du mois d’avril 2024 et de la Lune Rousse
Elle est là et bien là, même si personne ne nous
en parle. Certes c’est plus directement intéressant, surtout en période de
vacances, de savoir le temps qu’il fait ou qu’il va faire, d’autant plus qu’on
ne peut pas vraiment parler d’effets de la lune puisque c’est un astre qui n’a
pas de rayonnement. Tout juste si face à la chute des températures on nous a
rappelé « en avril ne te découvre pas d’un fil ». Après
les dégâts laissés par la tempête Pierrick, la baisse des températures s’accentue
et ce dimanche encore elle a fait la une des journaux télévisés, avec des
reportages sur les agriculteurs qui prennent toutes dispositions pour protéger
leurs futures récoltes. L’influence d’une zone de froid envahit notre pays, y
compris le Sud, même si nous avons beaucoup de soleil et voilà avec la Pleine
Lune du 24 avril les Cavaliers du Froid qui sont là avec leurs dictons
prévenant de leur influence néfaste. Le beau temps et la chaleur de ces
derniers jours nous l’avaient fait oublier : tout cela est bien «
un temps de lune rousse ».
Les textes et les dictons les plus anciens
témoignent que ce genre de temps s’est déjà produit en ces périodes où il
n’était pas encore question de réchauffement climatique.
La Lune Rousse c’est la lunaison qui commence en
avril et dont la Pleine Lune a lieu fin avril ou début mai. Cette année du 8
avril au 8 mai.
En cette période de l’année, le soleil déjà haut
reste de plus en plus avec nous (+1h30 en avril et 1h22 en mai). Quand le ciel
est dégagé, le thermomètre indique 19 °, 20°, 24 ° dans la journée. Les petites
pousses, les fruits en formation, se gorgent de chaleur. Mais la terre met très
longtemps à se réchauffer. Quand le soleil se couche la fraîcheur tombe. Le
froid se rétablit. La terre n’a pas encore de chaleur à restituer.
Progressivement une rosée froide recouvre les végétaux. Elle peut devenir
glaciale au lever du jour, même si le thermomètre marque 4 ou 5°, ou moins. Les
jeunes espoirs de récolte sont alors détruits. Les petites pousses prennent une
apparence de roussi. Les embryons de fruits deviennent noirs à l’intérieur de
l’ovaire. C’est l’effet de « Lune Rousse ». Ce phénomène ne se
produit que lorsque le ciel est parfaitement dégagé et sans nuages.
C’est pendant cette lunaison qu’on trouve les Saints
de Glace qui ne sont pas uniquement les trois bien connus du mois de mai, mais
aussi les Saint Cavaliers ou Cavaliers du froid dont les premiers sont cette
semaine. Ce phénomène se produit avec
d’autant plus de certitude que le cycle de la lune et ses phases correspondent
à la date de leurs fêtes. Vous savez en effet que la durée de la lunaison est
plus courte que celle de nos mois du calendrier. Le décalage fait que ces
constats ne sont pas toujours vérifiables selon les années.
Cette année il se trouve que les moments de la
lunaison correspondent de plus près aux fameux dictons que nos Anciens avaient
établis, sur la base de leurs constats.
Déjà en mars la Nouvelle Lune a été marquée par
des très grandes marées et après la Pleine Lune du 25 mars et l’éclipse passée
inaperçue, les « jours de la vieille » ou « vaquerieu »,
ont été bien fidèles à leur mauvaise réputation.
La Lune Rousse a aussi très mauvaise réputation
et elle nous a laissé un très grand nombre de dictons. « Lune rousse, vide bourse » ; « lune rousse, rien
ne pousse » ; « Gelée de lune rousse de la vigne ruine la
pousse ». On trouve même : « Il n'est si gentil mois
d'avril qui n'ait son manteau de grésil. »
Malgré l’invention du thermomètre
et du baromètre on a eu pendant très longtemps peu de moyens pour analyser et
surtout prévoir le temps. D’où l’importance d’ouvrage comme notamment cette « histoire du climat »
de Mr Emmanuel Leroy Ladurie disparu en fin 2023, et de nos dictons qui
reposent sur les observations de nos Anciens !
