Et puis M…. !
« Au 31 du mois d’Août… »
Cette chanson commémore le combat du 31 août 1800 au cours duquel le corsaire
Surcouf qui commandait « La Confiance » captura le navire anglais
« Kent » un trois mâts de 1200 tonneaux, monté avec 400 hommes et 38
canons alors que notre corsaire n’avait à sa disposition que quinze ( ou
six ?) canons pour un bateau de 490 tonneaux.
« Que va-ton
dire -t-on du grand rafiot
à Brest, à
Londres ou à Bordeaux,
qu’a laissé
prend’ son équipage
par un corsaire
de quinze canons,
lui qui en
avait trente et si bons »
Bonne occasion de se moquer et
de tourner en dérision nos amis Anglais par ce refrain qu’on se plaisait à
chanter : « et merde pour le Roi d’Angleterre… »
Nos relations avec ceux
d’outre-Manche n’étaient déjà pas au beau fixe !
Une autre version « historique »
donne à ce combat naval des dates et des lieux différents mais il s’agit
toujours de la Confiance qui arraisonne le Kent et du même juron adressé aux
Anglais !
L’usage de notre
« célèbre ? … » juron daterait-il de cette date et non de ce 18
juin 1815 à Waterloo, où il est attribué au Général Cambronne et que l’on
appelle souvent « le mot de Cambronne » ?
Selon une légende très populaire,
commandant le dernier carré de la Garde, au moment de cette triste défaite, sommé
de se rendre par le général britannique Colville, le général Cambronne aurait
répondu « La Garde meurt mais ne se rend pas ! » puis un
définitif « Merde ! » avant d'être grièvement blessé.
L'armée du Nord s'enfuit dans le plus complet désordre, abandonnant l'essentiel
de son train d'équipage et de son artillerie. Cambronne, blessé d’un coup de feu au sourcil gauche,
est fait prisonnier.
Il nia farouchement avoir prononcé ce juron avec panache en réponse au général anglais et toujours démenti avoir prononcé l’autre phrase qu’on lui attribue « la Garde meurt mais ne se rend pas ». « Je n'ai pas pu dire « La Garde meurt mais ne se rend pas », puisque je ne suis pas mort et que je me suis rendu »
Il semble bien que Cambronne ne
prononça ni la phrase ni le mot bien que dans nos habitudes, notre juron soit resté
« le mot de Cambronne ».
Concernant la phrase, c’est un
certain Rougemont, journaliste à la plume inventive, qui, dans la journée du
23 juin 1815, créa de toutes pièces la fameuse réponse, et la plaça dans
la bouche du général Cambronne ; le lendemain, il la faisait paraître dans
le Journal Général de France. En passant par le canal de quatre
journaux différents, elle subit plusieurs métamorphoses avant d’aboutir à sa
forme définitive : « La Garde meurt et ne se rend pas »
Deux autres faits « historiques »
nous donnent la preuve que l’usage de ce juron existait avant Waterloo.
Qui ne connait ce mot de Napoléon
qui en Conseil des Ministres restreint le 28 janvier 1809, s’adresse à
Talleyrand « Tenez Monsieur, vous n’êtes que de la merde dans un bas de
soie ! » Ce qui valut quelques temps plus tard devant un parterre
d’ambassadeurs, la réplique bien connue elle aussi : « Quel
dommage, Messieurs, qu’un si grand homme soit si mal élevé ! »
On dit aussi que 49 jours avant Waterloo, le
capitaine de vaisseau Collet (celui-là même qui, avec le grade de
contre-amiral, dirigera plus tard les opérations du blocus d’Alger), commandant
à ce moment la Melpomène, rencontrant devant Ischia le navire anglais Rivol et
sommé de se rendre aurait répondu au commandant anglais ce mot, très éloquent
dans sa brièveté : « Merde ».
« Le mot de Cambronne »
n’obtint de succès que vers 1830, soit quinze ans après la bataille.
