du mois d’octobre et des
calendriers
Le mois d’octobre plus que tout
autre mois de l’année, nous renvoie, au moins par cinq fois tout au long de ses
trente et un jours, vers cette recherche des hommes qui depuis la nuit des
temps, ont cherché un moyen pour mesurer la course du temps, celle du soleil et
de la lune, et d’avoir ainsi un système de référence commun qui permette les
échanges entre régions et pays, commerce mais aussi impôts ! c’est-à-dire
les calendriers.
Tout d’abord son nom :10 e
mois de notre année octobre garde son nom lié à sa place de 8ème
dans le calendrier en vigueur à la fondation de Rome. Une année de dix mois qui
commençait au mois de mars et qui dans ses derniers mois ne faisait plus
référence pour le nom des mois à un dieu ou à une déesse mais à leur place dans
la série : cinq, six, sept, huit, neuf, dix…
Ce calendrier fut remplacé, à la
demande de Jules César, par un système élaboré par Sosigène d’Alexandrie. Calendrier
dit « julien » il fixait entre autres choses, le début de
l'année consulaire au 1er janvier entraînant un changement dans l’ordre
des dix mois en ajoutant janvier par référence au dieu Janus, le dieu à deux
faces qui regarde derrière et devant et un mois « intercalaire » dont
il nous reste février et les années bissextiles. Ainsi octobre fut déclassé et
devint le 10e mois de notre année de douze.
Le nom des quatre derniers mois
fut conservé et dans l’écriture courante notamment pour les actes
d’Etat-civil ils s’écriront longtemps du moins jusqu’à la Révolution VIIbre, ou
7bre (septembre) ; VIIIbre, ou 8bre (octobre) ; IXbre, ou
9bre (novembre) ; Xbre, ou 10bre (décembre).
Octobre nous rappelle ces
calendriers anciens et les réformes de nos Anciens pour rechercher une mesure
du temps qui se rapproche le plus de la course du soleil.
Un deuxième rappel nous est
donné par octobre. C’est en ce mois et en l’an 1582 qu’on est passé du
calendrier « julien » au calendrier actuel dit « grégorien ».
Le calendrier « julien »
qui avait eu belle durée de vie de plus de 15 siècles comportait en effet une
légère erreur qui entraînait un décalage de 12 minutes par an, soit 20 heures
par siècle et 8 jours par millénaire, soit une dérive d’une dizaine de jours
entre l’année sidérale (365,256 durée de la révolution de la terre
autour du soleil) et l’année tropique (soit 365,242 jours, intervalle
avant le retour du soleil à sa même position dans le ciel). L’équinoxe
calendaire et les saisons ne coïncidaient plus au cycle réel du soleil
Il
fallait remettre de l’ordre notamment pour que les saisons correspondent aux
mois et que la date de Pâques qui détermine les fêtes chrétiennes soit le plus
proche possible de la date du calendrier hébraïque. C’est pourquoi les Pères
conciliaires réunis en concile, à Trente demandèrent une révision du système.
En février 1582, la bulle «
Inter gravissimas » du Pape Grégoire XIII sur la base des
travaux d’une importante commission dont on n’a retenu que le nom de deux
savants, le calabrais Aloïsius Lilio et le jésuite allemand Christophe Flavius décida
que le jeudi 4 octobre 1582 serait immédiatement suivi du
vendredi 15 octobre, afin de compenser le décalage accumulé.
La bulle fut effectivement
appliquée le 4 octobre dans la plupart des pays catholiques. Dans ces pays-là
les 5,6,7,8,9 octobre n’ont donc jamais existé. Cependant, les pays
protestants comme les pays orthodoxes ont ignoré ou refusé cette
réforme, du fait qu'ils récusaient l'autorité religieuse du pape. A fortiori,
les pays non chrétiens, musulmans ou autres (Chine, etc.). « Il vaut
mieux ne pas être d’accord avec le soleil plutôt que de l’être avec Rome ! »
aurait dit Voltaire qui pourtant ne vivait pas à cette époque, ce qui fait
peser un grand doute sur l’authenticité de cette citation !
Une dizaine de jours qui n’ont
jamais existé mais pas de façon uniforme dans tous les pays. Par exemple en France la mise en œuvre de
cette décision se fit en décembre 1582. Dix jours de décembre 1582 qui n’ont
jamais existé entre le 13 et le 23 décembre, entrainant dans leur réforme le
fameux dicton de la saint Luce, fête de la lumière à la veille du solstice
alors le 24 décembre. C’est désormais à la date du solstice que les jours
avancent du saut d’une puce et non à la saint Luce. Le vieux dicton a survécu
et il est encore très souvent cité. A tort !