Il faut se rappeler
que les organismes chargés d’étudier le temps sont de création relativement
récente. L’observatoire de Paris date de 1667et les prévisions météo ne sont
pas dans ses attributions. Le Bureau des longitudes, créé par une loi de la
Convention Nationale le 7 Messidor de l’An III sur un rapport lu par l’abbé
Grégoire avait surtout comme objectif, grâce à l’amélioration de la détermination
des longitudes en mer, de reprendre la maîtrise des mers aux Anglais. Pourtant
il sera bien vite chargé de la rédaction de « La
connaissance des temps » une publication annuelle
contenant des tables astronomiques où on commence à parler du temps. On ne
parle pas encore de météorologie.
Il faudra attendre la guerre de Crimée et la violente tempête du 14 novembre 1854 qui ravagea les campements alliés et la flotte
en rade de Sébastopol pour que Napoléon III par un décret du 30
janvier 1854 modifie profondément les attributions du Bureau et crée un
véritable réseau d’observatoires pour analyser toutes ces données et prévoir
autant que possible le temps qu’il va faire.
Cette tempête, étudiée par le météorologue Emmanuel
Liais, est à l'origine de la création du premier service météorologique
français. L'astronome Urbain Le Verrier avait démontré, en effet, à
l'Empereur Napoléon III que les armées auraient pu être prévenues à l'avance de
l'arrivée de la tempête si un réseau d'observations relayées par le télégraphe
avait été en place.
C’est
dans ce contexte général et bien avant la création de ce réseau d’observatoires
aujourd’hui remis en cause par l’évolution connaissances et des techniques que
se situe cette anecdote qui concerne la Lune Rousse et qui sous la plume du
savant Arago dans « la connaissance du temps » nous éclaire sur ce
phénomène. « Je suis charmé de vous voir réunis autour de moi, dit un
jour Louis XVIII aux
membres composant une députation du Bureau des Longitudes qui étaient allés lui
présenter la Connaissance des Temps et l’Annuaire, car vous
m’expliquerez nettement ce que c’est que la Lune rousse et son mode d’action
sur les récoltes. » Laplace, à qui s’adressaient plus particulièrement ces
paroles, resta comme atterré ; lui qui avait tant écrit sur la Lune,
n’avait en effet jamais songé à la Lune rousse. Laplace consultait tous ses
voisins du regard, mais ne voyant personne disposé à prendre la parole, il se
détermina à répondre lui-même : « Sire, la Lune rousse n’occupe
aucune place dans les théories astronomiques ; nous ne sommes donc pas en
mesure de satisfaire la curiosité de Votre Majesté. » Le soir, pendant son
jeu, le roi s’égaya beaucoup de l’embarras dans lequel il avait mis les membres
de son Bureau des Longitudes. Laplace l’apprit et vint me demander à
l’Observatoire si je pouvais l’éclairer sur cette fameuse Lune rousse qui
avait été le sujet d’un si désagréable contre-temps. Je lui promis d’aller aux
informations auprès des jardiniers du Jardin des Plantes et d’autres
cultivateurs. Telle a été l’origine du chapitre qu’on va lire. Il est bien loin
de ma pensée d’attribuer le moindre mérite aux réflexions que la Lune rousse
m’a inspirées ; mais comme je vois les lignes suivantes reproduites en
substance dans des ouvrages récents et sans indication de la source où les
auteurs ont puisé, pour éviter tout soupçon de plagiat, je ferai remarquer
qu’elles ont paru dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes de 1827, en
sorte qu’en cas de contestation, je pourrais presque invoquer la prescription
légale. (ceci se réfère au fait que plusieurs
écrits d’Arago avaient été publiés sans son accord)
On croit généralement, surtout près
de Paris, que la Lune, dans certains mois, a une grande influence sur les
phénomènes de la végétation. Les savants ne se sont-ils pas trop hâtés de
ranger cette opinion parmi les préjugés populaires qui ne méritent aucun
examen ? Le lecteur va en juger.
