mardi 30 septembre 2025

Octobre et les calendriers

 

du mois d’octobre et des calendriers

 

Le mois d’octobre plus que tout autre mois de l’année, nous renvoie, au moins par cinq fois tout au long de ses trente et un jours, vers cette recherche des hommes qui depuis la nuit des temps, ont cherché un moyen pour mesurer la course du temps, celle du soleil et de la lune, et d’avoir ainsi un système de référence commun qui permette les échanges entre régions et pays, commerce mais aussi impôts ! c’est-à-dire les calendriers.

Tout d’abord son nom :10 e mois de notre année octobre garde son nom lié à sa place de 8ème dans le calendrier en vigueur à la fondation de Rome. Une année de dix mois qui commençait au mois de mars et qui dans ses derniers mois ne faisait plus référence pour le nom des mois à un dieu ou à une déesse mais à leur place dans la série : cinq, six, sept, huit, neuf, dix…

Ce calendrier fut remplacé, à la demande de Jules César, par un système élaboré par Sosigène d’Alexandrie. Calendrier dit « julien » il fixait entre autres choses, le début de l'année consulaire au 1er janvier entraînant un changement dans l’ordre des dix mois en ajoutant janvier par référence au dieu Janus, le dieu à deux faces qui regarde derrière et devant et un mois « intercalaire » dont il nous reste février et les années bissextiles. Ainsi octobre fut déclassé et devint le 10e mois de notre année de douze.

Le nom des quatre derniers mois fut conservé et dans l’écriture courante notamment pour les actes d’Etat-civil ils s’écriront longtemps du moins jusqu’à la Révolution VIIbre, ou 7bre (septembre) ; VIIIbre, ou 8bre (octobre) ; IXbre, ou 9bre (novembre) ; Xbre, ou 10bre (décembre).

Octobre nous rappelle ces calendriers anciens et les réformes de nos Anciens pour rechercher une mesure du temps qui se rapproche le plus de la course du soleil.

Un deuxième rappel nous est donné par octobre. C’est en ce mois et en l’an 1582 qu’on est passé du calendrier « julien » au calendrier actuel dit « grégorien ».

Le calendrier « julien » qui avait eu belle durée de vie de plus de 15 siècles comportait en effet une légère erreur qui entraînait un décalage de 12 minutes par an, soit 20 heures par siècle et 8 jours par millénaire, soit une dérive d’une dizaine de jours entre l’année sidérale (365,256 durée de la révolution de la terre autour du soleil) et l’année tropique (soit 365,242 jours, intervalle avant le retour du soleil à sa même position dans le ciel). L’équinoxe calendaire et les saisons ne coïncidaient plus au cycle réel du soleil

Il fallait remettre de l’ordre notamment pour que les saisons correspondent aux mois et que la date de Pâques qui détermine les fêtes chrétiennes soit le plus proche possible de la date du calendrier hébraïque. C’est pourquoi les Pères conciliaires réunis en concile, à Trente demandèrent une révision du système.

En février 1582, la bulle « Inter gravissimas » du Pape Grégoire XIII sur la base des travaux d’une importante commission dont on n’a retenu que le nom de deux savants, le calabrais Aloïsius Lilio et le jésuite allemand Christophe Flavius décida que le jeudi 4 octobre 1582 serait immédiatement suivi du vendredi 15 octobre, afin de compenser le décalage accumulé.

La bulle fut effectivement appliquée le 4 octobre dans la plupart des pays catholiques. Dans ces pays-là les 5,6,7,8,9 octobre n’ont donc jamais existé. Cependant, les pays protestants comme les pays orthodoxes ont ignoré ou refusé cette réforme, du fait qu'ils récusaient l'autorité religieuse du pape. A fortiori, les pays non chrétiens, musulmans ou autres (Chine, etc.). « Il vaut mieux ne pas être d’accord avec le soleil plutôt que de l’être avec Rome ! » aurait dit Voltaire qui pourtant ne vivait pas à cette époque, ce qui fait peser un grand doute sur l’authenticité de cette citation !

Une dizaine de jours qui n’ont jamais existé mais pas de façon uniforme dans tous les pays.  Par exemple en France la mise en œuvre de cette décision se fit en décembre 1582. Dix jours de décembre 1582 qui n’ont jamais existé entre le 13 et le 23 décembre, entrainant dans leur réforme le fameux dicton de la saint Luce, fête de la lumière à la veille du solstice alors le 24 décembre. C’est désormais à la date du solstice que les jours avancent du saut d’une puce et non à la saint Luce. Le vieux dicton a survécu et il est encore très souvent cité. A tort !