Les pays protestants et les pays
orthodoxes ont mis en œuvre cette réforme à des dates différentes dans un délai
plus ou moins long, entre 1700 et 1923, de même que certains pays musulmans au
XIX ème ou au XXème siècle. D'une façon plus générale, le calendrier « grégorien »
est aujourd'hui le calendrier international de référence
Cela peut donner des situations
cocasses ! Cervantès « le Mancho de Lépante » créateur du
célèbre Don Quichotte et William Shakespeare auteur du si célèbre Romeo et
Juliette et de Hamlet seraient morts le même jour le 26 avril 1616 ! Or il
n’en est rien ! « Etre ou ne pas
être telle est la question ». En en effet en 1616 l’Espagne catholique
avait appliqué le calendrier « grégorien » alors que pour le
royaume d’Angleterre on était encore sous le régime du calendrier « julien »
( jusqu’en 1752), soit en concordance, le 3 mai 1616. Mais on continue de
se référer à la date des calendriers en cours dans chacun de ces pays et on dit
que les deux célèbres écrivains sont morts le même jour !
C’est cette application tardive
dans les pays orthodoxes qui nous fait parler de la « révolution
d’Octobre » en Russie.
C’est le troisième rappel que
nous apporte octobre en lien avec la réforme des calendriers.
Dans la nuit du 6 au 7 novembre
1917, les bolcheviks s'emparent des principaux centres de décision de la
capitale russe, Petrograd (l’ancienne Saint-Pétersbourg). Ce coup de force sans
véritable soutien populaire est baptisé « Révolution
d'Octobre » car il s'est déroulé dans la nuit du 25 au 26 octobre
selon le calendrier « julien » en vigueur dans l'ancienne
Russie jusqu'au 14 février 1918. Le top départ de la révolte sera donné à 21h40
par un coup de canon tiré depuis le navire « l’Aurore ». Un clin
d’œil de plus au temps !
Le calendrier grégorien sera
adopté en Russie peu après cet évènement. Le 24 janvier 1918, le Conseil
des commissaires du peuple publie un décret selon lequel le
mercredi 31 janvier 1918 sera suivi du 14 février 1918. Mais
l’église orthodoxe continue de se référer au calendrier « Julien »
d’où les fêtes de Noël et de Pâques célébrées avec dix jours de décalage.
Position de principe difficile à comprendre puisque le calendrier « julien »
n’a pas de référence religieuse !
Ne confondons pas cette « Révolution
d’octobre » qui a bien un lien avec le mois d’octobre et les
calendriers avec « Octobre rouge », cette mutinerie
de capitaine Valéry Sabline qui prend de force une frégate soviétique, histoire
en partie vraie qui eut lieu en pleine guerre froide et a inspiré un film avec
Sean Connery et le roman « à la poursuite d’octobre rouge ».
De même je cite seulement pour
mémoire « Octobre rose » dont la cause bien fondée
ne saurait être mise en cause.
Dans la nuit du 25 au 26 octobre,
nous changerons d’heure cette année encore malgré les sondages qui prouvent qu’on
ne veut plus de ce changement. C’est le quatrième rappel que nous fait octobre.
Encore une question de calendrier puisqu’il s’agit de caler la durée de nos
jours sur la course du soleil. Ainsi, dans la plupart des pays ou régions
d'Europe qui appliquent l'heure d'été, le dernier dimanche d'octobre est
celui du passage à l'heure d'hiver, c'est-à-dire le retour à l'heure normale du
fuseau horaire.
Selon une étude de l’Agence de
la transition écologique, le changement d'heure permettrait à la France
d'économiser 351 GWhs chaque année, soit 0,07% de sa consommation énergétique
totale. Ce serait intéressant de connaître la position de nos écologistes !
Au passage je ne peux m’empêcher
de rire quand j’entends dire que ce changement d’heure perturbe les
animaux ! Que je sache, les oiseaux commencent à piailler dès que le jour
se lève sans se demander l’heure qu’il est ! Et les vaches ?? et les autres animaux ???
A la fin de ce mois, Octobre nous fait un
dernier et cinquième rappel.
L’année celtique était rythmée par
deux périodes. Dans nuit du 31 octobre au 1er novembre on entrait dans la
période sombre et froide. C’était la fête de Samain qui correspond au début de
l’année et de la saison sombre. Ce que nous appelons « halloween » se
dit en gaélique « oiche sahmhna ». C’était le soir sacré où on célébrait
les ancêtres, les héros et les morts avant les inquiétudes et les rigueurs de
l’hiver. Le 31 octobre qui était donc le
soir sacré, la veille du jour des saints et ce bien avant que la fête de
Toussaint soit fixée au 1er novembre. Aujourd’hui avec l’influence des
opérations commerciales venues d’Amérique que nous dénonçons par ailleurs nous
a fait totalement oublier le sens sacré de cette fête. On a oublié qu’Halloween
littéralement « allhallow-even » soit « eve of All
saints ». Une dérive manipulée par le commerce, où le laid, voire les
sorcières et autres personnages démoniaques, sont fêtés sans aucun respect de
la vocation d’origine de ce jour n’en déplaise à tous ceux partisans de cette
fête ! On ferait mieux de nous conseiller de bonnes recettes à base de
courge aux effets bien connus plutôt que d’en faire des épouvantails. Notre
santé à tous pourrait mieux s’en porter
Les Uzétiens m’en voudraient si
je ne parlais pas de leur saint Firmin dont la foire si réputée a été supprimée
par décision municipale car ne correspondant plus à l’actualité et compensée
par les beaux marchés des Samedis d’Uzès. D’autres saints Firmin, celui
d’Amiens et celui de la féria de Pamplona sont célébrés le 25 septembre. Il
faut bien montrer nos particularités et à Uzès nous avons ses reliques dans la
reproduction de son corps en cire dans un cercueil de verre et ses belles statues !
