieuse est l’expression « amoureux de carême » pour désigner un amoureux timide ne touchant pas à la personne chère à son cœur. « Elle jeûna tout un carême, et resta sans commettre le moindre péché » ; écrit Honoré de Balzac dans Modeste Mignon en 1844

Abstinence aidant on dit de quelqu’un qu’il est « pâle comme une vessie de crème » ou qu’il a une « face de carême » quand il a le visage blème et par extension quand il est triste ou fait la gueule ! que l’on soit en temps de Carême ou non !

Sous l’Ancien régime, le jeune était d’autant plus observé que l’autorité tenait à ce que chacun jeûnât suivant l’ordonnance de l’Église. Dès que sonnait minuit, le mardi-gras, les boucheries et les triperies fermaient officiellement leurs grilles pour ne les rouvrir que la veille de Pâques.

Quarante jours sans manger de viande !... À l’époque de Louis XIV, il en était encore ainsi, et Mercier, qui écrivait son Tableau de Paris, vers 1780, se rappelait avoir vu, postés dans les rues, des agents du gouvernement, chargés de vérifier le panier des ménagères et de confisquer — à moins qu’on présente une « dispense » -tous les aliments gras qui s’y pouvaient trouver

Pour porter à un malade une bouteille de bouillon, on dissimulait le séditieux flacon dans une boîte à perruque. Il arriva même que les archers saisirent le dîner - potage et poulardes - que Son Altesse sérénissime, le prince de Condé, en temps prohibé, se faisait porter de son hôtel au jeu de paume de la rue Mazarine.

Au temps de Louis XVI, on note une évolution. Les boucheries étaient ouvertes pendant toute la durée du carême, et, quoiqu’elles fussent beaucoup moins achalandées qu’à l’ordinaire, il était loisible à chacun de manger à sa fantaisie, sans risquer l’amende ou la confiscation. Néanmoins, l’immense majorité des Parisiens se privait d’aliments gras et gardait sévèrement l’abstinence ; ce temps d’épreuve se terminait par l’hygiénique et dépurative foire au pain d’épice, suivie, dès que se levait l’aurore pascale, des ripailles de la foire aux jambons.

Peu à peu, la philosophie aidant, on se relâcha de ces mesures draconiennes ; « Prêtres idiots et cruels ! à qui ordonnez-vous le carême ? Est-ce aux riches ? ils se gardent bien de l'observer. Est-ce aux pauvres ? ils font carême toute l'année. Ecrit Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, en 1769.

La Révolution changea les choses, et le carême, tenu pour superstitieux, fut une des premières coutumes qu’elle abolit. N’était-il pas indigne que, sous le règne de la raison, un homme libre fût astreint, par un usage datant des siècles d’obscurantisme, à se priver de certains mets et à observer une réglementation qui n’avait pas sa raison d’être ? À quoi bon un carême ? demandaient les esprits forts. Comment l’homme peut-il imaginer se rendre agréable à l’Être suprême en se privant, à certains jours, d’aliments fortifiants. « Mangez à votre guise, bonnes gens : le hareng saur n’est pas plus agréable à Dieu que le gigot de mouton, et les moines, qui ont inventé ce burlesque mode de pénitence, ne sont plus là pour prêcher le jeûne et l’abstinence que, pour leur part, ils n’observaient guère. »

Cette théorie fut ironiquement développée par Chaumette, par Camille Desmoulins, par Fabre d’Églantine, par Barère, et par tous les démolisseurs du vieux monde qui, en même temps que le carême, supprimaient la Noël, Pâques, le dimanche, et, afin que toutes ces superstitions disparaissent, inventaient un nouveau calendrier, dont les bonnes gens, avec bien de la peine, essayaient de se fourrer dans la tête les noms barbares et complexes divisions.

Le dernier carême fut celui de 1793 : à partir de l’automne de cette année-là, on dut compter par décades, autrement dit par semaines de dix jours ; le nouveau calendrier ne prévoyait plus la fête pascale ; par conséquent, plus de quinquagésime ni de quadragésime ; donc, plus de jeûne. Oubliée, abolie, cette ridicule coutume, et l’on s’embarqua triomphalement dans l’année nouvelle qui, pour mieux dérouter les gens, avait commencé le 22 septembre, Pour le coup, c’était bien fini des antiques préjugés et le règne de la Raison était enfin venu.