Les jardiniers donnent le nom de Lune
rousse à la Lune qui, commençant en avril, devient pleine soit à la fin de ce
mois, soit plus ordinairement dans le courant de mai. Suivant eux, la lumière
de la Lune, dans les mois d’avril et de mai, exerce une fâcheuse action sur les
jeunes pousses des plantes. Ils assurent avoir observé que la nuit, quand le
ciel est serein, les feuilles, les bourgeons exposés à cette lumière
roussissent, c’est-à-dire se gèlent, quoique le thermomètre, dans l’atmosphère,
se maintienne à plusieurs degrés au-dessus de zéro. Ils ajoutent encore
que si un ciel couvert arrête les rayons de l’astre, les empêche d’arriver
jusqu’aux plantes, les mêmes effets n’ont plus lieu sous des circonstances de
température d’ailleurs parfaitement pareilles. Ces phénomènes semblent indiquer
que la lumière de notre satellite est douée d’une certaine vertu
frigorifique ; cependant, en dirigeant les plus larges lentilles, les plus
grands réflecteurs vers la Lune, et plaçant ensuite à leur foyer des thermomètres
très-délicats, on n’a jamais rien aperçu qui puisse justifier une aussi
singulière conclusion. Aussi, dans l’esprit des physiciens, la Lune rousse se
trouve maintenant reléguée parmi les préjugés populaires, tandis que les
agriculteurs restent encore convaincus de l’exactitude de leurs observations.
Et Arago poursuit son intervention en
argumentant son propos avec la belle découverte de Wells qui, dit Arago : «
me permettra, je crois, de concilier ces deux opinions, en apparence si
contradictoires. » Wells est un médecin né aux Etats-Unis en 1757 dans
une famille écossaise installée en Caroline du Sud.
Personne avant Wells n’avait imaginé
que les corps terrestres, sauf le cas d’une évaporation prompte, pussent
acquérir la nuit une température différente de celle de l’atmosphère dont ils
sont entourés. Ce fait important est aujourd’hui constaté. Si l’on place en
plein air de petites masses de coton, d’édredon, etc., on trouve souvent que
leur température est de 6, de 7 et même de 8 degrés centigrades au-dessous de
la température de l’atmosphère ambiante. Les végétaux sont dans le même cas. Il
ne faut donc pas juger du froid qu’une plante a éprouvé la nuit, par les seules
indications d’un thermomètre suspendu dans l’atmosphère. La plante peut être
fortement gelée, quoique l’air se soit constamment maintenu à plusieurs degrés
au-dessus de zéro.
Ces différences de température entre
les corps solides et l’atmosphère ne s’élèvent à 6, 7 ou 8 degrés du
thermomètre centésimal, que par un temps parfaitement serein. Si le ciel est
couvert, la différence disparaît tout à fait ou devient insensible.
Me voilà pour ma part conforté dans
ce que je rappelle dans cette chronique, à savoir, malgré l’absence de
rayonnement de la lune, l’importance de la Lune Rousse et la nécessité d’en
tenir compte à l’appui de nos dictons qui sont issus des longues observations
de nos agriculteurs depuis de longues années.
Dans les nuits des mois d’avril et de
mai, la température de l’atmosphère n’est souvent que de 4, de 5 ou de 6 degrés
centigrades au-dessus de zéro. Quand cela arrive, les plantes exposées à la
lumière de la Lune, c’est à-dire à un ciel serein, peuvent se geler nonobstant
l’indication du thermomètre. Si la Lune, au contraire, ne brille pas, si le
ciel est couvert, la température des plantes ne descendant pas au-dessous de
celle de l’atmosphère, il n’y aura pas de gelée, à moins que le thermomètre
n’ait marqué zéro. Il est donc vrai, comme les jardiniers le prétendent,
qu’avec des circonstances thermométriques toutes pareilles, une plante pourra
être gelée ou ne l’être pas, suivant que la Lune sera visible ou cachée
derrière les nuages ; s’ils se trompent, c’est seulement dans les
conclusions : c’est en attribuant l’effet à la lumière de l’astre. La
lumière lunaire n’est ici que l’indice d’une atmosphère sereine ; c’est
par suite de la pureté du ciel que la congélation nocturne des plantes s’opère ;
la Lune n’y contribue aucunement ; qu’elle soit couchée ou sur l’horizon,
le phénomène a également lieu. L’observation des jardiniers était incomplète,
c’est à tort qu’on la supposait fausse. »
Et Arago conclut : Les
jardiniers ne se trompent pas sur le phénomène, mais sur son interprétation.