Notre saint Firmin fut élu évêque d’Uzès à 22 ans, en 538. Il mourut,
selon la tradition en 553, au lieudit « Firminargues » un lieu qui
existe toujours. Il fut enterré dans la
basilique qu’il avait fait construire dans un faubourg d’Uzès. Les actes de
Saint Firmin nous racontent le cortège qui accompagnait sa dépouille mortelle.
A la traversée d’un bois un ours surgit qui se jeta sur le cortège et attaqua
un des deux bœufs qui tiraient la charrette/corbillard. Au bout d’un certain
temps, le calme revenu les gens d’Uzès osèrent approcher pour voir où en était
la situation. L’ours qui avait tué un des deux bœufs, dormait, repus. Ils
attachèrent cet ours en lieu et place du bœuf mort et c’est avec ce curieux
cortège, un bœuf et un ours, que l’Evêque Firmin d’Uzès fut amené à son lieu de
sépulture aujourd’hui difficilement identifiable, au quartier de La Périne. Le lieu prit de l’importance et devint un vrai
bourg avec sa propre administration et ses consuls. Les pèlerins vinrent sur la
tombe de Firmin. Cela attira les commerces et on fit même une foire. Les
affaires dégénérèrent et le clergé fit disparaître les reliques. La foire
subsista jusqu’à la disparition de ce bourg. En 1385 la ville d’Uzès, fut
autorisée, par lettres patentes du Roi de France, à organiser cette foire à
l’intérieur des murs. C’est feu notre foire de la saint Firmin, disparue
aujourd’hui et qui mérite ce rappel « historique » notamment à cause
de son originalité dans une version, celle que je prétends bien sûr la plus
historique. Les retrouvailles de ses
reliques m’amèneraient à une trop longue digression et ce serait sortir du
sujet de ma chronique qui a pour objectifs les rapprochements d’octobre avec
l’évolution des calendriers.
Cependant je voudrais rappeler
quelques faits qui ont eu lieu en octobre et qui ont marqué sinon ce mois et
les calendriers, l’histoire de notre humanité. Octobre c’est en 480 av. JC, la
bataille de Salamine qui délivra la Grèce de l’occupation Perse ; octobre
c’est en 380 av. JC Alexandre vainqueur de Darius à Arbelles connue aussi comme
bataille d’Issus, immortalisée par une peinture de Lebrun exposée au Louvre
avec au premier plan au centre la célèbre figure de l’effroi du soldat perse.
Il faut aller voir ce dessin à la pierre noire : « l’effroy, expression
de l’âme » exposé à la bibliothèque de l’Ecole normale supérieure. C’est,
immortalisé, ce moment où le Conquérant s’assure la conquête de l’Asie. A
Philippes, en Macédoine, au mois d’octobre, en 42 av . JC périrent en
quelque sorte les derniers romains et avec eux leur république. C’est encore un
mois d’octobre, que Constantin livra une grande bataille sur les bords du Tibre
et arriva ainsi aux portes de Rome. On sait l’influence de cette bataille sur
la propagation du christianisme qui devait marquer si profondément l’histoire
des peuples. C’est aussi en octobre, le 7 du mois de l’an 1571, qu’eut lieu la
fameuse bataille de Lépante et quelques centaines d’années plus tard le 14
octobre 1806 celle d’Iéna. C’est en octobre 1789, que le peuple de Paris, avec
à sa tête sept à huit mille femmes, envahit le château de Versailles et ramena
avec lui, en un voyage de neuf heures, « le boulanger, la boulangère et
le petit mitron » jusqu’aux Tuileries, faisant prendre ainsi un
tournant irréversible à la révolution vers la chute de la royauté. Autant de
faits qui se sont passés en octobre. Le 1er octobre 1438 alors
qu’une famine sévissait dans notre pays « les loups sont entrés dans
Paris » comme le chantait si bien Serge Reggiani, dévorant quelques
parisiens !
Octobre c’est le brumaire de feu
le calendrier républicain « Octobre en brumes, mois à rhumes ». Selon d’autres sources, le temps d'octobre
annoncerait celui des mois suivants.
Je relève seulement qu’au moment
de la Nouvelle Lune du 21 septembre, avec éclipse et nœud lunaire le temps a changé
nous plongeant résolument dans l’automne.
Soyez prudents et couvrez-vous
bien :
« Oou
mes doctobre, Qu’a res de raoubo, que n’en trobe. »
A Diou sias.
Jean Mignot