Février un mois intercalaire
Février
par ses origines, nous rappelle que nous sommes dans ces mois qui ont
donné lieu à de savants calculs pour arriver à faire coïncider
les saisons, régies par le soleil, et les phases de la lune, qui
ont, elles, tant d’influence sur les plantes et les hommes.
Chaldéens,
babyloniens, grecs, chinois, égyptiens, romains entre autres,
s’étaient aperçu d’un problème de concordance entre leurs
différents calendriers et les saisons. Il fallut faire des calculs
compliqués pour arriver à faire coïncider les cycles de la lune et
ceux du soleil. On rajoutait des mois ou des jours de complément.
Dans presque tous les cas on ajouta un « mensis
intercalaris »
un mois intercalaire
pour retomber sur
pieds, c'est-à-dire sur la coïncidence avec le début des saisons.
C’est
ainsi que chez les Chinois, dont le calendrier est pourtant l’un
des plus précis, il faut par exemple que l’équinoxe de printemps
tombe toujours dans le second mois de l’année. On rajoute alors un
treizième mois si nécessaire. Cette année le premier jour de l’an
chinois étant fin janvier au début de la phase de la nouvelle lune,
l’équinoxe de printemps sera bien dans le deuxième mois de
l’année chinoise !
Février
est un de ces mois
intercalaires qui
présente en plus la particularité d’être plus court que les
autres parce qu’il a été victime des différentes tentatives
d’organisation du calendrier à travers les siècles. En plus il
est de temps en temps bissextile ! Il faut donc donner ici
quelques explications, surtout dans un contexte où des tentatives de
bouleverser le rythme des jours fériés, et le grand débat sur les
religions et l’état, ramène à la une la question des
calendriers.
Ce
mois a été ajouté aux autres pour arriver à un calcul très
compliqué, pour passer d’une année de 10 mois et de 304 jours à
12 mois et 365 jours. C’est Jules César qui en 46 avant
Jésus-Christ, soit en l’an 708 de la fondation de Rome, avec
l’aide de l’astronome Sosigène d’Alexandrie, fit rajouter 90
jours pour ramener le calendrier en concordance avec les saisons, car
les différentes sortes de calculs en usage alors avaient entraîné
un important décalage.
Cependant
ce calendrier « Julien » amenait lui aussi, des
distorsions importantes dont on prit peu à peu conscience. 3 jours
en 4 siècles, et actuellement 13 jours (d’où le décalage des
fêtes avec l’église orthodoxe et la Russie qui continuent de
l’appliquer encore, et une révolution d’octobre qui eut lieu en
novembre !!!) Mais pas cette année puisque Pâques des deux
calendriers tombe le même jour !
Une
réflexion sur la réforme du calendrier a commencé dès le 19ème
siècle. Après les tentatives de l’abbé Mastrofini en 1834,
d’Auguste Comte en 1849, celle de Camille Flammarion, une étude
sérieuse de la Société des Nations en 1922 concluait en 1931 qu’il
ne fallait rien modifier, Après l’échec du calendrier
républicain, si poétique, mais sans références astronomiques
assez sérieuses, c’est le calendrier
« grégorien »
qui resta le plus universellement reconnu et en vigueur.
L’Eglise
catholique s’est toujours montrée ouverte au dialogue sur ce
sujet. En cette année où l’on célèbre le 1700 ème anniversaire
du célèbre concile de Nicée qui avait fixé la date de Pâques,
le Pape François, ce samedi 25 janvier a déclaré :«
Je renouvelle mon appel pour que cette coïncidence serve de rappel à
tous les chrétiens à faire un pas décisif vers l’unité, et ce
autour d’une date commune pour Pâques
»
On
imagine facilement la répercussion énorme qu’un accord sur une
date unique entrainerait, du fait que Pâques détermine une série
de fêtes assorties de ponts et de jours fériés.