Mais voilà que dès le commencement de ventôse, an II c’est-à-dire 1794 - époque qui concordait avec le ci-devant mois de février - on s’aperçut qu’une grande disette était proche, ne manquant pas d’attribuer la raison de cela au gouvernement qu’on accusait d’administrer le pays avec moins de prévoyance que l’ancien. La guerre civile et extérieure avait arrêté les approvisionnements. Le beurre manquait ; la volaille atteignait un prix exorbitant ; le dindon, qui jadis, coûtait quatre livres, en valait maintenant vingt-cinq. Les paysans, dont les grains avaient été réquisitionnés pour le service des armées, ne pouvaient plus nourrir leurs poules et leurs poulets : le sac de blé montait à 200 livres, et, aux portes même de Paris, on ne trouvait plus, dans les auberges, un morceau de pain. La viande, à Paris, manqua presque complètement.

Or on était précisément, à l’époque où, sous l’Ancien Régime, commençaient les jours de pieuse abstinence du Carême.

La Convention, qui avait absorbé tous les pouvoirs et assumé toutes les responsabilités, dut s’occuper de cette famine menaçante. Barère se chargea d’exposer la situation : il commença par rappeler « ce que les capucins appelaient ridiculement un carême ». Mais, n’oubliant pas le peuple qui hurlait la faim, il fit remarquer que ces carêmes de jadis avaient du bon : « La renaissance du printemps, dit-il, commande à l’homme, bien plus que les pratiques de la superstition, de changer ses aliments, de se rapprocher quelque temps des ressources que la végétation fournit à la santé publique. Mais ce n’est pas au législateur à imiter le prêtre ; ce n’est pas à la Convention nationale à faire ce que Moïse et le pape ont ordonné... » Et il conclut tout de même en ordonnant à tous les Français de jeûner... pour la liberté, plus sainte que toutes les institutions religieuses, et de « s’imposer une frugalité civique pour le maintien de leurs droits ! ».

Le boucher Legendre, l’un des plus fougueux patriotes de l’assemblée, surgit à la tribune, et entama l’éloge du carême, contre lequel, il avait quelques mois auparavant - en sa qualité de boucher - lancé bien des foudres ; il renchérit sur la proposition de Barère et proposa, tout rondement, de décréter un « Carême civique. » Il parlait en connaisseur :

« Dès que le premier coup fut porté aux prêtres, dit-il, on mangea de la viande pendant le carême. Eh bien, on mangea alors des bœufs qui ne devaient être bons qu’à Pâques... Décrétez le carême que je vous propose ; autrement il viendra malgré vous. L’époque n’est pas éloignée où vous n’aurez plus ni viande ni chandelle. Les bœufs que l’on tue aujourd’hui ne donnent pas assez de suif pour les éclairer à leur mort. La Normandie fournissait des bœufs depuis la saint Jean jusqu’à cette époque-ci : ses herbages sont épuisés. Ne vous bornez donc pas à une simple invitation, mais décrétez qu’il y aura, dans toute la République, un Carême civique ! »

Les mêmes législateurs, dont le désordre et l’incurie avaient amené la disette, proclament alors que le carême était une excellente chose, que rien n’est plus hygiénique et plus sain que de s’abstenir de viande au début du printemps, et de se nourrir de légumes Il fallait que les illusions du peuple français sur le régime parlementaire, alors à ses débuts, fussent bien profondes pour accepter cette décision.  

Si, en ce temps-là, « le ridicule avait tué », il est certain qu’aucun des conventionnels n’aurait survécu à ce revirement. Chacun serra la boucle de sa ceinture et accepta, sans mot dire, le « Carême civique ». Voilà comment, après avoir, durant tant de siècles, jeûné de leur plein gré, sous la tyrannie, les Français jeûnèrent encore, mais par ordre, cette fois, sous le règne de la liberté.

