Rouge, Rose ou Rousse ?...
Après
la Pleine Lune de mars dite « Lune rouge » ou « Lune de
sang » à cause du phénomène optique de diffusion et de dispersion de
la lumière généré par une éclipse, et après la pleine Lune d’Avril appelée
« Lune Rose » non pas à cause de sa couleur mais selon une coutume
des Amérindiens de baptiser chaque Pleine Lune d’un qualificatif, cette fois
lié à la période des fleurs notamment du plohx subulata, voici la Lune Rousse. C’est
pendant cette période que se situent les saints de glace. Leur influence est
d’autant plus à craindre que leur fête coïncide aux périodes de la lunaison où
l’influence de la lune se fait le plus sentir. S’il faut parler d’influence,
c’est bien en effet de celle de la lune et non des braves saints qu’il faut
parler. Leur fête est essentiellement un
moyen mnémotechnique qui date d’une époque ou le calendrier du facteur
n’existait pas.
En
ces périodes, le soleil déjà haut et reste de plus en plus avec nous (+ 1H 30
en avril et + 1h22 en mai). Quand le ciel est dégagé, le thermomètre indique
19°, 20° ou 24° voire plus, dans la journée. Les petites pousses, les fruits en
formation se gorgent de chaleur. Mais la terre met très longtemps à se
réchauffer et elle ne peut pas restituer assez de chaleur la nuit. Quand le soleil se couche, la fraicheur se
fait ressentir, le froid se rétablit. Le thermomètre indique +4 ou + 5 degrés,
plus ou moins mais pas nécessairement 0°. Les petites pousses, les embryons de fruits
subissent un choc thermique et prennent une apparence de roussi et deviennent
noirs. C’est l’effet de « lune rousse ».
« Lune
rousse, vide bourse » ; « lune
rousse, rien ne pousse » ; « Gelée
de lune rousse de la vigne ruine la pousse » ; « Récolte n’est point assurée que la
lune rousse soit passée ».
Voici
à ce sujet une anecdote.
« Je suis charmé de vous voir réunis autour de
moi, disait un jour Louis XVIII à
une députation du Bureau des Longitudes qui était allée lui présenter la
« Connaissance des temps et de l’annuaire », car vous allez m’expliquer ce que c’est que la lune rousse et son mode
d’action sur les récoltes »
Le
savant Laplace, qui conduisait cette délégation, resta sans réponse ; lui
qui avait tout écrit sur la lune, n’avait en effet jamais songé à la lune
rousse. Il consultait ses voisins du regard mais, ne voyant personne disposé à
prendre la parole, il se détermina à répondre lui-même : « Sire, la lune rousse n’occupe aucune
place dans les théories astronomiques ; nous ne sommes donc pas en mesure
de satisfaire la curiosité de Votre Majesté. »
Le
soir, pendant son jeu, le Roi s’égaya beaucoup de l’embarras dans lequel il
avait mis les membres de son Bureau des Longitudes. Laplace l’apprit et vint
demander à Arago s’il pouvait l’éclairer sur cette fameuse lune rousse. Arago
alla aux informations auprès des jardiniers du Jardin des Plantes, et voici sa
réponse publiée par Camille Flammarion dans « Astronomie populaire »
« Dans les nuits des mois d’avril et mai, la
température de l’atmosphère n’est souvent que de 4, de 5 ou de 6 degrés
centigrades au-dessus de zéro. Quand cela arrive, la température des plantes
exposées à la lumière de la lune, c'est-à-dire à un ciel serein, peut descendre
au-dessous de zéro, nonobstant l’indication du thermomètre. Si la lune, au
contraire, ne brille pas, si le ciel est couvert, la température des plantes ne
descend pas au-dessous de celle de l’atmosphère, il n’y aura pas de gelée, à
moins que le thermomètre n’ait marqué zéro, pour d’autres raisons. Il est donc
vrai, comme les jardiniers le prétendent, qu’avec des circonstances
thermométriques toutes pareilles, une plante pourra être gelée ou ne l’être
pas, suivant que la lune sera visible ou cachée par des nuages ; si les
jardiniers se trompent, c’est seulement dans les conclusions : c’est en
attribuant l’effet à la lumière de l’astre. La lumière lunaire n’est ici que
l’indice d’une atmosphère sereine ; c’est par suite de la pureté du ciel que
la congélation nocturne des plantes s’opère ; la lune n’y contribue
aucunement ; qu’elle soit couchée ou sur l’horizon, le phénomène a
également lieu. L’observation des jardiniers était incomplète, c’est à tort
qu’on la supposait fausse. »
Les
savants viennent ici au secours de la sagesse populaire qui avait fait les
mêmes observations au point que ce phénomène se reproduisant nos Anciens ont
écrit des dictons liés à la fête de ces saints qualifiés de « saint de
glace ».