Pourtant
il faudra encore revenir sur ces longs et savants calculs car l’année
« grégorienne » est encore trop longue d’une demie seconde
par an. Dans 3000 ans il sera nécessaire d’ajuster le calendrier !
il y aura donc encore des réformes qui s’imposeront, en février
ou à un autre moment de l’année …
Comment
voulez-vous qu’il n’en soit pas ainsi ! La lune fait le tour
de la terre sur une courbe elliptique qu’elle parcourt en 29 jours,
12 heures, 44 minutes et 2 secondes, en nous montrant son visage par
phases, de la Nouvelle Lune, au croissant et à la Pleine Lune. C’est
la révolution synodique. Les babyloniens avaient fait sur la durée
de ce parcours une erreur de 0,00005 jours ! Cette courbe monte
et descend autour de la terre. C’est ce qu’on appelle la
révolution sidérale qui elle dure 27 jours, 7 heures, 43 minutes et
11 secondes. Cette courbe l’éloigne ou la rapproche de la terre,
apogée ou périgée et elle met 27 jours 13 heures, 18 minutes et 33
secondes entre deux passages consécutifs au même point. C’est la
révolution anomalistique. Au moment où cette course de la lune
autour de la terre coupe l’orbite terrestre, il y a nœud lunaire
et entre deux nœuds lunaires il se passe 27 jours, 5 heures, 5
minutes et 36 secondes.
C’est
pour cela qu’il y a parfois une année de treize lunes, ce qui
n’est pas le cas cette année. C’est aussi par la division des
365 jours en 52 semaines de 7 jours qu’il y a parfois des mois où
il y a cinq dimanches. Cela s’est produit en décembre 2024. Cela
va se reproduire cette année encore en mars, en juin, en août, en
novembre, et non tous les 623 ans ou autres comme le disent tous les
fake news que se plaisent à diffuser à tort quelques amis sur les
réseaux sociaux ou dans vos boites mails.
Voici
donc février avec son lot de dictons -plus de 150 ! - sur le froid
rigoureux qu’il nous réserve souvent, mais aussi avec ses fêtes,
vestiges des fêtes païennes ou fêtes chrétiennes.
Février
vient du latin « februare » c’est-à-dire « purifier ».
Chez les Romains c’était le mois des purifications rituelles. D’où
l’origine de la fête de la Purification rite aussi de la religion
juive que Marie, mère de Jésus respecta et appliqua. C’est devenu
pour les chrétiens la fête de la Purification et de la Présentation
de Jésus au Temple, fête instituée pour commémorer selon la loi
de Moïse la présentation au Temple de Jérusalem, de l’enfant
mâle, premier-né, 40 jours après sa naissance, rite accompagné de
l’offrande de deux colombes. C’est la fête de la Révélation de
Lumière du Monde, Jésus Lumière d’Israël Lumière des Hommes.
Et cette lumière est symbolisée par les cierges.
Nous
voilà tout de go encore dans les vestiges de ces fêtes qui depuis
la Sainte Luce ponctuent le calendrier de célébrations qui ont pour
objet depuis le solstice et le « sol invictus » de
célébrer le retour de la lumière du soleil.
Ces
derniers jours de janvier, les Grecs fêtaient le dieu Pan qui avait
la réputation de terrifier les campagnes et de séduire les femmes.
Son apparition, réelle ou supposée, déclenchait une fuite
générale : la « panique
» …C’est là l’étymologie de ce mot.
A
Rome, sur le même registre, on organisait les Lupercales, fêtes
dédiées à la Louve qui éleva Romus et Romulus, fêtes de la
fécondité. Les Romains s’assemblaient dans les rues avec des
torches, pour manger des galettes de céréales en l’honneur de
Proserpine. Cette divinité était la reine des enfers et aussi la
protectrice du monde agraire. Chaque année elle remontait à la
terre pour favoriser la germination des plantes. Certains débauchés
parcouraient les rues de la ville en agitant des flambeaux, et vêtus
de peau de bêtes semaient la « panique » au sein de
la gent féminine.
Le
Pape Gélase essaya de mettre fin aux orgies dans lesquelles
dégénéraient ces fêtes et substitua aux lupercales la fête de la
purification. Il eut l’idée alors de distribuer les galettes aux
pèlerins affamés venus à Rome. On les appelait alors des
« oublies ». Ce sont les ancêtres de nos crêpes de la
Chandeleur.
On
retrouve également dans cette fête de la chandeleur, de lointaines
réminiscences des fêtes de la purification chez les celtes, qui
l’hiver tirant à sa fin, célébraient la purification de l’eau
pour assurer la fertilité et la fécondité avec le retour de la vie
en cette fin d’hiver. C’était la fête d’Imbolc.
Il
est également possible de faire un rapprochement avec les Parentalia
romaines,
c’est-à-dire la fête annuelle en l’honneur des morts, au cours
de laquelle on veillait en s’éclairant de chandelles et de torches
en honorant Pluton et les dieux. D’où peut-être cette vieille
tradition qui faisait qu’on gardait les cierges bénis de la
Chandeleur, pour pouvoir les allumer auprès des morts dans nos
familles, ou encore pour les allumer quand il y a de l’orage, pour
préserver de la foudre… !