Victor Hugo retrace successivement toutes les étapes de la glorieuse déchéance de Napoléon et raconte à sa façon la bataille de Waterloo amplifiant la "version Cambronne » et en faisant ainsi sa réputation. Il écrit : « Cambronne à Waterloo a enterré le premier empire dans un mot où est né le second », et dans Les Misérables: « Dire ce mot, et mourir ensuite. Quoi de plus grand ! car c'est mourir que de le vouloir, et ce n’est pas la faute de cet homme, si, mitraillé, il a survécu. (…) L'homme qui a gagné la bataille de Waterloo, c'est Cambronne. Foudroyer d’un tel mot le tonnerre qui vous tue, c’est vaincre. »
Mais on est déjà en 1853 !
Waterloo, Waterloo ! morne
plaine … !
Il faut se garder de transformer et
romancer l’histoire et admettre que la légende ait préféré emprunter au héros
de cet obscur combat naval le fameux juron pour le mettre sur les lèvres de Cambronne.
Le célèbre mot adressé aux
anglais est entré dans l’histoire. Symbole de la culture française il fallait
l’inscrire dans le dictionnaire de l’Académie. Cela donna lieu à une séance
épique et à quelques échanges que je peux présenter ainsi :
Les séances du Dictionnaire n’ont
pas toujours cette tristesse monotone que l’on prête aux réunions des Quarante,
rapporte Comoedia dans son numéro du 19 novembre 1926. La
journée précédente avait été consacrée en grande partie à la lecture des
discours destinés à être lus le jeudi suivant sous la Coupole, à l’occasion de
la réception de Louis Bertrand par Jules Cambon.
Louis Bertrand est un romancier
Académicien devenu dreyrusard puis hitlérien. Jules Cambon est un diplomate qui,
ambassadeur de France en poste à Berlin, reçut, le 3 août 1914, la déclaration
de guerre faite à la France. Pour plus de détails voir Wikipedia ou toute autre
encyclopédie.
Cette solennité de
réception d’un académicien est de tradition quai Conti. Après sa comparution
devant le conseil de lecture, dont la bienveillance est toujours acquise aux
néophytes dans l’humaine immortalité, M. Louis Bertrand, fut admis « aux
honneurs de la séance » où les immortels présents s’occupaient
précisément de l’indésirable substantif lancé jadis par le général Cambronne, à
la figure de nos bons alliés anglais.
« Le successeur au fauteuil
de Maurice Barrès recula d’horreur, un peu indigné que de tels propos fussent
prononcés en si bonne compagnie, car ce mot a de nombreuses acceptions et les
immortels avaient conçu de les discuter toutes, comme de pudiques magistrats
expédient en une seule audience des débats trop scabreux. » rapporte Comoedia
Tout en se gardant de romancer
l’histoire, on peut bien admettre que la légende ait préféré emprunter au héros
de cet obscur combat naval le fameux juron, pour le mettre sur les lèvres de
Cambronne.
Loin de ces considérations
historiques, le problème de l’admission du juron au sein du Dictionnaire se
posait aux académiciens. Allait-on l’admettre dans le code de la langue ?
Louis Bertrand qui avait là une belle occasion de participer pour la première
fois au travail du Dictionnaire, ne dit mot, en revanche, Jean Richepin fit une
spirituelle communication sur les titres de noblesse du mot, terme si expressif
dont il est impossible de trouver un aussi éloquent synonyme, rapporte Comoedia.
Bref la question se posait :
le substantif n’est pas français et sa suppression devait être décidée ;
ou bien il est de bon usage et légitimement français. Les Quarante délibérèrent
longuement puis rendirent le verdict suivant : « Merde restera
français avec sa définition substantive mais l’exclamation ne sera pas admise ».
C’est seulement dans la 9e édition
du Dictionnaire, dont le premier tome parut en 1992 que le juron fit son
entrée.
Cambronne ou pas, voilà ce juron admis au rang du bon français
et validé par l’Académie.
Je laisse à d’autres le soin de
décliner ce mot sous toutes ses utilisations ! dépit, colère, surprise,
refus ou souhait !
Et puis … je ne vous …..em…bêterai
( sic !) …. pas plus avec cette histoire ! surtout au 31 du mois
d’août 2025
Jean Mignot
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