Ils attribuent « l’effet à la lumière de l’astre » alors que
« la lumière lunaire n’est ici que l’indice d’une atmosphère
sereine ». Donc « la Lune n’y contribue nullement ». il n’y a
pas de lien de cause à effet entre eux – c’est un bel exemple illustrant une
corrélation (deux éléments ayant la même cause), sans qu’il y ait causalité de
l’une à l’autre (la Lune rousse n’est pas la cause du gel, et l’inverse non plus).
Les savants viennent ici au secours de la sagesse
populaire qui avait fait les mêmes observations depuis belle lurette, dictons à
l’appui. Celle longue citation me paraissait indispensable en ces jours où nous
constatons par nous même que « le fonds de l’air est frais » alors
que nulle part, ni à la télévision ni les différents services de météorologie
ne nous parlent de Lune Rousse et des Saints de Glace.
J’ai souvent écrit dans ces chroniques que quand
la Pleine Lune ou la Nouvelle Lune se produit proche du périgée ou de l’apogée
de la course lunaire, il y a danger de perturbations. Cela est accentué quand
il y a éclipse, même si elle n’est pas visible chez nous. Ça a été le cas en
mars et au début avril avec la tempête Pierrick à la Nouvelle Lune du 8 et nous
voici ce 20 avril à l’apogée, avec un nœud lunaire le 22 et la Pleine Lune le
24.
Or le 23 avril est le jour du premier des saints
Cavaliers ou Cavalier du froid, Saint Georges. « Pluie de saint Georges, coupe les cerises à la gorge ! » ou « S’il pleut à la saint Georges, de cent cerises, restent quatorze. »
Ou encore : « S’il pleut à la saint Georgeau, n’y aura
guignes ni bigarreaux »
Nos agriculteurs ont
bien raison de prendre toutes sortes de dispositions pour tenter d’éviter ces
dégâts !
Le
25 avril Saint Marc nous apporte un autre éclairage « S’il pleut le jour de la saint Marc, Les guignes couvriront le parc ».
« A la saint Marc s’il tombe de l’eau, il n’y aura pas de fruits à couteau ».
C’est à dire de fruits dont on enlève la peau avec un couteau pour les
manger.
On associe à ces deux « cavaliers » saint
Philippe autrefois célébré le 1er mai pour affirmer : « Marquet (Marc), Georget (Georges),
et Philippet (Philippe), Sont trois casseurs de Gobelets. » Rabelais fin amateur de bon vin et de bonne
chère l’écrit ainsi : « Geourgeot,
Marquot, Philippot, Crousot et Jeannot sont cinq malins gaichenots [garçonnets]
qui cassent souvent nos goubelots [gobelets]. » Pourquoi casseurs de gobelets ? Parce que le froid ou la
grêle ces jours–là est néfaste pour la vigne, donc au vin, donc aux pichets et
aux gobelets. On dit encore :« Trois
saints dont faut se méfier… ».
Selon les endroits on leur associe saint Robert le
29 avril ou saint Eutrope le 30 avril : « Gelée de saint Georges, saint Marc, saint Robert, récolte à
l’envers ». Mais
on dit aussi : « La pluie
de saint Robert du bon vin emplira ton verre ».
Si
donc il pleut à ce jour-là, tout ne sera pas négatif !…
Par
contre s’il pleut ensuite pour les saints suivants ce sera différent. Le 30 avril pour Saint Eutrope (ou
Tropet) : « Saint Eutrope mouillé cerises estropiées. »
Sans me lancer dans
des prévisions du temps qu’il pourrait faire dans les jours qui viennent, je
vous donne ces indications et je rappelle ces dictons car nous ne pourrons être
tranquille qu’après les trois Saint de Glace qui sont les seuls qu’on a retenus
et dont la fête est les 11,12 et 13 mai. « Mamert,
Servais et Pancrace, voilà les trois saints de glace. » Je
garde pour une autre fois tous les dictons les concernant, pour ne pas trop saper
votre moral La Nouvelle Lune étant le 8 mai, on peut espérer alors des temps meilleurs.
« Récolte
n’est point assurée que la lune rousse soit passée ».
Jean Mignot le 21 avril 2024
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez inscrire ici un commentaire.
Avis,appréciation sur un article, question,demande de précision, contribution ou apport complémentaire. Il sera publié après vérification par le responsable du blog selon l'intérêt qu'il représente, Merci !