Ces
rappels et ces interprétations mériteraient des recherches
approfondies et des développements plus poussés que ne peut le
faire cette chronique déjà bien longue !
Il
faut retenir de ceci ces fêtes de février sont plutôt un
vestige de ces rites et fêtes païennes, et que tout comme pour la
fête de la saint Luce il s’agit avant tout de célébrer la
victoire de la nuit sur les ténèbres, avec le jour qui devient plus
important que la nuit, la nature qui commence à se réveiller malgré
les derniers assauts de l’hiver.
Les
crêpes, tout comme la galette des Rois, symbolisent le soleil
renaissant ! Roue solaire, beignets de forme ronde…oreillettes
aussi dans le Midi.
Les
non chrétiens, ou les autres religions, ne devraient avoir aucun
scrupule, ni craindre aucune compromission à célébrer la
Chandeleur, comme Noël d’ailleurs, puisque leurs origines ne sont
pas exclusivement chrétiennes.
Célébrer
le soleil et la lune qui brillent pour tout le monde, et la nature,
n’est-ce pas un bel hommage à la création !
A
Marseille, c’est encore une autre tradition qui attire la foule. Il
y a certes la procession et la cérémonie religieuse dans l’abbaye
Saint Victor, mais surtout, la vente de ces petits pains en forme de
navette, cet outil dont se servaient les pécheurs pour réparer
leurs filets. Ce sont de petits gâteaux secs de 10 à 12 cm de
longueur, fendus en leur milieu, parfumés à la fleur d’oranger,
fabriqués depuis 1781 et cuits dans le Four des Navettes, sur le
vieux port. En bon gardois je dirai que c’est moins bon que les
croquants Villaret de Nîmes, n’en déplaise aux marseillais !
Mais c’est presque aussi dur ! Bien sûr ça ne vaut pas les
« casse dents » d’Allauch !
L’origine
de ce petit biscuit serait liée au fait que les pèlerins venaient
ici à jeun pour participer à l’office et communier. Il leur
fallait, en sortant, un bon biscuit. C’est Monsieur Aveyrous qui
fonda le premier four où sont toujours cuites ces navettes. Les
traditions, si elles perdurent, perdent souvent leur vraie origine.
Où
est la vérité dans cette histoire ? On dit parfois que ces
navettes rappellent la barque qui aurait amené le premier évêque
de Marseille, Lazare, avec Madeleine, Marthe et les deux « Marie »
Jacobé et Salomé… Mais alors quid des Saintes Maries de la Mer ?
on dit que les pécheurs, tenus à l’écart d’une épidémie de
choléra seraient ensuite venus remercier Saint Victor en apportant
des petits biscuits rappelant leur barque…
Que
les vrais Marseillais ne se fâchent pas… mais où est la part
d’histoire, de tradition ancestrale, de religion, ou d’irrationnel,
ou tout simplement le côté pratique des choses ? Je suis
preneur de toute autre version de cette « histoire
marseillaise ».
Ce
qui est sûr dans ces manifestations, c’est la Foi exprimée par
les pèlerins, et comme c’est la Foi qui sauve, je n’épiloguerai
pas plus longtemps.
Février,
pour ce qui est du temps, est le mois des retournements les plus
hasardeux : « Février,
le plus court des mois, est de tous le pire à la fois. » Ou
encore : « Février,
de tous les mois, le plus froid, le plus matois ».
Et aussi : « Février
tourne son bonnet sept coups devant, sept coups derrière ! »
Que va-t-il se
passer le 2 février puisque le dicton nous dit : « A
la Chandeleur, l’hiver cesse ou prend rigueur. » Tout
pourrait encore
changer car février 2025 commence dans la mouvance de la Nouvelle
Lune du 29 janvier et les prévisions à ce jour nous annoncent pluie
et baisse de températures au moins pour les dix jours qui viennent.
Et le 3 février : « A
la saint Blaise, l’hiver s’apaise ; mais s’il redouble et
s’il reprend, de longtemps il ne se rend. »
Ces
chutes brutales et ces montées de température, provoquent des
dégâts considérables sur la végétation. Les écarts de
température entre le jour et la nuit tuent les plantes et les
arbres. C’est ainsi que le 2 février 1956, dans le midi, les
oliviers ont gelé. Il faut expliquer qu’il avait fait très doux
dans la journée, 18°. La sève des arbres avait commencé de
monter. La nuit la température est tombée brutalement à moins 20°.