Ce faisant, l’instauration de ce « Carême civique » nous rapproche aussi du « baptême républicain », triste copie d’un rite chrétien !  Le peuple a besoin de rites, et nous voyons bien, à une époque où le religieux est en net recul que le peuple s’attache à reproduire des gestes d’ancien temps sans se poser de questions sur leurs origines religieuses. Par exemple pour les mariages en mairie !!

Je ne peux pas ne rien dire sur ce dimanche 5 mars, jour de la fête des grands-mères où toutes les mamies de France sont à l'honneur. Pourtant cette fois nous sommes sur une création purement commerciale, instaurée en 1987 par la marque de café Grand'Mère, qui avait pour unique but de promouvoir sa marque qui venait alors de fêter ses vingt ans. 

Malgré son origine purement commerciale, la fête des grands-mères a trouvé sa place dans les mœurs françaises. Elle est célébrée chaque année depuis 31 ans, le premier dimanche du mois de mars, mais reste une fête officieuse, qui n'est pas inscrite au calendrier officiel contrairement à la fête des mères ou la fête des pères. 

Si l'objectif premier de la marque Grand'Mère était de faire parler d'elle dans l'espoir d'augmenter ses ventes, ce sont désormais les fleuristes qui semblent profiter de cet événement annuel.

En France, on ne célèbre que les grands-mères le premier dimanche de mars, et non l'ensemble des grands-parents, contrairement à certains pays. Si bien que, pendant de nombreuses années, il n'y avait aucune fête en l'honneur des grands-pères français. 

Pour réparer cette injustice, une fête des grands-pères a été instaurée en 2008. Elle a été créée par Franck Izquierdo, un auteur et inventeur français, Médaille de bronze (Prix du Préfet de Police) lors du Concours Lépine 1991 pour l'invention d'une Brosse à dents jetable !  Cette nouvelle fête a désormais lieu le premier dimanche d’octobre.

Je vous ai souvent parlé des influences de la lune sur le temps. Les différents calendriers lunaires dans lesquels je puise souvent mes références, disent tous : « les changements de temps, s’ils doivent avoir lieu, se produisent au lunistice et plus particulièrement le troisième jour » et « les jours où la lune coupe l’équateur céleste, il y a presque toujours perturbation ». Le lunistice c’est la position extrême de la lune, soit la plus haute vers le Nord, soit la plus basse vers le Sud. Or si vous regardez où est la Pleine lune de ce 7 mars vous verrez qu’elle est très haut dans le ciel et elle va descendre doucement vers le sud. Nous serons donc en lune décroissante et en même temps descendante jusqu’au 19 jours du périgée, point le plus près de nous – nom masculin contrairement à ce qu’on pourrait penser. Or le 20 mars, c’est jour de l’équinoxe de printemps et la Nouvelle Lune le 21. Je relève que cette année les grandes marées seront bien des « marées de l’équinoxe » avec de forts coefficients de plus de 100 les 21, 22, 23 et 24. Cela n’augure rien de bon. D’ailleurs les prévisions météorologiques pour les jours qui viennent ne nous annoncent pas du beau temps. Le mois de mars est fidèle cette année à sa réputation et pourrait nous réserver des surprises en fin de mois pour les célèbres et redoutés « Vaquerieu » dont je vous ai déjà entretenu. « Ce que mars couve, on le sait après son trente et unième jour. » ou « Soit au commencement, soit à la fin, Mars nous montrera son venin. » Et pourtant c’est le printemps que nous attendons et qui arrive ! Mais cette année encore avec les longs et surprenants débats autour de la réforme des retraites, les vers de Théophile Gautier restent d’actualité, d’autant plus que la tournure non seulement des débats chez nos élus mais les manifestations annoncées dans la rue prennent un caractère vraiment pervers. C’est le Printemps des poètes et comme le dit la chanson : « le poète a toujours raison » !

Tandis qu’à leurs oeuvres perverses

Les hommes courent haletant

Mars qui rit malgré les averses

Prépare en secret le Printemps.

Le passage à l'heure d'été au matin du 26 mars, contesté ou attendu nous permettra de profiter de jours plus longs et d’un peu plus de soleil, ! Addisias !

Jean Mignot le 5 mars 2023