Les pays protestants et les pays orthodoxes ont mis en œuvre cette réforme à des dates différentes dans un délai plus ou moins long, entre 1700 et 1923, de même que certains pays musulmans au XIX ème ou au XXème siècle. D'une façon plus générale, le calendrier « grégorien » est aujourd'hui le calendrier international de référence

Cela peut donner des situations cocasses ! Cervantès « le Mancho de Lépante » créateur du célèbre Don Quichotte et William Shakespeare auteur du si célèbre Romeo et Juliette et de Hamlet seraient morts le même jour le 26 avril 1616 ! Or il n’en est rien !  « Etre ou ne pas être telle est la question ». En en effet en 1616 l’Espagne catholique avait appliqué le calendrier « grégorien » alors que pour le royaume d’Angleterre on était encore sous le régime du calendrier « julien » ( jusqu’en 1752), soit en concordance, le 3 mai 1616. Mais on continue de se référer à la date des calendriers en cours dans chacun de ces pays et on dit que les deux célèbres écrivains sont morts le même jour !

C’est cette application tardive dans les pays orthodoxes qui nous fait parler de la « révolution d’Octobre » en Russie.

C’est le troisième rappel que nous apporte octobre en lien avec la réforme des calendriers.

Dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917, les bolcheviks s'emparent des principaux centres de décision de la capitale russe, Petrograd (l’ancienne Saint-Pétersbourg). Ce coup de force sans véritable soutien populaire est baptisé « Révolution d'Octobre » car il s'est déroulé dans la nuit du 25 au 26 octobre selon le calendrier « julien » en vigueur dans l'ancienne Russie jusqu'au 14 février 1918. Le top départ de la révolte sera donné à 21h40 par un coup de canon tiré depuis le navire « l’Aurore ». Un clin d’œil de plus au temps !

Le calendrier grégorien sera adopté en Russie peu après cet évènement. Le 24 janvier 1918, le Conseil des commissaires du peuple publie un décret selon lequel le mercredi 31 janvier 1918 sera suivi du 14 février 1918. Mais l’église orthodoxe continue de se référer au calendrier « Julien » d’où les fêtes de Noël et de Pâques célébrées avec dix jours de décalage. Position de principe difficile à comprendre puisque le calendrier « julien » n’a pas de référence religieuse !

Ne confondons pas cette « Révolution d’octobre » qui a bien un lien avec le mois d’octobre et les calendriers avec « Octobre rouge », cette mutinerie de capitaine Valéry Sabline qui prend de force une frégate soviétique, histoire en partie vraie qui eut lieu en pleine guerre froide et a inspiré un film avec Sean Connery et le roman « à la poursuite d’octobre rouge ». 

De même je cite seulement pour mémoire « Octobre rose » dont la cause bien fondée ne saurait être mise en cause.  

Dans la nuit du 25 au 26 octobre, nous changerons d’heure cette année encore malgré les sondages qui prouvent qu’on ne veut plus de ce changement. C’est le quatrième rappel que nous fait octobre. Encore une question de calendrier puisqu’il s’agit de caler la durée de nos jours sur la course du soleil. Ainsi, dans la plupart des pays ou régions d'Europe qui appliquent l'heure d'été, le dernier dimanche d'octobre est celui du passage à l'heure d'hiver, c'est-à-dire le retour à l'heure normale du fuseau horaire.

Selon une étude de l’Agence de la transition écologique, le changement d'heure permettrait à la France d'économiser 351 GWhs chaque année, soit 0,07% de sa consommation énergétique totale. Ce serait intéressant de connaître la position de nos écologistes !

Au passage je ne peux m’empêcher de rire quand j’entends dire que ce changement d’heure perturbe les animaux ! Que je sache, les oiseaux commencent à piailler dès que le jour se lève sans se demander l’heure qu’il est ! Et les vaches ??  et les autres animaux ???  

 A la fin de ce mois, Octobre nous fait un dernier et cinquième rappel.

L’année celtique était rythmée par deux périodes. Dans nuit du 31 octobre au 1er novembre on entrait dans la période sombre et froide. C’était la fête de Samain qui correspond au début de l’année et de la saison sombre. Ce que nous appelons « halloween » se dit en gaélique « oiche sahmhna ». C’était le soir sacré où on célébrait les ancêtres, les héros et les morts avant les inquiétudes et les rigueurs de l’hiver.  Le 31 octobre qui était donc le soir sacré, la veille du jour des saints et ce bien avant que la fête de Toussaint soit fixée au 1er novembre. Aujourd’hui avec l’influence des opérations commerciales venues d’Amérique que nous dénonçons par ailleurs nous a fait totalement oublier le sens sacré de cette fête. On a oublié qu’Halloween littéralement « allhallow-even » soit « eve of All saints ». Une dérive manipulée par le commerce, où le laid, voire les sorcières et autres personnages démoniaques, sont fêtés sans aucun respect de la vocation d’origine de ce jour n’en déplaise à tous ceux partisans de cette fête ! On ferait mieux de nous conseiller de bonnes recettes à base de courge aux effets bien connus plutôt que d’en faire des épouvantails. Notre santé à tous pourrait mieux s’en porter