Cette
année avec les décalages de durée du calendrier lunaire avec notre calendrier
grégorien, la lunaison de la « Lune Rousse » a lieu du 27 avril au 27
mai. Les premiers saints de glace sont en dehors des dates de cette lunaison
Saint Georges le 23 avril ouvre le ban : « Pluie de saint Georges, coupe les
cerises à la gorge ! » ou encore : » S’il pleut à la
saint Georges, de cent cerises restent quatorze ». Et aussi : »
S’il
pleut à la saint Georgeau, n’y aura guignes ni bigarreaux ».
Vient
ensuite Saint Marc le 25 avril : « s’il
pleut le jour de la saint Marc, les guignes couvriront le parc » ;
ou encore : « A la saint Marc s’il tombe de l’eau, il n’y
aura pas de fruits à couteau ». C’est à dire de fruits dont on
enlève la peau avec un couteau. Il faut ajouter à leur compagnie saint Philippe
le 1er mai
« Marquet
(Marc), Georget (Georges), et Philippet (Philippe), sont trois casseurs de Gobelets. » ou
comme l’écrivait Rabelais : « les saints gresleurs et gasteurs de
bourgeons ». Le froid ou la grêle ces jours–là est néfaste pour la
vigne, donc au vin, donc aux pichets et aux gobelets. On dit encore :« Trois
saints dont faut se méfier »
On ajoute à la liste Saint Robert le 29 avril, saint Eutrope le 30 avril.
Saint Robert le 29 avril : « Gelée de saint Georges, saint
Marc, saint Robert, récolte à l’envers ».
On
dit aussi : La pluie de saint Robert, du bon
vin emplira ton verre.
Le
30 avril pour Saint Eutrope (ou
Tropet) : saint Eutrope mouillé, Cerises estropiées.
« Les saints
de glace » ne seraient, selon certaines interprétations, que les
suivants, dont la fête à lieu pour la 2ème partie de la lunaison, et
ils sont les plus redoutés, surtout comme si pour cette année, leur fête est aux
approches de la pleine lune de mai qui est le 12mai : « Mamert,
Servais et Pancrace, voilà les trois saints de glace ». Ce sont les plus
connus et les plus populaires « trois saints qui à eux seuls font un
petit hiver ».
Pour
couvrir toute la période de cette lunaison dont les dates varient, on trouve
encore Saint Urbain, plutôt rassurant « le paysan ne sera rassuré qu’après la saint
Urbain passée »
Urbain
peut être le pire des saints de glace au point que dans certains pays de vigne
on le promenait quand il faisait beau et on lui « foutait le cul dans
les orties » quand il gelait encore ! Nous devrions être tranquille à
la fin de la lunaison avec la fête de l’Ascension, le 29 mai « à
l’Ascension dernier frisson ».
Addisias
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez inscrire ici un commentaire.
Avis,appréciation sur un article, question,demande de précision, contribution ou apport complémentaire. Il sera publié après vérification par le responsable du blog selon l'intérêt qu'il représente, Merci !