Le tronc des oliviers éclatait sous le gel… : « cette
nuit-là on entendit les oliviers crier ! ... »
De
fait, il vaut mieux que février remplisse son contrat et soit
mauvais, car s’il ne l’est pas, nous en subirons les conséquences
tout au long de l’année : « Février
trop doux, printemps en courroux » ;
Ou : « Quand
la bise oublie février, elle arrive en mai » Et
aussi : « Si
février ne févrière pas, tout mois de l’an peu ou prou le
fera ! »
Dans
notre course après le temps, nous ferons probablement une pause pour
la saint Valentin le 14 car ce sera proche de la Pleine Lune du 12. Ce pourrait être le printemps
de la saint Valentin ou tout le contraire, une période de froid vif.
Difficile d’être plus nuancé ou prudent ! Et on fera la
fête ; surtout du côté de Roquemaure dans le Gard rhodanien.
Juste
un peu d’humour avec l’histoire, la « petite histoire »
comme on dit, puisque nous allons faire des crêpes. On raconte qu’en
1812, à la Chandeleur, Napoléon 1er
avait tenu à faire des crêpes et à les faire sauter. C’était
avant la campagne de Russie. Et selon la tradition, pour que cela lui
porte bonheur il les fit sauter dans la poêle. Mais il loupa la
cinquième. Quelques mois plus tard, devant Moscou fumant, il dit à
Ney : « C’est ma cinquième crêpe ! ».
Je
pense moi qu’il s’agissait bien plutôt ce jour-là d’une
question de calendrier, de temps et de lune !
Quant
aux « crêpes Suzette ” l’origine en serait la
suivante : en 1903, Edouard VII roi d’Angleterre fit une
visite officielle en France. On se souvenait dans certains milieux
parisiens des frasques du Prince de Galles. Le prince se rendit dans
l’établissement d’Henri Charpentier, qu’il avait bien souvent
fréquenté. On servit des crêpes et le restaurateur eut l’idée
de verser de l’alcool dessus pour les faire flamber. Il dit en
regardant le prince en bonne compagnie : « Nous les
appelleront ; crêpes princesse » !. « Disons
plutôt Suzette ! » rectifia galamment le prince avec
sans doute un clin d’œil vers la dame qui était à ses côtés.
C’est ainsi que la jolie Suzette est passée à la postérité. La
paternité de cette anecdote est attribuée, sans preuve réelle, à
d’autres restaurants, ou à d’autres chefs célèbres dont
Escoffier. Mais l’anecdote est presque toujours la même.
Vous
voyez bien que selon que tel jour tombe à une phase de lune ou à
une autre, lune qui n’a pas de rayonnement mais qui donne toujours
de bonnes indications rappelées par les dictons de nos Anciens, on
dit il fera froid ou il fera beau. Comme le cycle lunaire ne se
renouvelle pas chaque année aux mêmes périodes vu les décalages
des calendriers, il y a peu de chance que les dictons se réalisent
chaque année à la même date ?
Cette
année la Nouvelle Lune du 29 janvier a marqué un réel changement
de temps avec pluies et orages.
« Février
de tous les mois le plus court le plus matois »
dit le dicton. Nous verrons bien ce qu’il nous réserve. Pour le
moment le début du mois s’annonce avec du mauvais temps, de la
pluie et du froid démarre bien mal au lendemain de la Nouvelle Lune.
La première phase du cycle de la lune est dite « nouvelle lune ».
Tous les proverbes se recoupent pour dire que trois à quatre jours
après la nouvelle lune, il y a du mauvais temps : «
Belle lune nouvelle,
dans trois jours cruelle
» « Lune nouvelle
au beau, le quatre à l’eau
» A l’inverse « Quand
la lune se fait méchante, la prochaine sera charmante
» ou « Quand la
lune se lève dans un bain, deux jours après beau temps certain.
»
De
fait, il vaut mieux que février remplisse son contrat et soit
mauvais, car s’il ne l’est pas, nous en subirons les conséquences
tout au long de l’année : « Février
trop doux, printemps en courroux » ou « Quand la bise
oublie février, elle arrive en mai » ; Et
aussi : Si
février ne févrière pas, tout mois de l’an peu ou prou le fera !
N’oubliez
pas la Saint Valentin, le patron des amoureux. Cela méritera bien la
chronique spéciale que je vous enverrai sous peu, au risque de vous
lasser car elle risque d’être très proche de celle de l’an
dernier. Mais comme bis
repetita… !
A
Diou sias !
Jean
Mignot
31 janvier 2025