Août un mois avec
l’accent
Pour suivre les directives du rapport de 1990 sur
les rectifications orthographiques, ce mois devrait perdre son accent !
Cette décision, si elle était mise en œuvre, ferait disparaître ce signe – l’accent
circonflexe – et la consonne finale « t » qui nous rappellent que le
nom de ce mois a été décidé pour honorer le premier empereur romain Auguste. En
effet si nous suivons ces directives il faudrait prononcer « ou » sans
faire sonner la consonne finale, donc perdre cette référence à Auguste.
Août est un mois victime d’un «
amuïssement » c’est à dire d’un phénomène qui dénature l’origine
du mot. L’amuïssement consiste en l'atténuation ou, le plus souvent, la
disparition complète d'un phonème ou d'une syllabe dans un mot.
Je ne me lancerai pas sur une explication
phonétique et compliquée, ce dont je suis incapable. Je ne parlerai même pas
d’internet et du langage des sms qui font que notre langue est en train de se
dénaturer totalement.
« Il faut commencer selon l’ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes » dit le maître de philosophie à Monsieur Jourdain (Acte 2 scène IV du Bourgeois gentilhomme – 1670)
« J’ai à vous dire que les lettres sont
divisées en voyelles parce qu’elles expriment les voix ; et en consonnes
ainsi appelées parce qu’elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer
les diverses articulations des voix. »
On se souvient bien de cette scène admirable où
le maître de philosophie explique de façon très détaillée la façon dont il faut
positionner les lèvres et la mâchoire pour former les sons.
Une consonne comme son nom l’indique est faite
pour sonner. Elle donne du corps à notre belle langue. Le français sans ses
consonnes serait une langue sans structure, sans squelette !
Si je parodie Molière, pour prononcer « ou »
la bouche fait justement comme un petit rond les lèvres en avant. Essayez et
vous verrez ! C’est ce qui nous fait dire à nous autres gens du Midi que
prononcer ainsi c’est « parler pointu » comme les « Parisiens »
- c’est-à-dire ceux qui vivent au Nord de Montélimar- On dit aussi les « gens
du Nord » parlent pointu. Et de façon moqueuse et un peu grossière, on
dit qu’ils parlent la bouche « en cul de poule »
Avec cette prononciation, Août perdrait toute son
originalité, et la trace de son étymologie sans son accent.
Une consonne comme son nom l’indique est faite
pour sonner. Elle donne du corps à notre belle langue. Le français sans ses
consonnes serait une langue sans structure, sans squelette !
Août, perdrait toute son originalité, et la trace
de son étymologie sans son accent.
Août un mois qui a beaucoup de caractère.
C’est en l’an 8 av JC que « sextilis »,
le 6ème mois de l’année romaine, devint « Augustus », en vertu
du Sénatus-consulte justifiant cette décision pour rendre hommage aux
principaux événements de la vie d'Auguste, tels que son premier consulat, ses
trois triomphes, la conquête d'Égypte, la fin des guerres civiles, accomplis
dans le cours du huitième mois de l'année.
L’historien Flavius Macrobius Ambrosius
Théodosius, plus connu sous le nom de Macrobe, né en 370 ap JC en Numidie, dans
un de ces trois royaumes qui se partageaient l’Afrique du Nord berbère, un
territoire qui a une longue histoire, même avant 622 ! et Lucius Cassius Dio, dit Dio, né en Bythinie,
pas loin de Nicée, nous ont laissé le récit de cette décision du Sénat romain
de baptiser ce mois, le sixième mois de l’année, du nom de Caius Octavius
Thurinus, Imperator Caesar Divi Filius Augustus, dont on n’a retenu
que le qualificatif Auguste.
Ces historiens sont des « passeurs de
témoins ».
La seule trace de cette origine est cet accent
circonflexe que ces « Messieurs du quai de Conti » - comme on
disait avant 1980, c’est-à-dire avant
l’ouverture de l’Académie aux femmes et l’élection mouvementée de Marguerite
Yourcenar - voudraient faire disparaître. Sauvegardons l’accent du mois
d’août avec nos amis d’Espagne qui continuent d’appeler ce mois
« agosto » et ceux d’outre-Manche qui écrivent « August ».
La cigale de Monsieur de La Fontaine promet à la
fourmi : « je vous paîrai, lui dit-elle, avant Oût, foi d’animal
». Voltaire, dans l’avertissement de Zaïre recommande de
prononcer « oût » et il écrivait à la marquise du Deffand : « A Ferney
19 Auguste, car il est trop barbare d'écrire août et de prononcer «ou».
Pourtant Madame de Sévigné à la plume si facile écrivait « le mois d’out »
La prononciation « a-ou » reparaît à
partir du XIX e siècle chez les orateurs démocrates et chez les poètes comme
Sainte-Beuve, V. Hugo et H. de Régnier et on serait, disent-ils, dans la vraie
tradition française en prononçant toujours et uniquement « ou ».
Littré écrit « l’« a » ne se
prononce pas bien que certaines personnes prononcent « a-ou ». Mais
il dit lui aussi : « le « t » ne se lie pas ;
la mi-août, dites la mi-ou ». C’est ce que tournait en dérision Ménage qui
écrivant au Président Bellière (Nicolas de Bellière Président à mortier au
Parlement de Paris 1593 - 1650) « s’imaginer entendre miauler les chats
quand les Procureurs, à l’audience, disent que l’affaire est reportée à la
mi-août » !
Bien sûr nous pensons ici au "Duo
des chats, Duetto buffo di due gatti", ce merveilleux
duo humoristique de deux chats de Rossini.
L'article du célèbre Littré est d’autant plus
étonnant que d’autres mots dérivent de ce nom. Son dictionnaire en donne une
série dont beaucoup ont disparu de nos vocabulaires.
Comment allons-nous appeler ceux qui prennent de
vacances en ce mois d’août nos « aoûtiens » ? Quel
nom allons-nous donner à cet acarien, « l’aoûtat » qui
provoque des démangeaisons si désagréables en cette saison ? Les
jardiniers conseillent de choisir un « bois aoûté » pour de
jeunes branches dont le bois s’est endurci avant l’hiver, pour faire des
greffes. On parle encore, mais moins souvent, d’un melon « aoûté » pour
un melon bien muri par la chaleur. Plus rare à trouver et si bon !
« Août donne du goût !» dit un vieux dicton.
C’est la température du mois d’août qui fait que le vin est bon ou mauvais. « Ce
que le mois d’août ne mûrira pas, ce n’est pas septembre qui le fera ! »
dit un autre vieux dicton, et tant d’autres !
Gardons bien tout son goût à notre mois
d’août !
Bon mois d’août !
Jean Mignot le 1er août 2025