Les Uzétiens m’en voudraient si je ne parlais pas de leur saint Firmin dont la foire si réputée a été supprimée par décision municipale car ne correspondant plus à l’actualité et compensée par les beaux marchés des Samedis d’Uzès. D’autres saints Firmin, celui d’Amiens et celui de la féria de Pamplona sont célébrés le 25 septembre. Il faut bien montrer nos particularités et à Uzès nous avons ses reliques dans la reproduction de son corps en cire dans un cercueil de verre et ses belles statues !   Notre saint Firmin fut élu évêque d’Uzès à 22 ans, en 538. Il mourut, selon la tradition en 553, au lieudit « Firminargues » un lieu qui existe toujours.  Il fut enterré dans la basilique qu’il avait fait construire dans un faubourg d’Uzès. Les actes de Saint Firmin nous racontent le cortège qui accompagnait sa dépouille mortelle. A la traversée d’un bois un ours surgit qui se jeta sur le cortège et attaqua un des deux bœufs qui tiraient la charrette/corbillard. Au bout d’un certain temps, le calme revenu les gens d’Uzès osèrent approcher pour voir où en était la situation. L’ours qui avait tué un des deux bœufs, dormait, repus. Ils attachèrent cet ours en lieu et place du bœuf mort et c’est avec ce curieux cortège, un bœuf et un ours, que l’Evêque Firmin d’Uzès fut amené à son lieu de sépulture aujourd’hui difficilement identifiable, au quartier de La Périne.  Le lieu prit de l’importance et devint un vrai bourg avec sa propre administration et ses consuls. Les pèlerins vinrent sur la tombe de Firmin. Cela attira les commerces et on fit même une foire. Les affaires dégénérèrent et le clergé fit disparaître les reliques. La foire subsista jusqu’à la disparition de ce bourg. En 1385 la ville d’Uzès, fut autorisée, par lettres patentes du Roi de France, à organiser cette foire à l’intérieur des murs. C’est feu notre foire de la saint Firmin, disparue aujourd’hui et qui mérite ce rappel « historique » notamment à cause de son originalité dans une version, celle que je prétends bien sûr la plus historique.   Les retrouvailles de ses reliques m’amèneraient à une trop longue digression et ce serait sortir du sujet de ma chronique qui a pour objectifs les rapprochements d’octobre avec l’évolution des calendriers.

Cependant je voudrais rappeler quelques faits qui ont eu lieu en octobre et qui ont marqué sinon ce mois et les calendriers, l’histoire de notre humanité. Octobre c’est en 480 av. JC, la bataille de Salamine qui délivra la Grèce de l’occupation Perse ; octobre c’est en 380 av. JC Alexandre vainqueur de Darius à Arbelles connue aussi comme bataille d’Issus, immortalisée par une peinture de Lebrun exposée au Louvre avec au premier plan au centre la célèbre figure de l’effroi du soldat perse. Il faut aller voir ce dessin à la pierre noire : « l’effroy, expression de l’âme » exposé à la bibliothèque de l’Ecole normale supérieure. C’est, immortalisé, ce moment où le Conquérant s’assure la conquête de l’Asie. A Philippes, en Macédoine, au mois d’octobre, en 42 av . JC périrent en quelque sorte les derniers romains et avec eux leur république. C’est encore un mois d’octobre, que Constantin livra une grande bataille sur les bords du Tibre et arriva ainsi aux portes de Rome. On sait l’influence de cette bataille sur la propagation du christianisme qui devait marquer si profondément l’histoire des peuples. C’est aussi en octobre, le 7 du mois de l’an 1571, qu’eut lieu la fameuse bataille de Lépante et quelques centaines d’années plus tard le 14 octobre 1806 celle d’Iéna. C’est en octobre 1789, que le peuple de Paris, avec à sa tête sept à huit mille femmes, envahit le château de Versailles et ramena avec lui, en un voyage de neuf heures, « le boulanger, la boulangère et le petit mitron » jusqu’aux Tuileries, faisant prendre ainsi un tournant irréversible à la révolution vers la chute de la royauté. Autant de faits qui se sont passés en octobre. Le 1er octobre 1438 alors qu’une famine sévissait dans notre pays « les loups sont entrés dans Paris » comme le chantait si bien Serge Reggiani, dévorant quelques parisiens ! 

Octobre c’est le brumaire de feu le calendrier républicain « Octobre en brumes, mois à rhumes ».  Selon d’autres sources, le temps d'octobre annoncerait celui des mois suivants.

Je relève seulement qu’au moment de la Nouvelle Lune du 21 septembre, avec éclipse et nœud lunaire le temps a changé nous plongeant résolument dans l’automne.

Soyez prudents et couvrez-vous bien :

« Oou mes doctobre, Qu’a res de raoubo, que n’en trobe. »

A Diou sias.

 

 

 Jean Mignot

 

 

 

 

 

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