dimanche 5 novembre 2023

La Toussaint et quelques rappels historiques

 Quelques rappels sur le sens de la Toussaint et un contexte historique

 

La Toussaint est, comme son nom l’indique, la fête de tous les saints. Autrement dit, sont célébrées ce jour-là les personnes officiellement reconnues comme saintes« à l’issue d’une procédure dite de ’canonisation’ », mais aussi toutes les autres n’ayant pas bénéficié de cette reconnaissance. Cette fête ne tire pas son origine des textes bibliques, mais a été instaurée par l’Église. Dans un premier temps, l’idée était de rendre hommage aux martyrs c’est-à-dire « des personnes qui ont souffert, ont été mises à mort pour avoir refusé d’abjurer leur foi, leur religion », selon le dictionnaire Le Robert. Néanmoins, il n’existait pas de date fixe.  C’est le pape Boniface IV (608-615) qui, en 610, décide de placer cette fête le 13 mai. À cette occasion, les reliques des martyrs sont transférées au Panthéon de Rome qui devient l’église Sainte-Marie aux Martyrs. La date est ensuite fixée au 1er novembre par le pape Grégoire III (731-741). Environ un siècle plus tard, en 835, Grégoire IV (827-844) impose que « cette fête soit célébrée dans le monde entier.

Ces choix ne sont d’ailleurs pas anodins. Ils permettent en effet de concurrencer des fêtes non-chrétiennes, comme Samain célébrée par les Celtes entre le 31 octobre et le 1er novembre. Une fois insérée dans le calendrier, la Toussaint rythme, avec les autres fêtes religieuses, l’année des fidèles.  

Le jour de la Toussaint est reconnu férié en France depuis le Concordat de 1801, entre Napoléon et le Pape Pie VII, organisant les rapports entre les différentes religions et l'État.

Il est amusant de noter que ce concordat qui n’est plus appliqué en France nous ramène à l’histoire et à l’actualité au moins sur les quatre points que voici ;

1/ Ce concordat reste en vigueur dans trois départements de l’Est (Bas-Rhin, Haut Rhin et Moselle) qui suite à l’occupation allemande sont restés sous les dispositions de ce concordat de 1801, quand ils sont redevenus français.

2/ Les tractations autour de l’élaboration de ce concordat avaient amené Bonaparte à obliger le Pape Pie VII à signer un autre concordat en 1802 ? dit Concordat de Fontainebleau. Le Pape s’était retracté de sa signature sous l’influence entre autres du Cardinal Pacca qui sera exilé à Uzès pas Napoléon. Il y fera un assez court séjour logé dans l’hôtel d’Amoreux. Son portrait est exposé dans les sacristies de la Cathédrale et une stalle de couleur grise, qui lui était dit-on destinée, rappelle ce fait.

3/ Ce concordat de 1801 comportait une autre disposition que le pape Pie VII avec acceptée, et qui était de demander aux évêques d’ancien régime de démissionner pour laisser nommer en accord avec Napoléon des évêques dans les nouveaux diocèses créés. C’est dans ce contexte que le diocèse d’Uzès a disparu. L’’ancien évêque d’Uzès, Mgr de Béthisy de Mézières qui avait émigré, refusa de démissionner de son poste d’Évêque d’Uzès alors qu’il n’y résidait plus et que l’evêché avait été supprimé ! Il mourra à Londres après avoir finalement reconnu le rattachement de l’évêché d’Uzès à celui d’Avignon avant qu’il soit rattaché à l’évêché de Nîmes.

Toussaint jour férié, vestige du concordat de 1801 nous rappelle ces deux faits « uzétiens » !

4 / Toussaint vestige du concordat de 1801 nous ramène au débat sur la laïcité.

La première constitution de notre République avait bien créé un état laïc, mais Bonaparte, après des tas de déboires, avait rétabli la prédominance de la religion catholique. « Il me faut un Pape qui rapproche au lieu de diviser ; et qui réconcilie les esprits, les réunisse et les donne au gouvernement sorti de la Révolution pour prix de la protection qu’il en aura obtenue. Et pour cela il me faut le vrai pape : catholique, apostolique et romain, celui qui siège au Vatican. Avec les armées françaises et des égards, j’en serai toujours le maître. Il fera ce que je lui demanderai dans l’intérêt du repos général ; il calmera les esprits, les réunira sous sa main et les placera dans les miennes. »

Le 16 juillet 1802 (27 messidor an IX), le Concordat restaure la religion catholique en France et abolit la loi de 1795 séparant l’Église de l’État ; en retour, le Saint Siège reconnait la légitimité de la République. « De toutes choses entreprises par Bonaparte, écrit Châteaubriant, celle qui lui coûta le plus fut indubitablement son Concordat ».

En 1905, la loi de séparation de l’Église et de l’État, si durement discutée de part et d’autre ne toucha pas à certaines dispositions de ce Concordat et de l’arrêté du 19 avril 1802 qui instituait la Toussaint comme jour férié. L’article 42 stipule : « Les dispositions légales relatives aux jours actuellement fériés sont maintenues ».

Mais Il n’y avait alors que quatre jours prévus dans ces dispositions : Noël, l’Ascension, l’Assomption et la Toussaint. C’est le gouvernement de M. de Freycinet, qui dans sa loi du 8 mars 1886, en pleine querelle religieuse, et surtout dans le cadre des grands mouvements sociaux qui ont marqué la IIIe République, créa, entre autres jours fériés, le lundi de Pâques et le Lundi de Pentecôte.

On se pose encore aujourd’hui la question du pourquoi de cette décision qui n’a rien de religieux. Sans doute Charles Louis de Freycinet, Président du Conseil, homme de conciliation et de compromis au point qu’on l’avait surnommé « la souris blanche » (il faisait le tampon entre Jules Ferry et Gambetta !) cherchait-il la paix sociale !

Cela valait la peine de rappeler ces points d’histoire.

 

Jean Mignot le 1er Novembre 2023

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